Une énergique déclaration d’amour à la langue, c’est ce que Jacques Bonnafé a tiré des textes provoquants, et poétiques de Jean-Pierre Verheggen. Des lapsus aux calembours, des associations de sons et d’images, des dérapages contrôlés d’un mot à l’autre avec « la faute de frappe au bord des lèvres » (Jacques Bonnafé) on s’étonne, on rit, on perd son souffle en se laissant entraîner par le rythme d’enfer qu’imprime l’acteur. Il passe de l’art du clown à celui du slameur, il se régale du discours de l’homme politique qui se laisse emporter par des successions d’expressions toutes faites, qui mises bout à bout révèlent le vide sidéral du propos, comme de l’argumentaire du manager tout aussi creux. Cela démarre très fort avec un Bonnafé costumé et cravaté qui déclare de la salle « Qu’il me soit permis, avant de prendre la parole de vous dire ces quelques mots » et il ne va pas s’en priver. Avec Jean-Pierre Verheggen il nous invite à oser tous les niveaux de langue : "Parlez verlan si ça vous chante mais parlez verlan comme l’aurait fait Paul Verlaine en son temps, parlez-le en poètes, parlez en Paul Verlan tant qu’à faire ! Creusez-vous la tête ! Ecrivez !". Il n’hésite pas à dynamiter le sérieux compassé, le bien-pensant, le politiquement et culturellement correct : « Saint-John berce mon cœur d’une langueur excessive ». Jacques Bonnafé qui se dit « languedicapé de naissance » développe une agilité dans la parole autant que dans son occupation de la scène qui laisse tout le monde pantois. C’est brillant, intelligent et drôle et l’on ne s’y trompe pas en voyant l’air réjoui et heureux des gens qui sortent de la salle.
Micheline Rousselet
Jusqu’au 9 octobre à 21 h, le dimanche à 17 h. Relâche le lundi.
Théâtre de la Bastille
76 rue de la Roquette, 75011 Paris
Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits mais sur réservation impérative) : 01 43 57 42 14
www.theatre-bastille.com