La saga des sœurs Izner dans ce Paris des années 20, étrange, secoué par le jazz, les comédies musicales, Cocteau, les surréalistes, la révolution russe… se poursuit dans ce troisième opus, « La poule aux œufs d’or ». Le narrateur, pianiste de jazz, américain, Jeremy Nelson – il a rencontré, dans l’ouvrage précédent « La femme au serpent », la famille de Victor Legris pour relier des histoires du 20e et du 19e siècle – se transforme en enquêteur tout en nous faisant visiter certains lieux du Paris « qui « jazze ». Dans cette troisième enquête, il est engagé par le... cinéma. C’est une des grandes bizarreries du cinéma muet : la musique est nécessaire pour mettre les acteurs dans l’ambiance. La musique et le cinéma opérait déjà leur histoire d’amour/haine.
« La poule aux œufs d’or » - un titre qui ne s’explique pas totalement – raconte surtout les trajectoires de « russes blancs » qui ont refusé la révolution en choisissant l’exil pour se retrouver loufiat, chauffeur de taxi ou autre métier à la qualification empirique. Le choix était limité pour la plupart d’entre eux et plus encore pour elles. Certain-ne-s n’étaient pas partis sans rien. C’est le cas ici. La chasse au trésor s’ouvre. Ici, l’auteure prend pour personnage une professeure de diction. Les actrices de cinéma pensent au théâtre, à Sara Bernhardt et à ses funérailles nationales, pour devenir des « vrais » comédiennes. Les débuts du cinéma parlant, comme le raconte le film de Stanley Donen et Gene Kelly, « Singin’ in the rain », leur donneront du travail.
S’entremêlent la chasse au trésor – une trousse de couture – qui fait des mort-e-s, la réalisation du film, les scènes de la vie quotidienne via la petite fille des bouchers, la littérature et le jazz. Un cocktail qui incite à suivre les aventures de Jeremy Nelson. Il y faudrait la bande son pour évoquer cette période faite de sauvage joie de vivre, d’alcool, de nuits ruisselantes et de gueules cassées.
Nicolas Béniès.
« La poule aux œufs d’or », Claude Izner, 10/18