Je dois l’avouer. Ces derniers temps, j’ai été souvent déçu par Abdullah Ibrahim – Dollar Brand pour beaucoup, surnom que Duke Ellington, pas avare d’une plaisanterie, lui avait donné – en concert et en disques. Trop souvent, il faisait penser à du sous Keith Jarrett. Il faut dire, à sa décharge, que le Keith en question bouffe toute la place dans les mondes pianistiques.
Pour ce « Mukashi », sous titré « Once upon a time », il était une fois donc, le pianiste compositeur atteint une sorte de plénitude. Les mélodies flottent, s’étendent par nappes qui s’étirent voluptueusement. Une paix semble régner dans cet album comme si les cris devenaient latents, virtuels, se glissant ça et là dans les interstices d’une mer trop calme pour être vraie. L’instrumentation révèle cette apparence. Flûte et deux violoncelles en plus du piano…
Abdullah Ibrahim retrouve là ses racines sud-africaines pour dresser un autoportrait, une autobiographie. Les titres sont révélateurs : le temps du rêve, les étoiles en souvenir, sérénité, Pour Monk… qui se termine en essence et l’équilibre, l’harmonie.
Le vieil homme se livre sans apprêts pour démontrer que face à monde cruel, il faut avoir la faiblesse de la sagesse et de l’intelligence.
Nicolas Béniès.
« Mukashi », Abdullah Ibrahim, Intuition distribué par Socadisc .