La gravité et la colère, nous les partageons avec tous les personnels aujourd’hui mobilisés, ici, devant le ministère, mais également dans de nombreux départements. Nous les partageons avec l’ensemble des personnels qui sont empêchés dans leur travail, dans leur mission et qui réclament le respect.
La gravité et la colère, nous les partageons avec nos camarades représentant.es des personnels en CHSCT, qui ont déjà ou qui vont être amené.es à enquêter sur des suicides.

Notre responsabilité de représentant.e des personnels, nous l’assumons collectivement à chaque fois que nous alertons en CHSCT, à chaque fois que nous portons leur parole. Et de la responsabilité de notre employeur, nous attendons et nous exigeons qu’elle soit enfin à la hauteur des attentes et des besoins des agents de notre ministère, qu’elle soit enfin à la hauteur de ses obligations légales et réglementaires.
Le travail ne doit pas porter atteinte à la santé. Personne n’a le droit, par ses agissements, ses décisions, ou ses manquements de porter atteinte à la santé d’autrui, pas même un employeur envers ses salarié.es ou ses agent.es.

Cette demande de réunion extraordinaire, nous l’avons formulée à la suite du suicide de Christine Renon. Contrairement à ce que pourraient laisser entrevoir les remontées ministérielles, cet acte est loin d’être isolé.
Nous l’avons formulé parce que Christine Renon nous a laissé un témoignage édifiant, qui a marqué toute la profession et qui la marquera encore longtemps.
Nous l’avons formulé car c’est à maintes reprises que nous avons demandé dans cette instance que des actions de prévention des actes suicidaires soient menées à tous les niveaux. Sans succès.
Nous l’avons formulée avant même que son acte puisse être reconnu en accident de service, car nous ne comprendrions pas qu’il ne le soit pas.
Comme nous allons vous le rappeler durant cette réunion, c’est trop souvent que nous sommes -représentant•es des personnels -informé•es ou alerté•es sur des actes suicidaires.
C’est régulièrement que les représentant•es des personnels en CHSCT académiques et départementaux sont confronté•es à des drames et alerté•es de situations très préoccupantes.

Dans certains cas, des enquêtes sont organisées, des préconisations sont faites, mais c’est surtout le déni qui domine. Déni des difficultés auxquelles sont confrontés les personnels, absence de prévention primaire, refus de mise en œuvre des prérogatives des CHSCT, absence d’information des ayant droit ou des victimes lorsqu’elles ont survécu, déni du lien avec le travail, refus des responsabilités d’employeur… Le tableau que nous sommes forcé•es de dépeindre est bien
sombre. La dilution des CHSCT dans le future Conseil social acte le déni ne fera qu’aggraver la situation.

Lorsque la situation se dégrade, lorsque l’épuisement professionnel, la dépression ou l’acte suicidaire surviennent, notre employeur et ses représentant•es présidant les CHSCT ont vite fait de se défausser en pointant de supposées fragilités personnelles, qui lorsqu’elles existent, découlent bien souvent et justement de la dégradation des conditions de travail, de l’impossibilité de remplir sa mission, de la perte de sens du métier, de l’absence de soutien, d’aide ou de reconnaissance de l’institution. Et souvent même, cette perte de sens découle des décisions prises et des réformes élaborées et mises en œuvre par notre employeur.
Ces réformes menées sans prise en compte de l’expertise et de la parole des personnels, sans aucune considération a priori des besoins d’amélioration des conditions de travail ; ces réformes menées sans accompagnement digne de ce nom ; ces réformes menées tambour battant au rythme des alternances politiques, nous en démontrons et dénonçons régulièrement les effets délétères.
Nous avons à plusieurs reprises demandé à être saisis en CHSCT pour analyser leurs effets.
Mais à chaque fois, et toutes les réponses aux avis émis dans ce domaine le confirment, le ministère nous a refusé cette prérogative. Des discussions sont soi-disant menées ailleurs, dans d’autres lieux, dans d’autres salles de réunions, mais pour mieux éviter la question des conditions de travail et des risques professionnels.

En 2013, à peu près à la même période de l’année, le CHSCT ministériel était aussi réuni à la suite du suicide d’un collègue enseignant dans la série STI2D. Aucun enseignement n’a été retenu quant à la conception et à l’accompagnement des réformes, aucun enseignement n’a été retenu en matière de management et de gouvernance. A moins que l’effet recherché soit justement la déstabilisation des personnels…
Cette réunion extraordinaire du CHSCT fait suite à un suicide. Face à un suicide au travail, le pire est de ne rien faire. Pour la victime, pour ses proches, pour ses collègues et pour tous les agent•es qui se reconnaissent dans l’expression des difficultés rencontrées.
Mais agir suppose que l’employeur reconnaisse sincèrement qu’il y a un lien entre le travail et le suicide. Pour la personne directement concernée, pour son entourage personnel et professionnel, et pour toute la communauté professionnelle.
Agir, ce n’est pas rédiger un énième plan qui laisserait l’action en plan, même si les guides ou vademecum peuvent avoir toute leur utilité.
Agir, c’est transformer le travail, son organisation, ses moyens, son contenu, pour que les personnels retrouvent le sens de leur activité, et la possibilité de se développer dans leur travail, autrement dit la santé au travail.
A ce jour l’impulsion politique n’y est pas. L’absence du ministre aux réunions du CHSCT illustre une indifférence manifeste pour les questions de santé, de sécurité et de conditions de travail. Cette réunion du CHSCT ministériel doit pourtant déboucher sur une réelle prévention à l’Éducation nationale.
Une des préconisations du rapport parlementaire sur la prévention dans la fonction publique a retenu notre attention. Il s’agit de la nécessité de réaliser des études d’impact sur les conditions de travail avant la mise en œuvre de toute réforme. On mesure le chemin à parcourir pour passer à une réelle prévention primaire dans notre ministère. Comme le souligne ce même rapport, il y a urgence. C’est la même urgence qui est exprimée par les personnels que nous représentons.
Le ministre de l’Éducation nationale a déclaré à la rentrée scolaire que l’amélioration des conditions de travail était prioritaire. Le 5 septembre dans cette instance, nous affirmions que cette déclaration d’intention était déjà démentie par les faits. Deux mois plus tard, et 10 ans après la signature de l’accord cadre instituant les CHSCT dans la Fonction Publique, la situation est plus qu’alarmante.