Les chiffres préoccupants de l’augmentation des passages aux urgences et des tentatives de suicide, particulièrement des jeunes filles, ont été rappelés par différents intervenants.

Le lien avec plusieurs évènements dramatiques récents en collège et en lycée a été souligné ainsi que la nécessité d’un meilleur accompagnement.

Toutes les mesures préconisées par le MEN se concentrent en effet sur un repérage et une détection précoce, en maternelle et à l’école élémentaire. Est-ce à dire que les troubles anxio-dépressifs, les pensées suicidaires, la psychose seraient détectables dès l’enfance ?

Pourtant, Santé publique France affiche dans son communiqué du 9 avril 24 que « L’adolescence est une période durant laquelle les jeunes sont confrontés à de nombreux changements, pressions et défis, susceptibles de les rendre plus vulnérables sur le plan de la santé mentale. C’est à cette période que peuvent apparaître les premières manifestations de l’anxiété, de la dépression ou des conduites suicidaires. »

Deux explications :

  • Les difficultés de l’État à faire face à ses obligations réglementaires en matière de visite médicale de la 6ème année. Actuellement, seulement 20% de ces visites sont assurés faute de personnels disponibles dans les services départementaux des PMI. Le MEN préconise donc de faire assurer cette visite de 6 ans par les personnels de l’Éducation nationale : médecins, infirmier·ères, assistant·es de service social, PsyEN dont les charges de travail sont déjà énormes. La·le PsyEN sera surtout attendu·e pour un entretien ou bilan psychométrique ! Il s’agit donc purement et simplement d’une augmentation des tâches et d’un redéploiement des moyens de l’EN en direction des collectivités et de la Santé.
  • Le retour insidieux des idées rétrogrades véhiculées dans le rapport de l’INSERM de 2005 sur « les troubles des conduites chez l’enfant et l’adolescent ». Ce rapport avait déclenché l’énorme mouvement de protestation « Pas de zéro de conduite ». La recherche des gènes de la maladie mentale continue à obséder certains chercheurs !

Alors que les causes environnementales relèvent de mesures sociales, la réponse du MEN porte sur la modification des comportements individuels

Le médecin psychiatre intervenant lors des assises a lui-même insisté sur les différents facteurs à l’origine des problèmes de santé des enfants et des adolescent·es : obésité, sédentarité, surconsommation des écrans, manque de sommeil, etc. Les liens avec la précarité sociale et économique ont été largement soulignés ainsi que la nécessité de ne pas culpabiliser les enfants et adolescent·es sur ces habitudes de vie qui sont la résultante des conditions de vie de leur famille.

Le développement de programmes de développement des compétences psychosociales a avant tout pour objectif de modifier les comportements individuels.

Rien de ce qui provoque les difficultés somatiques ou psychiques rencontrées par les enfants et les adolescent·es n’est visé par une transformation quelconque. Que l’École ne soit pas directement concernée par l’augmentation des salaires, le droit au logement, la lutte contre les emplois précaires pourrait s’entendre. Mais elle a pourtant beaucoup à faire dans son propre domaine de compétences ! La politique de multiplication des obstacles qui conditionnent la poursuite d’études au lycée et dans l’enseignement supérieur, la création de Parcoursup opérateur de stress, les conditions d’études dégradées du fait du manque d’enseignant·es et de moyens humains pourrait peut- être, sous cet angle, être évaluée et revue ?

Au lieu de cela, les compétences psychosociales des élèves seront dans le socle commun et pourrait donc être évaluées ! Cela revient à dire « quelles que soient vos conditions de vie vous êtes responsable de votre santé physique et mentale ! »

Devant l’ampleur des problèmes rencontrés, on s’attendrait en cette année de grande cause nationale pour la santé mentale, que le MEN lance un plan de recrutement de PsyEN significatif. Or, actuellement, il y a 1 000 postes de PsyEN vacants ou non occupés par des titulaires dans le second degré et autant dans le premier degré : un·e psychologue à l’École prend en charge en moyenne1 600 élèves, soit plus du double des effectifs que dans les autres pays de l’UE.

Au lieu de cela, le MEN veut former (en deux jours !) deux personnels « repères en santé mentale » (enseignant·es ou CPE) dans chaque établissement ou circonscription, qui s’attacheront « au repérage des signes de souffrance psychique, à l’accueil de la parole des élèves et orienteront les élèves en fonction de leurs besoins vers les personnels psychosociaux et de santé ».

Au lieu de profiter de la compétence de haut niveau des PsyEN et de leur capacité à prendre en charge l’enfant et l’adolescent·e dans une approche globale, le MEN préfère découper la personnalité en tranches de symptômes, correspondant chacun à un référent (harcèlement, santé mentale, décrochage, etc.) qui n’auront qu’une perception partielle et très insuffisante de l’état psychologique des élèves !

Les PsyEN quant à elles·eux devront se concentrer sur les bilans, à la demande de différentes structures (CMPP, CMP, maisons des adolescents, services pédopsychiatriques) ou de médecins libéraux. C’est une conception gestionnaire de l’utilisation des compétences professionnelles !

Alors que les moyens en PsyEN manquent cruellement sur le terrain, il est prévu de prélever 100 postes, soit un par département) afin d’assurer des fonctions de « pilotage ». Ce « conseiller technique en santé mentale » sera chargé d’appliquer les décisions du DASEN qui redéfinira les missions jugées prioritaires sur son territoire, et donc de relayer les demandes faites par différents organismes selon les termes des conventions signées entre Recteur de région académique et l’ARS.

C’est auprès des équipes, dans les écoles, les collèges et le lycées, avec les RASED et dans les CIO, que le travail de prévention peut se faire. Pourquoi le MEN n’officialise-t-il pas les cellules de veille que se sont données les équipes pluriprofessionnelles sur le terrain ? Et pourquoi ne se fixe-t-il pas comme objectif de pourvoir tous les postes pour qu’elles soient complètes ?

Le décalage entre la réalité et les mesures préconisées ne traduit pas seulement une déconnexion du terrain, mais également une volonté de réorganisation des soins psychiques dissimulée derrière des incantations au bien être, à la réussite, à l’empathie.

La table ronde organisée au Sénat le 28 mai, où seules des associations favorables aux mesures étaient invitées, avait pour thème « la refondation de la santé solaire ». Effacer les frontières entre École et structures de soins, désinstitutionnaliser la prise en charge du handicap et de la maladie mentale, déprofessionnaliser les personnels, couper l’orientation de la psychologie, voilà les véritables projets du gouvernement.


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