Avant tout, les collègues tiennent à rappeler :
1) leur rejet unanime des réformes structurelles en cours , fil conducteur de nos mobilisations à venir (de parcoursup – faisant du lycée une plate-forme de tri sélectif vers le supérieur – , à la réforme du lycée modulaire – destructeur de statuts – , en passant par la réforme du baccalauréat – aggravant l’arbitraire de l’évaluation locale, fautrice de sélection sociale, etc.),


2) mais aussi – et sans tomber dans le piège démobilisateur d’une logique concurrentielle entre disciplines – le fait que la philosophie a été particulièrement touchée par la dernière réforme du lycée (2010-2012 ), réforme qui a vu augmenter le nombre de classes par professeurs (jusqu’à 7 à 9 classes à examen pour un certifié, suite à la perte des dédoublements dans les séries technologiques et à la réduction de l’horaire en S ), et rendu très difficile, voire impossible, l’exercice satisfaisant de notre métier. Il faut vraiment prendre au sérieux la souffrance au travail engendrée par la précédente réforme du lycée, et la nécessité d’une amélioration – et a fortiori, d’une non-dégradation – des conditions de son enseignement, dans la réforme à venir. En conséquence, les annonces du rapport Mathiot génèrent des inquiétudes considérables.

– Inquiétude n°1 :

– L’horaire potentiellement insignifiant, dédié à l’enseignement de la philosophie dans l’unité générale du tronc commun (12h se partageraient entre 6 disciplines, ce qui laisse présager d’un volume de 2h hebdomadaires pour chacune…).

– Le rapport suggère de regrouper les troncs communs selon 3 critères : le tronc commun approfondissant les sciences dites « dures » (ex « S »), un second tronc commun selon un profile plus littéraire et sciences humaines (ex « L » + « ES »), le dernier étant orienté vers les approfondissements à dominantes technologiques (cf. rapport p.36). Les horaires de philosophie y seraient-ils répartis différemment ou se dirige-t-on vers un forfait philo de 2h pour tout le monde ? Doit-on s’attendre à un cadrage national des horaires disciplinaires – y compris dans le tronc commun – ou à d’insupportables transactions locales au nom de l’autonomie chère à notre ministre ?

– Par conséquent, le snes doit continuer à exiger un horaire dédoublé (en philo, mais pas que…) dans le tronc commun technologique.

– Le rapport souligne (p. 35) le caractère « particulier » de la philosophie, à la fois enseignée tardivement (en Terminale) et évaluée universellement. La traduction de cette particularité rejoint la demande récurrente des professeurs de philosophie de disposer d’au moins 4h00 dans les séries générales (pour mémoire, le SNES demande actuellement le retour à 4 heures prof. en S et 3 heures prof. en séries technos).

– En tout état de cause, le rapport Mathiot lui-même souligne que la philosophie doit être enseignée « dans des conditions comparables à la situation actuelle » (page 14) . Or, actuellement son enseignement est de 3h00 en S, 4h00 en ES, 8h00 en L et 2h00 en séries technologiques (parfois avec une heure dédoublée). On ne saurait alors accepter de descendre en dessous de ces seuils !

– Inquiétude n°2 :

la fin des séries et de la « L » en particulier (et de ses 8h de philo pour environ 1 terminale sur 10 en LEGT). Aussi, s’inquiète-t-on de la part de la philo qui serait choisie en majeure (Mathiot suggère au moins 2 menus philo. sur les 15 ou 17 nationaux, page 40 du rapport ). Le choix de la mineure risquerait d’avoir les faveurs des seuls élèves du tronc commun (ex L+ES), au gré du changement de semestre (p.39), ruinant au passage toute progressivité annuelle dans notre enseignement, au profit d’un zapping disciplinaire. Quant au gros des troupes, l’horaire du tronc commun deviendrait la norme, alors que les « attendus » du supérieur joueront à plein…

– En conséquence, il serait souhaitable que la philosophie soit représentée dans des majeures en Terminale, conformément aux préconisations du rapport lui-même. Ajoutons que la philosophie ne doit pas se laisser enfermer dans des couplages « littéraires », alors qu’elle a tout autant vocation à s’adresser à un public scientifique (sciences de la nature + sciences humaines)

Si nous n’avions d’autres choix, nous proposerions ainsi les couplages suivants (en plus du couplage Lettres/Philosophie) : Maths/Philosophie, SVT/Philosophie, SES/Philosophie, HG/Philosophie … Ce serait, pour prendre le rapport à la lettre, un bon exemple de « disruptivité » (page 40)

– Inquiétude n°3 :

– Quelles seraient les conséquences de ce projet sur les postes actuels et à venir ? Si nous examinons le scénario pessimiste (2h de philo en tronc commun pour tout le monde, un choix timide de la philo en majeure et un choix de la mineure cantonné aux élèves du tronc commun littéraire et sciences sociales…), alors on peut craindre le pire. Certes, l’hypothèse peut sembler délirante, mais en l’état, ce serait non moins qu’un tiers des postes actuels qui serait en surnombre… On peine à imaginer que le ministre se prépare à une attaque aussi frontale de la profession !

– A l’inverse, un tronc commun conforme à la demande des collègues (cf. notre point 1) se traduirait par le besoin d’augmenter de 10 à 15% nos effectifs, pour être en mesure d’assurer l’enseignement d’approfondissement préconisé dans le rapport. Là aussi, on peine à imaginer une telle bonne nouvelle, alors que les postes offerts aux concours externes accusent dès 2018, une baisse vertigineuse de 20%…

– Le Ministre pourrait donc s’inscrire dans une tendance observée depuis le tournant des années 2000, consistant à réduire nos effectifs (la philosophie n’étant pas un cas isolé), tout en augmentant le nombre de nos élèves et de nos classes… mais cette fois-ci, une seule réforme pourrait faire autant de dégâts que les 2 précédentes cumulées (réforme Allègre 1999-2001, réforme Chatel 2010-2012).

– Nous devons donc continuer à exiger une augmentation significative des postes aux concours, tant en ce qui concerne les concours externes (alors qu’il faut faire face à la poussée démographique des élèves et aux départs à la retraite des collègues estimés à 80 à 100 départs annuels… contre 140 créations de postes agrégation et capes confondus) que les concours internes (scandaleusement sous-dotés au regard des centaines de non-titulaires précarisés qui seraient les premiers sacrifiés…)

– Inquiétude n°4 :

L’épreuve terminale en juin, alors que les dés sont jetés (avec 75% des résultats + un parcoursup bouclé) serait-elle prise au sérieux ? Certes, un coefficient de 10% se rapprocherait du poids de la philo en S (environ 7.5%) et en ES (environ 11%), contre environ 3% en séries technos… (ce qui interroge aussi ! Est-ce bien adapté à ce public ?). Mais on peut craindre que les vacances commencent dès le mois de mai pour les élèves…

– Nos inquiétudes demeurent donc sur la lourdeur de la correction du bac (épreuve universelle), alors que certains collègues sortiraient à peine de la correction de la philo en majeure… d’où la nécessité d’avancer l’écrit en amont du 15 juin pour étaler le temps de correction (et ce, dès 2018 !).

Conclusion, la mobilisation d’un front intersyndical et inter-associatif sera plus que jamais décisive. Ce front doit dès à présent réactiver ses contacts avec l’enseignement supérieur, à l’instar de ce que nous avions su insuffler en juin 2015.

Le temps des nouveaux états généraux de la philosophie est probablement venu… Mais nous y reviendrons !

Réactions des associations de professeurs de philosophie :
– Le communiqué de l’ACIREPH
– La demande d’un moratoire de l’APPEP
– Les inquiétudes de la SO.P.PHI

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