Le 4 mai 2017, le groupe philosophie du SNES a organisé un stage national, consacré d’une part à des questions pédagogiques relatives aux séries technologiques (points 1 à 4) et d’autre part, à nos perspectives d’actions (points 5 et 6). En voici le compte-rendu : glasses-book-84940950.jpg La matinée a été consacrée à une réflexion disciplinaire sur l’enseignement de la philosophie en séries technologiques : 1) La réforme du lycée dans nos académies (académies représentées : Paris, Créteil, mais aussi, Nantes, Limoges, Besançon et Lille) : un tour de table sur nos conditions de travail a confirmé la très grande hétérogénéité de nos situations respectives (en particulier, quant à l’horaire dédoublé en séries technologiques et à la mise en concurrence des disciplines…), situations rendues possibles et encouragées par la réforme Chatel . 2) Une nouvelle épreuve de philosophie pour 2018 Nous avons parcouru le projet de note de service relatif aux nouvelles épreuves de philosophie pour la série STHR (sciences et technologie de l’hôtellerie et restauration). Ce projet encore confidentiel, a été soumis mi-avril aux organisations syndicales (sur un texte déjà amendé par les associations professionnelles). Il est censé s’appliquer dès la cession 2018 et toucherait environ 2500 candidats (à peine 2% des candidats passant un baccalauréat technologique). Cette note donne des « recommandations pour la formulation des sujets » des épreuves de philosophie de la série STHR, sans proposer cependant un sujet zéro. – La principale nouveauté réside dans le sujet 2 appelé « composition », proposant une dissertation guidée (alors que le sujet 1 reste une dissertation classique). Cette composition sera précédée de la consigne suivante : « Pour rédiger votre composition, vous répondrez de manière explicite*, précise et développée aux questions suivantes, qui sont destinées à guider votre rédaction ». Le sujet 3 est un texte précédé de la même consigne (« Pour expliquer ce texte, vous répondrez de manière explicite* …/… »). Le groupe philo du SNES a demandé qu’il soit tenu compte des couplage de notions dans l’élaboration des sujets (par exemple, « l’art et la technique »), hélas cette demande n’a pas été retenue (contrairement aux éléments suivis d’un *) – Le guidage de la « composition » se fait en 4 étapes : a) définition des « termes du sujets » et identification de ses « enjeux » b) mobilisation* des « repères » du programme associés au sujet, afin d’effectuer les « distinctions conceptuelles » jugées pertinentes en les illustrant « par des exemples ». c) formulation des « diverses réponses » possibles au sujet, chaque réponse donnant lieu à un § (argumenté, illustré et mobilisant les connaissances du candidat). Le groupe philo du SNES a demandé – hélas, sans succès – à ce que ce point renvoie explicitement à l’identification d’un « problème » faisant lien entre ces différentes réponses. d) la dernière étape invite le candidat à prendre personnellement position et à argumenter la réponse qui lui semble la plus pertinente au sujet. – Le guidage du texte change également, tout en conservant une filiation évidente avec l’ancienne épreuve : a) on demande au candidat d’expliquer les « points saillants » du texte (expressions, phrases, articulations), en les illustrant et en les reliant aux « repères » du programme. Les repères sont donc à nouveau explicitement sollicités. b) à partir de l’identification de la question à laquelle répond le texte, on demande au candidat d’en dégager la thèse et la structure, inversant ainsi l’ordre des questions 1 et 2 de l’ancienne épreuve. c) à travers un guidage (sous forme d’une « série cohérente de questions différenciées »), on invite le candidat à discuter la position du texte. Là encore, et avec le même insuccès, le groupe philo du SNES a demandé à ce que cette dernière étape rende compte « du problème dont il est question ». – On sait l’urgence de ce chantier, comme en témoigne le chapitre 11 et la conclusion de notre synthèse de 2015 questionnaire « état des lieux » renseigné par 420 collègues (voir également notre analyse des épreuves du baccalauréat en page 2 ). Néanmoins, si le groupe philo salue cette volonté ministérielle de repenser les épreuves de philosophie, sa mise en oeuvre devra être évaluée par la profession et ajustée – sinon améliorée -, a fortiori,si elle devait s’étendre aux autres séries technologiques. Notre stage aura d’ailleurs été l’occasion d’envisager quelques pistes à explorer (cf. point 3). 3) Le recours à un corpus de textes (dans l’épreuve anticipée de français de première, mais aussi dans certains de nos exercices en classe de philosophie…) : une piste à creuser pour l’épreuve de philosophie ? – Nous sommes partis d’un sujet de français de 1ere technologique, proposant un corpus de 3 textes associés à « l’objet d’étude » consacré à l’argumentation (convaincre, persuader, délibérer…). Le programme de français est composé de 4 objets d’étude en séries technologiques (le roman, la poésie, le théâtre et l’argumentation), s’y ajoutent deux autres en séries générales (la réécriture et l’autobiographie). Le candidat est invité à répondre à 2 questions sur le corpus (notées sur 6 points). Dans notre exemple : 1) l’image de la guerre dans ces 3 textes (V. Hugo, J. Giono, A. Ferney) et 2) le repérage des procédés d’argumentation. Puis le candidat doit choisir entre un commentaire de texte (issu du corpus) proposant un « parcours »(dans notre exemple, vision et dénonciation de la guerre), une dissertation obligeant le candidat à mobiliser les textes du corpus et un sujet d’invention (ici, rédiger un dialogue…). La dissertation est rarement choisie, ce qui nous montre d’emblée les limites du recours au corpus. Dans notre exemple, le sujet était formulé ainsi : « Les textes du corpus expriment un point de vue sur la guerre. Appréciez-vous qu’une oeuvre artistique cherche à défendre des idées ? Vous répondrez dans un développement composé, en vous appuyant sur les textes du corpus, ceux que vous avez étudiés en classe, ainsi que sur vos lectures et votre culture personnelles. » Voilà donc quelle est l’expérience de la dissertation d’un élève qui nous arrive en terminale, sachant que la grosse majorité des copies de bac se rabat sur le commentaire de texte. – Quant à nos pratiques en classe de philosophie, le recours à un corpus de textes intervient parfois à l’occasion de la préparation d’un devoir à faire à la maison (y compris accompagné de petites questions destinées à attirer l’attention des élèves sur des points importants), voire à l’occasion d’exercices en classe. Un document proposé par un collègue (votre serviteur) illustrait cette pratique en classe technologique non dédoublée, consistant à ramasser en fin de séance un écrit rédigé en binôme et répondant à une série de 3 à 4 questions. Dans notre exemple, il s’agissait d’un corpus de 2 textes philosophique (Bakounine « versus » Spinoza) sur la question de la liberté et de l’obéissance, accompagné d’un petit document détaillant l’exemple de Barbe bleue (cité par Bakounine). Le rôle de l’enseignant durant la séance est d’aider les élèves, en se déplaçant de table en table. Les copies sont corrigées chaque semaine (environ une heure de correction pour une classe de 29, soit une quinzaine de copies). Le cours consiste, durant la séance suivante, à corriger le « TD » en le reliant à une question de cours plus globale. Dans notre exemple, il s’agit d’un cours plus général sur la liberté qui se décompose en une réflexion (1 TD) sur sa dimension juridico-politique et une autre sur la question des déterminismes et du libre arbitre (Descartes « versus » Spinoza illustré par l’acte gratuit du personnage d’André Gide). Sur les deux premiers trimestres, la classe concernée a réalisé 16 TD (8 par trimestre) avec une moyenne d’un peu plus de 14/20. La note de TD est néanmoins minorée dans la moyenne trimestrielle de la classe pour ne pas « gonfler » artificiellement la moyenne de cette STMG plutôt faible. Bien que « peu payant » au final, les élèves se prêtent et se prennent globalement au jeu… On peut raisonnablement estimer que ce travail répété d’écriture et de lecture guidée, portera ses fruits. – Néanmoins, de là à souhaiter que soit intégré le principe du corpus à un exercice de bac, il y a un pas que nous n’avons pas franchi. Tout d’abord, notre programme n’est pas composé « d’objets d’étude » et il est impensable de proposer 3 sujets de bac sur un même champ notionnel imposé par un corpus, comme c’est le cas en français. En supposant néanmoins que le corpus ne concerne qu’un seul des trois sujets (une des deux dissertations par exemple), le risque du corpus est d’inciter le candidat à ne rien apprendre, comptant sur le corpus pour « meubler » sa copie. Cependant, le groupe philo compte organiser dès novembre un stage de réflexion disciplinaire avec le groupe de lettres pour réfléchir à nos pratiques et à nos attentes respectives, relatives à la dissertation (fin novembre 2017). 4) Une épreuve infaisable à cause d’un programme infaisable… – Julien R. (un de nos participants, membre du groupe philo par ailleurs) nous a proposé un exemple détaillé d’un cours sur le bonheur (étalé sur 10 à 11 séances…), associé à la préparation de l’explication de texte et – par le biais de la dernière question du sujet-texte – à l’exercice de la dissertation (en tant que réflexion personnelle, argumentée et critique). Nous reproduisons ici la conclusion de ce dossier détaillé (le document dans son intégralité ) : « Le programme actuel est beaucoup trop vaste et nous condamne à choisir entre deux alternatives toutes deux insatisfaisantes : soit, prendre son temps et habituer les élèves à bien réfléchir, mais en sacrifiant plus de la moitié du programme, sans même pouvoir leur garantir d’être bien préparés sur les sujets qui tomberaient sur la partie du programme traitée pendant l’année, car les sujets risquent toujours d’aborder les notions vues en cours sous un angle qui n’a pas du tout été vu en cours. Soit avancer à toute vitesse pour traiter tout le programme en laissant de côté une partie des élèves qui oublieront très vite tout ce qu’on a dit et en réduisant les thèses philosophiques à de simples opinions que les élèves pourraient apprendre sans réfléchir pour construire, le jour de l’examen, une caricature de dissertation. Ce programme totalement irréaliste produit des copies d’un niveau lamentable à l’examen, dont on ne peut avoir conscience que si on a siégé déjà plusieurs années au jury de baccalauréat technologique. Cette expérience éprouvante montre de façon indiscutable que notre échec est patent en séries technologique. Actuellement, nous n’arrivons pas à apprendre aux élèves à raisonner et à disserter. Cela nous condamne à mettre des notes correctes à des copies qui ne satisfont aucune des exigences affichées dans notre programme. Pour autant, l’expérience prouve également que si on prend le temps d’avancer pas à pas avec les élèves et de leur faire faire de nombreux petits exercices, ils sont capables de faire l’exercice demandé, car ils ne sont pas stupides. Par conséquent, si nous voulons sincèrement conserver l’exercice de la dissertation et offrir aux élèves des séries technologiques l’occasion de développer leur esprit critique, donnons-nous les moyens de cette exigence en resserrant le programme sur deux ou trois notions auxquelles les élèves aient vraiment le temps de réfléchir pendant l’année et sur lesquelles ils pourront faire de véritables dissertations à l’examen. Au delà de la simple question du baccalauréat, l’enjeu est celui de la mise en place d’un enseignement vraiment démocratique de la philosophie. » – Ce document envisage lui même les objections qu’on pourrait lui adresser, objections auxquelles s’est ajouté durant nos échanges, le rappel de l’ambition de proposer durant la terminale, une véritable initiation à la philosophie à travers un champ de réflexion aussi large que possible (ambition qui n’est pas celle du programme de français-philosophie d’une CPGE, dans un cursus post-bac). Reste que la question des programmes est intimement liée à toute réflexion ambitieuse sur la nature des épreuves du baccalauréat… L’après-midi a été consacrée aux perspectives d’actions liées à la défense de notre discipline et du baccalauréat : 5) Se saisir du CHSCT (comité hygiène, sécurité et conditions de travail) : – Le secteur du SNES en charge du CHSCT (Hervé Moreau représenté par Emmanuel Mercier) est venu nous présenter cette nouveauté dans l’éducation nationale, instituée en 2011. Lors de la session du bac 2016, le CHSCT ministériel avait été saisi à l’initiative du SNES, relativement aux conditions de travail des correcteurs de l’épreuve anticipée de français. Le CHSCT ministériel avait donc formulé des recommandations qui ont été suivies d’effets dès 2017 (en avançant de deux jours la date de l’écrit du français par exemple, afin de limiter à 11 le nombre de corrections par jour ouvrable…). Dans le même esprit, le SNES-FSU a d’ores et déjà sollicité le CHSCT ministériel concernant la correction des épreuves de philosophie du baccalauréat 2017. Ayant constaté une très grande disparité dans les conditions de correction d’une académie à une autre, le SNES a demandé à ce que l’écrit de l’épreuve de philosophie soit avancé, de telle sorte que le nombre de copies par jour ouvrable soit ramené à un maximum de 10 (séries générales) à 12 (en séries technologiques). – Le SNES réfléchit par ailleurs à l’utilisation du registre SST (santé et sécurité au travail) – normalement présent dans chaque établissement… -, permettant de constater toute situation de travail dégradée ainsi que de consigner ce qui permettrait d’améliorer les conditions de travail (on pense en particulier au rétablissement des dédoublements…). L’utilisation syndicale de ce registre, au-delà du seul enseignement de la philosophie, supposerait néanmoins une stratégie syndicale validée et pilotée par nos sections académiques. Voilà donc une piste à creuser pour la rentrée 2017. 6) mobilisation 2017 (audience au MEN, amélioration de nos conditions de corrections…) : – Depuis notre stage du 4 mai, nous avons appris le nom de notre nouveau ministre , ex-bras droit de Chatel au moment de la réforme du lycée. Les écrits de J-M Blanquer ainsi que son influence au sein de l’institut Montaigne, laissent envisager une réforme à la fois du baccalauréat (intégrant du contrôle continu) et du lycée (avec toujours plus d’autonomie). La riposte doit donc dépasser le seul cadre de l’enseignement de la philosophie en séries technologiques et du contentieux concernant les dédoublements (sans y renoncer pour autant). – Un tract national sur le baccalauréat sera disponible fin mai. Il devrait nous aider à organiser une résistance à la fois attentive à nos conditions de corrections (cf. point 5) ainsi qu’à l’avenir du baccalauréat (en tant que diplôme national ouvrant l’accès à l’université). Une demande d’audience ministérielle et un préavis de grève « couvriront » la période de l’examen, avec le projet de relancer une mobilisation spécifique à la philosophie qui pourrait être un des catalyseurs de cette résistance à venir. Quoiqu’il en soit, les collègues présents le 4 mai comptent bien s’investir, selon leurs compétences, dans leurs académies respectives. Affaire à suivre… Pour le groupe philo, JFD.

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