Le 23 novembre sortait le rapport de la Convention citoyenne sur le temps de l’enfant. Le 27, c’était le nouveau service militaire et le 28, l’interdiction du téléphone portable. Et maintenant, le ministère de l’Education reprend la communication ministérielle de sa prédécesseure E. Borne pour s’attaquer aux enseignant·es, membres des jurys de bac accusés de laxisme. Tout cela n’a aucun sens sauf peut-être pour un gouvernement qui persiste à défendre un projet éducatif de régression sociale, le tout dans un mépris des alertes sur les effets de ses réformes!  

Les ministres successifs assistent au naufrage du lycée Blanquer et du Bac Blanquer, sans un mot.

Désinformation sur le Bac

« Il faut redonner de la crédibilité au bac » ose déclarer le ministre Geffray dans le Parisien, ce 5 décembre. Et de nous ressortir la mesure sur l’interdiction du repêchage avec des points de jury et de leur plafonnement à 50 points dans tous les autres cas de figure. Comme pour valider le propos et le communiqué de presse qui va avec, dans la nuit, le décret est publié au JO.

Qui peut croire un seul instant que le bac serait renforcé par une disposition qui est supposé faire disparaître une pratique qui n’existe pas ?

En prenant appui sur la note de la DEPP publiée ce même jour, et sur les enquêtes menées par le SNES-FSU seuls 1,7% des candidat·es ont eu le bac général grâce à des points de jurys et 3,4% dans la voie technologique. Tous les chiffres convergent pour démontrer que l’usage des points de jury permettent surtout d’obtenir une mention. Un seul chiffre pour démontrer l’inanité de la communication ministérielle comme du décret : PERSONNE n’a eu le bac avec plus de 50 points de jury !

Que penser de l’interdiction du repêchage, qui ne concernait presque… PERSONNE? Les candidat·es admis à passer les épreuves de second groupe avec 8 de moyenne, pile, représentent 0,34% de l’ensemble des candidat·es de la voie générale, chiffre encore surestimé car comprenant celles et ceux qui ont 8 de moyenne sans ajout de points de jury. Cela représente 1244 candidat·es sur les 366 055 de la voie générale. Qui a eu le bac dans cette configuration avec des points de jury, PERSONNE !

Dans cette grande opération de communication, quels sont les buts que poursuit le ministre ? Sans nul doute, il s’agit de jeter le discrédit sur les jurys de bac, dans la droite ligne de Blanquer qui n’avait pas hésité à ignorer la souveraineté des jurys pour « inventer » des notes lors de la session 2019. Il faut rappeler que ces points de jury ont été institués en 2021 pour permettre aux jurys de continuer à ajuster leur travail d’évaluation en fonction des dossiers scolaires (LSL). En effet, la numérisation et le brassage des copies de bac entravent largement la possibilité de revoir les notes des épreuves avec la consultation de copies que les membres du jury avaient eux-mêmes corrigés.

Il s’agit aussi de faire oublier le seul paramètre qui a fait augmenter mécaniquement les taux de réussite au bac à savoir le contrôle continu . La prise en compte du contrôle continu dans la moyenne de bac détruit de l’intérieur le principe de diplôme national, pas parce que cela fait monter les notes mais parce que cela rend impossible toute égalité de traitement et crée les conditions de la concurrence entre les établissements, les enseignant·es qui évaluent, et les élèves. Dans la logique d’une inégalité de traitement érigée en principe de fonctionnement, il est vain de penser des solutions bureaucratiques pour sortir de cette ornière, à l’instar des projets d’évaluation qui, de toute manière, ne font qu’officialiser les inégalités entre lycées.

Si le ministre joue sur l’inquiétude que devrait représenter l’augmentation des taux de réussite, il cherche surtout à masquer ce qui plombe tout le système : le creusement des inégalités sociales et genrées, étroitement lié aux réformes du bac, du lycée et de l’accès à l’enseignement supérieur.

« Ce bilan confirme l’intérêt d’un baccalauréat rénové, fondé sur la progressivité des parcours, la montée en compétence dans les spécialités choisies et la complémentarité entre contrôle continu et épreuves terminales.  » Voilà ce qu’on peut lire en conclusion du communiqué officiel ! Cela s’inscrit clairement dans un plan de manipulation de l’information.

Contrairement aux discours ministériels, le bac Blanquer et le Lycée Blanquer SONT le problème ! le SNES-FSU continue de revendiquer une autre organisation du bac et du lycée, seule issue pour sortir, enfin, de la catastrophe industrielle que représentent les réformes éducatives portées par les ministres macronistes.

Le lycée au service de l’armée… mais sans téléphone !

L’Education nationale devra « accompagner l’envie de servir », a déclaré le président de la République à propos de la création d’un service national volontaire. Il fait du lycée la clé de voûte de la mobilisation de la jeunesse. Il s’agirait de « consolider l’effort fait ces dernières années à travers le SNU ». De fait, la cible annuelle de 50 000 jeunes sous les drapeaux en 2035 correspond peu ou prou aux derniers chiffres du défunt SNU. Le service national deviendrait ainsi le débouché des classes de défense et sécurité globale, portées à 3 ans et auparavant intégrées aux « classes engagées » prévues pour généraliser le SNU sur le temps scolaire.  En Seconde, le SNU trouverait son avatar dans l’armée en y encourageant les séquences d’observation de juin et chaque année, les jeunes devront au minimum participer à une cérémonie commémorative. Ces dernières annonces sont le révélateur d’une conception autoritaire et militariste d’un projet éducatif de rupture, en contradiction avec l’idée même d’une émancipation par les savoirs.

C’est dans ce contexte qu’il faut replacer l’annonce le lendemain de la volonté présidentielle d’étendre le dispositif « portable en pause » aux lycées où les téléphones portables seraient donc totalement interdits, y compris dans les espaces de repos. Alors que l’institution encourage le tout numérique, y compris à coup d’Intelligence artificielle et impose aux élèves une connexion quotidienne après l’ouverture de Parcoursup… Comment y voir autre chose qu’un discours démagogique, flattant les thuriféraires d’une école à l’ancienne, pour faire oublier la façon dont toutes les choix politiques actuels dégradent le système éducatif ?

Le lycée, angle mort du débat public sur l’éducation

Semaine de 5 jours, journées de cours de 9h à 16h 30 avec 1h30 de pause méridienne, distinction entre enseignements pratiques et théoriques, devoirs à la maison supprimés… Les préconisations de la Convention citoyenne interrogent tant elles sont déconnectées de la réalité. Le rapport va jusqu’à ignorer totalement l’ouverture de nombreux lycée le samedi et les emplois du temps complexifiés par la réforme du lycée de 2019. Pédagogiquement, distinguer théorie et pratique n’a déjà que peu de sens. A quel point faut-il méconnaître les réalités de la voie technologique, par exemple, pour penser organiser la journée d’enseignement sur cette base ? Alors que le constat de la pression croissante qui pèse sur les lycéen·es semble faire consensus, les effets de Parcoursup sont à peine évoqués. Pire, il n’est fait aucune mention des conséquences des réformes Blanquer sur l’organisation des enseignements, la qualité des apprentissages et le climat scolaire. Les enjeux du lycée et de la poursuite d’études ont quasiment disparu du débat public ou sont noyés dans des déclarations démagogiques.

Il faut se souvenir du rapport de l’inspection générale de juillet 2023 qui pointait les effets dévastateurs des réformes sur la santé mentale des jeunes. Lors du dernier Conseil supérieur de l’éducation, le ministre de l’education nationale a enfin admis la possibilité de faire le bilan du Bac Blanquer. Sans plus.

De ces alertes, il ne reste semble-t-il plus rien… Y compris dans la tête du ministre de l’Education nationale. Derrière les annonces, c’est le néant.


Vos questions
Le Snes défend les droits individuels et collectifs. Vos représentants vous répondent, vous conseillent et vous accompagnent.
Accès à la FAQ

Vous ne trouvez pas votre réponse, posez-nous votre question