Première : du « lien social » à la « cohésion et [la] diversité dans une société démocratique ».
Le SNES-FSU a souligné, lors de l’élaboration du programme en 2024, l’importance de contenus tels que l’égalité hommes-femmes, avec une incitation à travailler des sujets comme les stéréotypes, la représentation genrée des formations et des professions, mais également les VSS et leurs conséquences néfastes sur les victimes et plus largement nos sociétés démocratiques.
Cependant, on constate que globalement, ce nouveau programme est centré sur une vision très « étatiste » et quelque peu conservatrice de l’engagement civique.
En effet, les enseignant·es doivent aborder, entre autres, les valeurs et principes de la République, la laïcité, la décentralisation, le « patriotisme constitutionnel » ou encore la défense nationale. Dans les entrées possibles, on trouve surtout des exemples centrés sur l’action de l’État et de ses principales institutions. Cette approche très institutionnelle c’est pas sans placer les personnels dans une situation inconfortable pour mettre en œuvre ce programme : quid de la réalité des politiques menées en matière d’égalité et de justice sociale, ou de laïcité, plutôt que du fonctionnement théorique (et idéal) décrit dans le texte ? Ce dernier ne permet plus aussi aisément de s’intéresser aux rôles des autres acteurs sociaux fondamentaux que sont les associations de défense des droits et libertés, les ONG, les syndicats…
Ainsi, on ne peut que déplorer la disparition de certaines thématiques sociales importantes, comme la désinformation et le complotisme, ou les différentes formes de solidarité et d’engagement. Il est étonnant que le Ministère confine ces enjeux au collège, comme si les élèves ne gagnaient pas en maturité au lycée, rendant cette étude riche de possibilités nouvelles.
Enfin, pour un enseignement qui ne dispose que de 18h par an, le volume du programme n’encourage pas au développement de l’esprit critique, encore moins à une diversification des pratiques de classe et des formes de travaux d’élèves, faute de temps disponible.
Quatrième : Des libertés très encadrées
Comme pour l’ensemble du collège, il convient de souligner que les programmes ont gagné en lisibilité, avec une présentation annuelle, thématique et des notions clés clairement identifiées. De plus, les contenus d’enseignement sont distincts des démarches et situations d’apprentissage : ces dernières sont « possibles » et non obligatoires, ce qui permet l’exercice de la liberté pédagogique.
Cependant, le programme de 4e (« Défendre les droits et les libertés ») souffre des mêmes défauts que celui Première : il est très centré autour des institutions de l’État et des textes juridiques fondamentaux. Il n’aborde quasiment jamais la réalité des faits, même pour la confronter à la théorie du fonctionnement de l’État de droit. Un exemple résonne particulièrement avec l’actualité politique de ces derniers mois, et les remises en cause des missions de l’Office français pour la biodiversité allant jusqu’à la mise en danger de ses agent·es : “la police de l’environnement assure la protection du droit de chacun à vivre dans un environnement « sain et équilibré ».”
L’intitulé annuel peut laisser penser que les droits et libertés sont au cœur de l’EMC en 4e. Dans le détail, ce n’est pas vrai : la moitié de l’année doit être consacrée à la Défense et à la sécurité nationale. Une présentation biaisée de la notion de sûreté dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (que le SNES-FSU avait dénoncée lors de l’élaboration du texte) évacue l’idée de la protection nécessaire des citoyennes et citoyens contre leurs propres gouvernants et leurs abus de pouvoir potentiels.
Une vision irénique des rapports sociaux et politiques se dégage ainsi de l’ensemble du programme, en particulier sur les institutions judiciaires, la défense nationale, la sécurité, l’ordre public… Pour le SNES-FSU, si l’enseignement moral et civique est tout indiqué pour donner des bases de culture juridique et institutionnelle, il ne saurait s’y résumer. Les adolescent·es qui sont nos élèves sont confronté·es dans leur quotidien, y compris scolaire, aux défaillances de l’État, aux dysfonctionnements de la justice, de la police, voire de l’Éducation nationale ! C’est bien à l’école d’accueillir les interrogations voire les indignations que suscitent ces situations. C’est dans les cours d’EMC que l’on devrait pouvoir confronter la théorie et la réalité afin de permettre aux élèves de devenir des acteurs et actrices de leurs droits et libertés.