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Depuis la rentrée, une nouvelle attaque contre nos métiers agite le collège. Certain·es chef·fes d’établissement prétendent imposer un projet local d’évaluation (PLE) et le faire voter en CA ou seulement mener une concertation sur le contrôle continu pour préparer le DNB. En réunion, le même vocabulaire managérial : « harmoniser les évaluations », « se protéger face aux parents », « assurer l’équité entre les élèves »… qu’il faut retourner comme une novlange : il s’agit en fait d’« uniformiser » les pratiques, en exigeant par exemple un même nombre d’évaluations par trimestre par discipline, donner des gages aux parents avec un document opposable donc un formidable levier pour attaquer les notes de contrôle continu.

Après les tentatives de tri des élèves selon leur niveau en mathématiques et en français, après les tentatives d’imposition de progressions et d’épreuves communes pour les trier autrement quelques semaines plus tard… quand ce n’est pas une progression « synchrone » à la séance près, la volonté de tayloriser le métier se poursuit. L’impulsion descend du ministère et ruisselle sur les chef.fes d’établissement puis sur les professeur.es.

Deux semaines avant les vacances, la rectrice de Lille a lancé une offensive éclair sous forme d’un « plan de réussite en Quatrième et Troisième » à retourner avant le 10 octobre ! Est-ce un délai raisonnable pour mener une concertation pédagogique ? Non, mais cette urgence alimente le stress des personnels de direction qui sont plus à même de mettre la pression sur leur équipe. Un exemple de neomanagment. C’est ainsi que des professeurs ont reçu des tableaux à remplir avec ce type de questions totalement intrusives sur leur pratiques pédagogiques : « Comment est habituellement composée la moyenne des élèves dans la discipline ? (Nature, forme des évaluations, poids dans la moyenne…)/ Comment les élèves sont-ils informés des attendus et critères de réussite de ces évaluations notées ? Quelle forme / quelle place prend l’évaluation formative dans la discipline ? Le travail hors la classe est-il évalué ? Si oui, sous quelle forme, et selon quels critères ? Comment les évaluations sont-elles adaptées aux éventuels besoins particuliers des élèves ? Comment les résultats des évaluations (notes, réussites, axes de progression) sont-ils communiqués aux élèves et à leurs parents ? (formes, modalités, temporalité…) Quel est la place des épreuves communes dans la discipline ? (rôle, nombre, poids dans la moyenne, modalités de corrections…)» Dans son courrier, la rectrice fait référence au guide « Formaliser une stratégie de réussite » qui incite l’encadrement à considérer « les professeur-es réticent-es au changement, aux nouvelles réformes » comme des « menaces » (!).

Jouer collectif c’est garder le contrôle

Avant la réforme du collège 2016, qui aurait pu imaginer que les moyennes de contrôle continu du DNB pourraient être un jour scrutées à ce point ? Le ministère a décidé de déposséder les professeur·es de l’acte professionnel de l’évaluation à partir de 2016 avec les bilans de fin de cycle. C’était il y a dix ans à peine, avant que d’autres gouvernements décident à leur tour de transformer le métier de professeur.e en job de passage.

Et il est bien possible, avec la réforme de la formation initiale, que dans les années à venir de nouvelles recrues se satisfassent d’évaluer leurs élèves à partir de banques d’exercices standardisés.

C’est donc maintenant qu’il faut réagir et former un collectif professionnel face à des injonctions hiérarchiques abusives. Face à toute tentative d’uniformisation des évaluations, il faut demander aux personnels de direction de citer les textes règlementaires sur lesquels ils se fondent. Ils et elles citeront la circulaire de rentrée qui évoque la possibilité d’un PLE en collège et la note de service du DNB qui propose une concertation sur le DNB et insiste sur la nécessité d’une « pluralité de notes » pour former une moyenne « représentative. Pour autant ces textes institutionnels n’ont pas de valeur règlementaires, ce que même de haut·es fonctionnaires du ministère admettent en audience. Aucun texte règlementaire (loi, décret, ou arrêté) n’évoque le PLE en collège. Il faut le refuser, ainsi que tout protocole imposant des pratiques pédagogiques d’évaluations et surtout ne pas laisser intégrer ce type de protocole dans le projet d’établissement afin qu’il ne devienne pas contraignant.

Le DNB n’est qu’un prétexte

Les recteurs et rectrices avaient la main pour redresser les résultats de leur académie avec les correctifs académiques. D’un clic, ils et elles pouvaient relever les notes des épreuves terminales du DNB. Aujourd’hui ils et elles sont angoissé·es par l’écart qui s’est creusé entre les résultats des épreuves écrites et les résultats des bilans de fin de cycle bricolés à travers les réglages de logiciels ou fruit de discussions de professeur.es de discipline très différentes.

Pourquoi reporter la responsabilité de ce creusement sur les professeur·es alors que la dégradation des résultats des élèves sont liés d’une part aux effectifs de classes trop chargés pour étayer les élèves en difficulté et à la ségrégation sociale et scolaire que favorisent l’État et des collectivités territoriales en finançant à plus de 73 % les établissements privés sous contrat ?

Pourquoi vouloir harmoniser le contrôle continu alors que le ministère a créé règlementairement une commission académique d’harmonisation qui pourra diminuer ou augmenter les moyennes de contrôle continu de Troisième d’un établissement ? Cette commission académique était nécessaire pour surveiller notamment des établissements privés sous contrat qui ont pris pour habitude de surévaluer leurs élèves mais le ministère a malencontreusement décidé que des professeur.es du privé sous contrat pourrait y siéger.

Les textes règlementaires sur l’évaluation

Le code de l’Éducation prévoit que seul·es les professeur·es sont responsables statutairement de l’évaluation des élèves : ni le conseil d’administration, ni le conseil pédagogique (instance uniquement consultative) n’ont compétence pour contraindre l’exercice de cette mission. Le projet d’établissement ne peut pas être instrumentalisé à cette fin.

LOI n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République (article L912-1 du Code de l’Éducation) : « Les enseignants sont responsables de l’ensemble des activités scolaires des élèves. Ils travaillent au sein d’équipes pédagogiques. […] Les enseignants apportent une aide au travail personnel des élèves et en assurent le suivi. Ils procèdent à leur évaluation. »

Décret n° 2014-940 du 20 août 2014 relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants exerçant dans un établissement public d’enseignement du second degré : « Les missions liées au service d’enseignement qui comprennent les travaux de préparation et les recherches personnelles nécessaires à la réalisation des heures d’enseignement, l’aide et le suivi du travail personnel des élèves, leur évaluation, […] »

LOI n° 2005-380 du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école (article L912-1-1 du Code de l’éducation) : « La liberté pédagogique de l’enseignant s’exerce dans le respect des programmes et des instructions du ministre chargé de l’éducation nationale et dans le cadre du projet d’école ou d’établissement avec le conseil et sous le contrôle des membres des corps d’inspection. Le conseil pédagogique prévu à l’article L. 421-5 ne peut porter atteinte à cette liberté. »


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