Mobilisation du SNES-FSU avec la profession, résultats de la recherche, enquêtes syndicales, bilans de l’Inspection générale qui évoque une « dérive des continents » et mauvais résultats des élèves aux évaluations nationales standardisées ont fini par avoir raison des regroupements interclasses de niveau en mathématiques et en français. Le SNES-FSU attend aussi la décision du Conseil d’État quant à sa demande d’annulation des textes collège actuellement en vigueur.
Projet de textes règlementaires : peut mieux faire
Les projets de futurs décret et arrêté organisant les enseignements du collège ont été soumis aux remarques des organisations syndicales en Commission spécialisée le 17 décembre 2025, avant passage en Conseil supérieur de l’Éducation (CSE) mi-janvier. Les organisations syndicales ont été unanimes dans leur critique des nouvelles rédactions.
L’article de l’arrêté du B0 d’avril 2024 qui impose les groupes de niveau est abrogé.
Voici le projet du nouveau paragraphe du décret qui évoque la possibilité de formation de groupes : « Pour les classes de sixième et de cinquième, à des fins pédagogiques, les enseignements communs de français et de mathématiques, peuvent être organisés en groupes, sur tout ou partie de l’horaire. Les groupes sont constitués en fonction des besoins des élèves identifiés par les professeurs. Ces groupes favorisent un accompagnement pédagogique adapté aux besoins des élèves, par une organisation spécifique. La composition des groupes peut être réexaminée au cours de l’année scolaire, afin de tenir compte de la progression et des besoins des élèves. » Cette description, auparavant circonscrite à l’arrêté, étant élevée au niveau d’un décret, cela renforce son caractère règlementaire.
Le verbe « peuvent » indique qu’il n’y aura plus aucune obligation à composer des groupes de besoins. Disparaît également la notion de regroupements interclasses et de groupes à effectifs réduits. Rien n’interdit donc, lorsque des moyens sont abondés, de revenir à des dédoublements de classe pour étayer plus facilement les élèves en difficulté. Si ces dédoublements sont organisés, c’est « sur tout ou partie de l’horaire ».
Comme ce ne sont pas forcément des groupes interclasses, la phrase portant la possibilité d’un retour en classe entière sur une à 10 semaines dans l’année a disparu.
Toutefois le SNES-FSU a compris, comme d’autres organisations syndicales, qu’un·e chef·fe d’établissement ou un·e IA-IPR pourrait s’appuyer sur les phrases suivantes : « Les groupes sont constitués en fonction des besoins des élèves identifiés par les professeurs. Ces groupes favorisent un accompagnement pédagogique adapté aux besoins des élèves, « par une organisation spécifique », pour prétendre poursuivre les groupes de niveau interclasses. Ces précisions tendent en effet à écraser la possibilité de fonctionner autrement que sans groupe « de besoins » : leur existence ou plutôt leur persistance est posée comme une évidence. Le projet de texte en inscrivant la nécessité d’« une organisation spécifique » oriente vers une organisation qui doit être différente de celle de dédoublements hebdomadaires ou quinzaine tels qu’ils se pratiquent dans d’autres disciplines ou tels qu’ils se pratiquaient avant la réforme. Le SNES-FSU et d’autres organisations syndicales ont d’ores et déjà demandé la suppression de ces deux phrases ainsi que de la suivante afin de supprimer l’idée implicite selon laquelle les groupes de niveau ou les regroupements interclasses devraient rester la norme.
Autre détail, l’expression « à des fins pédagogiques » est vexatoire ; en effet à quelle autre fin un Conseil d’administration déciderait-il de créer des groupes sur sa marge d’autonomie ?
Le SNES-FSU a rappelé au ministère que sa réforme a dégradé les conditions de travail des professeur·es et mis en cause la liberté pédagogique. Dans le cadre de regroupements entre plusieurs classes, 71 à 76 % des collègues déclarent une dégradation de leurs emplois temps et 46 % à 53 % une dégradation de ceux de leurs élèves (enquête SNES-FSU 2025). Le constat des tensions dans l’établissement oscille autour de 50 % des réponses dans les collèges mettant en œuvre des regroupements de niveau de façon systématique ou partielle.
Le ministère accepte d’étudier de nouvelles formulations moins contraignantes. Le SNES-FSU les amendera, le cas échéant, au CSE, avec pour objectif d’aller le plus vite possible vers une disparition totale des groupes de niveau.
Toujours est-il qu’il est acquis que les groupes de niveau ne seront plus obligatoires et qu’il ne faudra plus se les laisser imposer.
La question des moyens
Créer un groupe surnuméraire est très chronophage : 17 heures pour les deux disciplines en Sixième et Cinquième. Seuls 2 à 17 % des collèges interrogés par l’enquête du SNES-FSU les ont reçues dans leur DHG. 13 à 21 % des collèges ont dû supprimer l’AP qui préexistait en français et en mathématiques, environ 10 % ont dû supprimer des dédoublements existant auparavant et autant ont supprimé des options pour ce faire. Si certain·es professeur·es de lettres et de mathématiques peuvent faire part d’une satisfaction à travailler avec des groupes à effectif un peu réduit, force est de constater que cela s’est fait, le plus souvent, aux dépens des autres disciplines.
Ajoutons que les suppressions de postes envisagées pour la rentrée 2026 condamnent par avance l’attribution de moyens supplémentaires, dans les DHG, pour financer des groupes surnuméraires ou d’autres dispositifs.
Mais le ministre s’est engagé à plusieurs reprises à maintenir les moyens qui ont été injectés dans les groupes de niveau. Le SNES-FSU veillera à ce qu’il tienne parole. Il est toutefois difficile d’évaluer exactement cette enveloppe globalisée au niveau national. Elle est probablement limitée aux 1600 emplois temps plein récupérés en supprimant, de façon scandaleuse, l’heure de technologie en Sixième il y a deux ans. Pour le reste, quand des moyens ont été fléchés vers les groupes de niveau dans certains départements, il s’agissait de redéploiement d’heures habituellement distribuées aux établissements.
Un alinéa de l’arrêté inquiète : « Des établissements peuvent se voir attribuer des moyens supplémentaires délégués par le recteur d’académie afin de pouvoir mettre en place des mesures spécifiques d’accompagnement des élèves. »
Que signifient « moyens supplémentaires » ? Le seront-ils réellement ou bien s’agit-il d’un énième redéploiement des moyens entre établissements ? Certains collèges perdraient-ils les heures de DHG qu’ils consacraient aux regroupements interclasses ? Ce texte semble déjà contredire les promesses du ministre.
Et quant aux collèges qui verraient leur DHG mieux abondée, faudrait-il, pour l’obtenir ces « moyens supplémentaires » se voir imposer la forme des « mesures spécifiques » décidée par le recteur ou la rectrice plutôt que de la décider plus démocratiquement en CA ? En d’autres termes, des collèges se verront-ils imposer un chantage aux moyens pour leur forcer la main à reconstituer des groupes de niveau ? Ce serait là aussi inacceptable.
Quels sont les établissements qui pourront se voir attribuer des moyens « supplémentaires » ? Seraient-ce les fameux 15 % de collèges dans lesquels les élèves ont un fort taux de notes inférieures à 8/20 aux épreuves du DNB en français et en mathématiques et dont le ministre ne cesse de parler ? Attribuer des moyens en fonction des résultats aux évaluations est un changement de paradigme, très anglo-saxon : il conduit à la contractualisation des moyens en fonction des « performances », et au pilotage des pratiques au nom de « l’efficacité », dans le cadre d’une marchandisation de l’École publique.
Pourquoi ces moyens ne seraient-ils pas plutôt dirigés vers les 20% de collèges d’éducation prioritaire qui concentrent des familles d’origine populaire, ce qui concentre la difficulté scolaire ? La décision d’affecter des moyens supplémentaires doit se fonder sur des critères nationaux et sociaux et non sur d’autres, peu transparents, au choix du recteur ou de la rectrice. Le SNES-FSU rappelle que la carte de l’éducation prioritaire doit être révisée et élargie avec ambition selon l’ampleur des besoins.
Le SNES-FSU s’opposera en amont et pendant le CSE à l’institutionnalisation d’un renforcement de l’autonomie de l’établissement que représente la possibilité de faire perdurer les groupes de niveau. Le SNES-FSU continue de demander prioritairement le rétablissement de la technologie en Sixième, passée à la trappe de la réforme.






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