
Les associations de professeur·es spécialistes AEET, APLV, APBG, APDEN, APSES, collectif Aggiornamento, FELCO, UdPPC et les organisations syndicales SNES-FSU, SNUEP-FSU, SNEP-FSU, SNESUP-FSU et CGT Educ’Action s’associent pour dénoncer la réforme des concours des CAPES, CAPET, CAPLP, CPE, CAPEPS.
Si le gouvernement et la ministre ont changé, les méthodes restent les mêmes : sous couvert de dialogue social, le ministère organise des concertations dans un calendrier très resserré mais a publié, sans attendre, les décrets statutaires ! Le ministère entend appliquer à marche forcée dès la session 2026 un recrutement des futur·es professeur·es et CPE durant l’année de licence 3, tout en remettant en question la place de l’université et donc de la recherche dans la formation initiale des lauréat·es.
Cette réforme inquiète fortement les différent·es acteurs et actrices de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur. Le calendrier est intenable et cette réforme supplémentaire dans un temps très court éprouvera durement encore une fois les personnels de la formation initiale tout en dégradant la lisibilité du recrutement des enseignant·es et CPE, alors même que la profession subit une crise d’attractivité sans précédent.
Les contenus des épreuves de concours, à l’écrit comme à l’oral, confirment l’abaissement de l’exigence de maîtrise disciplinaire et l’absence de tout questionnement didactique. L’oral 2 au format d’un entretien d’embauche et de conformité théorique aux « valeurs du Service public » reste inacceptable.
Pour les disciplines à double valence, la logique contestable de majeure et de mineure est maintenue, sans assurance d’une maîtrise identique des contenus. Nos inquiétudes sur les langues régionales ou les disciplines sans licences spécifiques (SES, documentation, CPE, disciplines de l’enseignement professionnel et technologique, etc.) n’ont pas été écoutées. Pour le CAPEPS, il est primordial de renforcer les épreuves physiques et l’oral consacré. S’il n’est pas plus clairement associé à une formation et à des épreuves en Sciences de l’information et de la communication, le CAPES de Documentation ne permettra plus de garantir l’apprentissage d’une culture de l’information et des médias chez les élèves.
Notre crainte d’une formation à la main de l’employeur dispensant les « bonnes pratiques » à de futur·es enseignant·es et CPE reste fondée. Les contenus de formation post-concours ne sont toujours pas précisés et en l’absence de présentation des maquettes de Master, la prise en compte du contenu disciplinaire à 60% n’a que peu de sens d’autant que les universités et les INSPE vont travailler à moyens constants.
Le service à mi-temps devant élèves des fonctionnaires-stagiaires en M2 réduira fortement leur disponibilité pour la formation universitaire, en plus d’alourdir considérablement leur charge de travail. Le format du mémoire, désormais simple écrit professionnel de retour sur le stage, compromet le caractère universitaire de ce titre. Sans véritable formation universitaire sur les contenus disciplinaires, didactiques et en sciences de l’éducation dans le respect des libertés académiques et pédagogiques, sans recul sur leurs futurs métiers, comment pourraient-ils et elles exercer encore en toute autonomie professionnelle ?
Cette réforme ne pense toujours pas la crise du recrutement sur le long terme, de manière globale et systémique. La question des salaires et des conditions de travail dans nos métiers reste sans réponse. Préserver les viviers de candidat·es et la diversité de leurs parcours n’est pas anticipé, depuis l’organisation des enseignements au lycée et Parcoursup qui assèchent certaines filières universitaires (langues vivantes étrangères dites « rares », langues vivantes régionales, langues et cultures de l’Antiquité…) jusqu’aux étudiant·es déjà en possession d’un M2 dont la place dans le dispositif de formation initiale demeure un impensé du projet de réforme alors qu’ils et elles représentent près d’un·e étudiant·e lauréat·e du CAPES/T sur trois. L’articulation entre le CAPES et l’agrégation, tous deux concours du second degré, est un autre impensé du projet.
Face aux risques de chaos à très court terme, nos associations et organisations demandent un moratoire pour ouvrir une véritable consultation pour une autre réforme. Des mesures d’urgence (annonce du nombre de postes avec un plan pluriannuel de recrutement, listes complémentaires, transparence sur les affectations) sont indispensables.
La maîtrise combinée des connaissances disciplinaires, de l’épistémologie des savoirs et des gestes professionnels permet aux professeur·es de développer une expertise, d’exercer en toute autonomie et de contrer toute contestation des choix pédagogiques. C’est pourquoi nous défendons une formation initiale conduisant à une haute qualification adossée à un diplôme universitaire reconnu et conforme aux exigences des métiers du second degré.
Paris, le 9 mai 2025