Pour la 2ème année consécutive, le SNES-FSU a organisé une grande enquête pour dresser un état des lieux de la mise en oeuvre de la réforme du « choc des savoirs ». Afin de pouvoir établir des comparaisons, le questionnaire est sensiblement le même que l’an dernier hormis quelques précisions apportées. Des questions ont été ajoutées sur la nouveauté de la réforme : le « renforcement en Quatrième et Troisième ».

Avec plus de 1 400 réponses, les résultats obtenus témoignent d’une volonté de la profession de s’exprimer sur le « choc des savoirs » et permettent de dresser un état des lieux représentatif de la mise en oeuvre de l’an II du « choc des savoirs ».

Des organisations ou désorganisations?

En cette rentrée, on distingue encore cinq organisations types :

  • groupes de niveau : application stricte de la réforme, les élèves sont réparti·es selon leur « niveau »/ « besoins ».
  • groupes de niveau/hétérogènes : regroupements homogènes sur un niveau de classe seulement ou bien existence d’un seul regroupement de niveau rassemblant seulement les élèves les plus en difficulté.
  • groupes hétérogènes : les élèves ne sont pas trié·es mais regroupé·es à partir de plusieurs classes.
  • aucun regroupement : fonctionnement en classes entières.
  • autre : toute autre forme d’organisation (fonctionnement en classes entières dédoublées ou bien sous forme de regroupements de niveau du type « soutien/ approfondissement » une à deux heures par semaine, ou bien avec du coenseignement l’aide d’un·e d’un·e professeur·e supplémentaire).

Dilution de la réforme

Il n’y a plus que 19 % des collèges participant à l’enquête qui appliquent à la lettre les textes règlementaires de la réforme du « Choc des savoirs » avec des regroupements interclasses de niveau (ou de besoins) homogènes. C’est un recul de sept points ! Le retour au fonctionnement en classes entières est important (en augmentation de 11 points : 20%).

Des pressions exercées par des IA-IPR pour imposer les groupes de niveau (ou « besoins ») sont rapportées dans au moins un collège sur cinq. Même parmi les collèges, minoritaires, qui appliquent les groupes de niveau, la moitié seulement fait varier la composition des groupes en cours d’année malgré les pressions ministérielles. Et pour cause, les « difficultés » des élèves sont multidimensionnelles, ce qui réserve le changement de groupe à une minorité d’entre elles et eux.

Les regroupements pérennes au cours de l’année correspondent au besoin des élèves et des professeur·es d’étudier dans un collectif de travail stable. La profession refuse de trier les élèves et de plus en plus d’établissements parviennent à mettre en échec la réforme !

Faiblesse du financement de la réforme

La création d’un groupe surnuméraire en français et en mathématiques demande 17 heures :

  • 12 à 17 % des collèges interrogés répondent avoir reçu ces 17 heures dans leurs DHG.
  • 13 à 21 % des collèges ont dû supprimer l’AP qui préexistait en français et en mathématiques.
  • 9 à 10 % ont dû supprimer des dédoublements existant auparavant et 7 à 10 % ont supprimé des options pour ce faire donc l’éventail de l’offre scolaire de leur établissement a diminué.

Si certain·e·s collègues de lettres et de mathématiques peuvent faire part d’une satisfaction à travailler avec des groupes à effectif un peu réduit, il ne faut pas oublier que cela se fait aux dépends des autres disciplines. Dans de nombreuses situations, le financement des groupes se fait au détriment de dispositif préexistant.

L’École de l’exclusion

Situation des élèves de SEGPA

Les élèves de SEGPA n’ont pas à participer à cette réforme mais doivent demeurer en face à leur professeur·e des écoles spécialisé·e en mathématiques et en français. Le rapport de l’Inspection générale de l’an dernier montrait que les élèves de l’École inclusive se retrouvaient concentré·es dans les groupes de niveau « faible ». Ainsi, la circulaire de rentrée 2025 a apporté des précisions à propos des élèves de l’École inclusive :

« Dans le même sens, il est demandé de ne pas constituer des groupes d’élèves dont la nature des besoins est différente : élèves relevant de la section d’enseignement général et professionnel adapté (Segpa), élèves bénéficiant d’un dispositif d’unité localisée pour l’inclusion scolaire (Ulis), élèves allophones ou ex-allophones, élèves en situation de pré-décrochage, élèves au comportement perturbateur, etc. ».

Malgré cette circulaire, on note à la rentrée 2025 :

  • 27 % des collèges avec des groupes de niveau incluant des élèves de SEGPA, c’est la plus forte proportion.
  • 16% des collèges avec des groupes de niveaux et hétérogènes incluant des élèves de SEGPA quand ils en ont une.
  • Cette proportion tombe à 9% lorsque les regroupements sont uniquement hétérogènes.

Situation des élèves de l’école inclusive

En ce qui concerne l’ensemble des élèves de l’École inclusive, ils et elles sont encore regroupé·es dans le groupe de niveau « faible » dans 30 % des collèges qui fonctionnent avec des groupes de niveau (+4 points par rapport à la rentrée 2024). En revanche dans les établissements où il existe des groupes de niveau et hétérogènes, le recul est de 11 points avec 22 % des répondant·es déclarant cette concentration.

Plus le fonctionnement des collèges se rapproche du modèle de la réforme, plus ces élèves pâtissent de l’organisation de groupes de niveau. Peut-on encore parler d’École « inclusive » quand on met tous ces élèves dans un groupe à part sur plus d’un tiers de leur emploi du temps ?

Une dégradation massive des conditions de travail

Dans 70 à 85 % des collèges qui pratiquent des regroupements interclasses sur l’ensemble de l’horaire (et dans 13 à 25 % sur un horaire partiel), ceux-ci sont alignés « en barrettes » dans l’emploi du temps. Les collèges qui déclarent un autre type d’organisation évitent ces alignements puisqu’ils n’y sont présents qu’à 40 % sur l’ensemble de l’horaire et à 44 % sur une heure ou plus (sur le modèle « soutien/approfondissement » qui semble avoir été privilégié). On se souvient que ces alignements ont davantage exposé les professeur·es aux pressions hiérarchiques pour prendre en charge les élèves des collègues absent·es, à l’instar ce qui existe dans le premier degré. Certain·es personnels de direction ont tenté de répartir les élèves d’un·e professeur·e de mathématiques ou français absent.e dans les autres regroupements du même niveau. Une situation inédite qui ne respectait ni les professeur.es ni les élèves ! Le principe de garderie prime alors sur le sens même de l’École. Là aussi, le refus collectif a permis d’éviter la pérennisation de telles pratiques et leur contagion.

Dès qu’il y a des regroupements interclasses, la dégradation des emplois du temps est nette, pour les professeur·es bien sûr (de 71 à 76 %), mais aussi pour les élèves (de 46 à 53%).

Le constat des tensions dans l’établissement oscille autour de 50 % des réponses dans les collèges mettant en œuvre des regroupements de niveau de façon systématique ou partielle. Elles ont en revanche décru de 16 points (34%) cette année dans les collèges qui ont opté pour d’autres organisations. Ces deux résultats montrent à quel point l’alignement de classes dans les emplois du temps est aussi une forme de maltraitance. 

Des pressions sur les pratiques pédagogiques et sur les équipes

Les progressions communes en recul

La progression dite « commune » aux regroupements a reculé d’au moins 4 points dans les établissements ayant établi des groupes de niveau (73%) et de 10 points dans les collèges où l’organisation est mixte (69%).

Dans toutes les autres formes d’organisation, les progressions communes sont minoritaires. Cette atteinte à la liberté pédagogique augmente la charge de travail des professeur·es. Elle existe aussi, de façon plus étonnante dans 18 % (27% l’an dernier) des collèges ayant conservé un fonctionnement par classes et 47 % (56% l’an dernier) de ceux qui ont créé des groupes hétérogènes.

Ce n’est pas l’uniformisation des pratiques qui permet de mieux faire réussir les élèves. Le métier de professeur·e est un métier de conception de cadre A et non pas d’exécutant·e. Notre professionnalité doit être respectée.

Des pressions hierarchiques accentuées en cas de groupes

Jusqu’à 20 % des collèges rapportent que des pressions ont été exercées par des IA-IPR pour modifier les pratiques pédagogiques dans jusqu’à 20 % des collèges, le maximum étant atteint dans ceux qui appliquent les groupes de niveau. Les pressions les plus fortes ont été exercées par les personnels de direction dans un quart des collèges quand il y a des groupes de niveau ou des groupes hétérogènes et de niveau.

Des évaluations nationales inutilisées


Les évaluations nationales, que le ministère présente comme l’alpha et l’oméga de la connaissance des besoins des élèves d’après la circulaire de rentrée 2025, ne sont utilisées pour trier les élèves que dans 36 % des collèges qui appliquent pourtant la réforme.

Soutien et renforcement : un énorme échec

La réforme du « Choc des savoirs » comprenait initialement un volet de soutien « jusqu’à deux heures » pour les élèves en difficulté, dans l’arrêté d’organisation des enseignements du collège. Ce sont les collèges qui fonctionnent en classes ordinaires qui l’instaurent davantage : 32 %. Ailleurs, cette aide n’est mise en place que dans 15 à 23 % des collèges, ce qui est en augmentation de quelques points par rapport à l’année dernière.

La mobilisation de la profession avec le SNES-FSU ont permis que les regroupements de niveau ne soient pas généralisés à la rentrée 2025 en Quatrième et Troisième. Le ministère a transformé ce dispositif en « renforcement » dans son décret de 2025. Le renforcement n’existe pas dans 48 à 66 % des collèges interrogés. La modalité la plus fréquente quand il est mis en place est sous forme d’heures de soutien à des élèves en difficulté (de 8 à 18 % selon l’organisation des enseignements).

Ces dernières mesures ne sont pas vraiment financées : selon les collèges, elle impacte la marge d’autonomie ou est la conséquence d’un redéploiement des moyens horaires à plus grande échelle. Ce pan de la réforme est donc une annonce non suivie d’effet, comme l’avait prévu le SNES-FSU.

En finir avec le « choc des savoirs »

Le SNES-FSU continue à soutenir les personnels dans leurs luttes et son recours au Conseil d’État contre les arrêté et décret organisant les enseignements au collège est toujours en attente de réponse.
La priorité des collègues ne semble pas être une lutte contre les réformes toxiques mais plutôt une volonté d’obtenir à une baisse drastique des effectifs en classe dont le collège a besoin.

Suite aux résultats de son enquête, le SNES-FSU a interpellé via une lettre ouverte le ministre de l’éducation nationale : il est temps d’en finir avec le « choc des savoirs » !


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