
Quand Élisabeth Borne a présenté son plan « Maths/filles » dans la matinale de France Inter, chacun·e a pu avoir un instant de perplexité. Voilà donc une ministre de l’Éducation, encore une, qui prétend lutter contre les inégalités filles/garçons sans jamais remettre en cause le lycée Blanquer. Mais Élisabeth Borne passe une interview entière à parler des dossiers de l’Éducation nationale ! C’est bien la première fois depuis ce mois de Grenelle. La relative discrétion de la ministre dans le champ éducatif n’est pas pour autant synonyme d’accalmie sur le terrain des réformes. À pas feutrés, le ministère avance et pose les différentes pièces du puzzle conduisant à la destruction du second degré, son unité, son ambition et ses métiers.
Carrière, formation, recrutement : des réformes contre nos métiers
Pour les personnels, les mesures liées au recrutement, à la formation, à la carrière redessinent en profondeur nos métiers et sont synonymes de déqualification. La réforme du recrutement à bac+2,5 abaisse les exigences disciplinaires du métier de professeur·e dans le second degré et réduit l’enseignant·e à un rôle d’exécutant·e lui niant, d’une certaine manière, le droit et la capacité à penser son métier, à réfléchir, à construire sa pratique au quotidien, à la fois par une base solide discipliniare et didactique. Alors même que les défis auxquels nous sommes confrontés au quotidien, dans nos pratiques pédagogiques et dans nos classes, sont multiples. Qui peut croire que c’est ainsi que nos métiers redeviendront attractifs ? Il est indispensable de lier ces évolutions à d’autres qui ont une grande cohérence : les dernières évolutions présentées sur les carrières laissent entrevoir un choix politique clair et désastreux pour le second degré. En déplaçant le troisième rendez-vous de carrière à l’orée de la classe exceptionnelle, avec des taux de promotions très faibles, le ministère construit, de fait, un barrage à l’accès à la classe exceptionnelle. Cela dit beaucoup de la conception de la carrière par le ministère : elle n’existe pas ou peu car notre métier ne serait qu’un job, ou parmi tant d’autres dans une vie active, pour lequel il ne serait donc pas nécessaire de penser promotions, évolutions de carrières, avancement. Ce choix politique est révélateur.
Le big bang du « Choc des savoirs »
Depuis un an et demi le « Choc des savoirs » a occupé le champ des réformes. D’abord par le big bang systémique qui symbolisait : une École du tri, assignant les élèves à leur position scolaire et sociale. Si une partie du « Choc des savoirs » a été déjouée grâce à la mobilisation initiée par le SNES-FSU (les groupes de niveaux en Quatrième/Troisième, le DNB barrage, les classes prépa-Seconde), il en reste encore quelques derniers vestiges qu’il faut faire tomber. Pas seulement parce qu’ils sont les symboles du « Choc des savoirs ». Mais bien parce que les implications à moyen terme de cette vision du système éducatif sont catastrophiques. Comme le « Choc des savoirs », le lycée Blanquer continue d’aggraver les inégalités sociales et de genre, enfermant très tôt les élèves dans des parcours socialement marqués.
Les politiques disruptives du gouvernement portent atteinte aux objectifs d’émancipation et de démocratisation du système éducatif. Le SNES-FSU s’oppose à cette casse du second degré et revendique des meilleurs salaires, de meilleures carrières pour rendre de nouveau nos métiers attractifs. Il refuse un nouveau budget d’austérité et appelle les personnels à se mobiliser.
« Choc des savoirs », lycées Blanquer, Parcoursup… ces réformes organisent une forme de dualisme scolaire qui préfigure d’une forme de dualisme social aggravé dans la société de demain. Le message envoyé aux élèves et aux familles est dévastateur : l’École de la République, non seulement, ne tient plus ses promesses d’ascension sociale, mais fige les destins plutôt que de les contrecarrer. Cela participe aussi à miner la confiance des familles dans les institutions de la République et donc, d’une certaine manière dans la démocratie.
Poudre de perlimpinpin et “prof bashing”
Ces transformations de fond s’expliquent aussi car le service public d’Éducation est devenu un objet d’abord guidé par les considérations d’un agenda politicien plutôt que par l’intérêt général. Les annonces sécuritaires (fouilles, portiques) posent des jalons dans les campagnes électorales à défaut de travailler les questions de fond comme celle du climat scolaire. L’initiative d’une convention citoyenne sur les temps de l’enfant annoncée par un président de la République lancé dans un duel à distance avec son Premier ministre relève davantage d’une opération de diversion pour ne pas parler des postes non pourvus, des classes surchargées, de la crise profonde de nos métiers… Autant de maux qui résultent des politiques menées, et imposées, depuis son arrivée au pouvoir en 2017. Au-delà de l’agitation, de l’exercice annoncé du « profbashing » autour des vacances scolaires, des risques d’externalisation de certaines disciplines, notamment artistiques, il faut rappeler ce qu’ont été les deux précédentes conventions citoyennes, notamment celle sur le climat. Plutôt qu’un exercice de démocratie participative, elle ont été le prétexte à valider et légitimer les options présidentielles.
Autant de maux qui résultent des politiques menées, et imposées, depuis son arrivée au pouvoir en 2017. Au-delà de l’agitation, de l’exercice annoncé du « prof bashing » autour des vacances scolaires, des risques d’externalisation de certaines disciplines, notamment artistiques, il faut rappeler ce qu’ont été les deux précédentes conventions citoyennes, notamment celle sur le climat. Plutôt qu’un exercice de démocratie participative, elle ont été le prétexte à valider et légitimer les options présidentielles.
« Urgence pour le second degré »
Tout montre que le second degré est à un point de bascule : ses métiers, ses ambitions, son organisation sont menacés par des changements structurels qui pourraient en redessiner complètement les contours, ce qui ne serait pas sans conséquence pour notre société et la démocratie. Peut-on se satisfaire d’un second degré où les personnels sont réduits à un rôle social d’exécutant ? Peut-on se satisfaire d’un second degré qui trierait les élèves, les assignerait à leurs positions, minant toujours plus notre modèle social ? Nous ne nous y résignons pas car le SNES-FSU porte un projet ambitieux pour le second degré, ses personnels et ses élèves.
Le SNES-FSU lance ainsi une grande campagne « Urgence pour le second degré ». Après les mobilisations du début du mois de mai, le travail de décryptage et d’information se poursuit (stages, heures d’informations syndicales, etc.) avant de nouvelles initiatives d’ici la fin de l’année scolaire !