Un sujet vissé au programme de Quatrième !

Certes, il est stipulé dans le Bulletin Officiel que, pour la première partie de l’épreuve, les « textes littéraires, qui servent de support […], sont empruntés aux programmes des classes de troisième ou de quatrième », mais c’est faire preuve d’un grave manque de discernement que de proposer, cette année particulièrement, un extrait romanesque et des sujets de rédaction centrés sur le fantastique.

La commission nationale d’élaboration des sujets et le ministère ont-ils oublié que l’année dernière a été bouleversée par la crise sanitaire  ? Les témoignages et les études n’ont visiblement pas été assez nombreux ni parlants pour convaincre l’institution que les inégalités s’étaient cruellement renforcées avec l’expérience inédite pour les élèves, les familles et les professeurs d’un travail à distance courant sur tout un trimestre.

Des candidats sont donc interrogés sur un objet d’étude qui n’aura pas forcément pu être étudié en classe l’année dernière ! Non seulement certains élèves auront été pénalisés dans les questions portant explicitement sur le registre fantastique mais ils le seront encore pour la rédaction, notée sur 40 points : le sujet d’imagination demande implicitement la description d’une atmosphère fantastique et il faut des exemples, des références précis pour traiter le sujet de réflexion sur le surnaturel et l’étrange. C’est l’égalité entre les candidats qui est balayée par le choix d’un tel sujet !

C’est également le travail de toute l’année de Troisième qui est méprisé. Honteux, révoltant, scandaleux, stupéfiant… Les jugements des professeurs de Lettres sur l’épreuve proposée sont unanimes. À quoi cela aura-t-il servi de se démener pour préparer les élèves aux thématiques du programme de Troisième et à l’argumentation ? La question est dans toutes les têtes. D’autant plus que les questions de grammaire se concentrent sur des notions généralement abordées en cinquième ou, au mieux, en quatrième.

Un sujet inadapté

Outre le fait qu’il soit totalement déconnecté du programme de Troisième, ce sujet d’examen pose question sur plusieurs points.

En effet, ce texte de Théophile Gautier est difficile d’accès pour la plupart des élèves : les phrases sont longues avec une syntaxe peu commune, le vocabulaire n’est pas toujours expliqué (« se retirer », « se baissant au foyer », « pis », « une arquebuse en joue » pour prendre quelques exemples) et il présente surtout des références culturelles et historiques peu familières aux jeunes du XXIe siècle. En somme, si l’étude d’une ou plusieurs pages du Capitaine Fracasse peut incontestablement enrichir nos élèves, il est peu judicieux de le choisir comme support d’examen.

Il est également très gênant qu’aucune question ne permette aux candidats d’appréhender le sens global du texte. Les questions 3 et 4 sont ainsi redondantes et soulignent la dimension fantastique de l’extrait sans aller plus loin. Or, l’appareil de questions donne une vision limitée du propos de Gautier : à aucun moment les élèves ne sont invités à voir dans ce passage un portrait de la noblesse déchue, à l’agonie, ne survivant plus qu’au milieu des fantômes et vestiges d’un passé prestigieux.

Comme bien souvent, on veut présenter en vitrine des œuvres ambitieuses, si ambitieuses que l’on en vient à les affadir, voire à les trahir. C’est aussi vrai pour le photogramme issu de La Belle et la Bête. La qualité de l’image permet difficilement de distinguer les détails alors même qu’on incite les candidats à s’intéresser aux « effets de lumière » mais surtout quels élèves détiennent les connaissances nécessaires sur ce conte adapté par Cocteau pour ne pas en être réduits à relever qu’il s’agit d’un vieux monsieur, dans le noir, qui s’éclaire à la bougie ?

Un sujet mal ficelé

Enfin, les approximations dans la formulation ou l’objet des questions auront encore sans doute pénalisé les candidats.

Dans la question 4, on demande de prélever des éléments du texte à partir de la ligne 14, et notamment de rechercher des adverbes et des comparaisons instaurant une atmosphère fantastique. Or, il n’y a qu’un adverbe à repérer et l’adverbe en question, « étrangement », ne survient qu’à la ligne 28 et une des comparaisons, à la ligne 29. Pourquoi ne pas avoir clairement délimité le passage en notant « de la ligne 14 à la fin du texte » ? Il est à parier que des candidats auront arrêté leurs recherches bien plus tôt dans l’extrait.

Dans la question 3, il est précisé que pour répondre, il faut s’appuyer sur deux procédés d’écriture, sans que l’on sache s’il s’agit de justifier la réponse à la première interrogation (Quel phénomène se produit le soir?) ou à la seconde (Comment se déclenche-t-il?).

Un dernier exemple : la question 8 spécifie que l’on doit identifier la nature des expansions du nom « portraits ». Rigoureusement, on ne devrait pas attribuer de point si on lit que « de la salle à manger » est un complément du nom puisque la réponse attendue est la nature, à savoir « groupe nominal prépositionnel ». Gageons que les consignes de correction nous inviteront à ne pas tenir compte de la différence entre classe et fonction grammaticales…

Un rude « voyage » pour la série professionnelle

C’est un poème de Louis-Philippe Dalembert, intitulé « Voyage » qui a servi de support pour l’épreuve de français en série professionnelle. Un magnifique texte emperlé de métaphores originales, souvent frappantes et franchement énigmatiques. Or, beaucoup de questions, y compris celle portant sur la mise en relation d’un dessin de Titouan Lamazou avec le poème, demandaient aux candidats d’interpréter voire d’élucider les implicites. De quoi décourager bon nombre d’élèves inscrits dans cette série parce qu’ils sont en difficulté face à l’écrit… Ici encore, on ne comprend pas ce choix de texte comme support d’examen, et moins encore cette collection de questions aussi vagues qu’ardues qui ont de quoi décontenancer et surtout mettre en échec des candidats déjà bien fragiles.

Plusieurs collègues entendent rédiger une motion, jeudi 1er juillet, avant de commencer les corrections. N’hésitez pas à les transmettre au SNES-FSU : groupe-lettres@snes.edu

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