
L’actualité dramatique des derniers mois impliquant des adolescent•es fait l’objet de récupérations politiques. Ainsi, le « choc d’autorité » décrété et organisé par Gabriel Attal, alors Premier ministre, instille dans l’opinion publique l’obsession de l’affaissement de l’autorité et la crainte de la montée de « l’ultraviolence » dans les rangs de la jeunesse, une jeunesse vue comme une classe dangereuse qu’il faudrait mettre au pas (service national universel, uniforme à l’école…). Cette vision politique de la jeunesse n’est pas sans répercussions sur notre métier.
1- Ouverture du stage : Point actualité
Sophie Vénétitay secrétaire générale du SNES-FSU ouvre la séance.
Elle présente avec Axel Benoist Secrétaire général du SNUEP-FSU (enseignement professionnel) le contexte politique général.

Sophie Vénétitay :
Comment interroger l’actualité à l’aune de notre activité syndicale? Comment dans ce contexte aussi bien international, national, social, éducatif trouver notre place de syndicat pour construire des alternatives ? Le retour de Donald Trump à la maison blanche marque la fuite autoritaire des États-Unis : un pouvoir concentré entre les mains de l’exécutif, avec un retour au culte du leader, un pouvoir qui attaque la fonction publique avec le licenciement de centaines de milliers de fonctionnaires, procède à l’expulsion massive d’immigré•es, attaque les droits des femmes, les droits des personnes LGBTQI+, et s’en prend également aux libertés académiques. Cette politique remodèle le capitalisme tel que nous le connaissons et vient forcément interroger et percuter notre action syndicale. Comment analyser les mutations en cours, d’autant que cette évolution du modèle capitaliste trouve l’appui des grands patrons, des entreprises de la tech américaine ?
Le contexte national n’est pas épargné qui voit l’extrême droite s’inspirer du Trumpisme. C’est également le retour d’une politique d’austérité visant à détruire les services publics et notre modèle social au prétexte de résorber la dette et de « réarmer le pays ». Sont ainsi repris dans les discours et les annonces gouvernementales les bonnes vieilles recettes libérales : « travailler au-delà de 62 ans » (Eric Lombard), réduire le nombre de fonctionnaires qui ne travaillent pas assez et sont trop nombreux, faire des choix dans les politiques publiques à savoir les réduire… La façon dont le Premier ministre François Bayrou a engagé le débat sur les retraites via l’ouverture d’un « conclave » totalement biaisé et instrumentalisé est très significatif de cet état de fait.
Bref tout le contraire des alternatives que syndicalement nous portons : renforcer et conforter les services publics, meilleure façon de lutter contre l’extrême droite.
Le SNES au côté de la FSU entend continuer à porter ses exigences, notamment l’abrogation de la réforme des retraites, montrer que les financements pour un départ à 60 ans sont possibles et construire les mobilisations autour de la question des retraites ainsi que des questions fonction publique (rémunérations, protection sociale…).
Sur l’actualité Éducation nationale
Point sur les bougés du « choc des savoirs » suite aux mobilisations de la profession : abandon des groupes de niveau en 4ème et 3ème pour la rentrée prochaine, abandon du DNB couperet pour l’accès en seconde, renoncement aux « classes prépa seconde » telles qu’initialement conçues. Il reste quelques éléments du choc des savoirs sur lesquels désormais la ministre, Élisabeth Borne, se fait plus discrète.
Le SNES-FSU poursuit sa campagne contre le maintien des groupes de niveau en 6ème et 5ème.
L’actualité éducative, c’est aussi un Premier ministre et une ministre de l’Éducation rattrapé•es par le scandale Bétharam et les révélations qui ont suivi venant d’autres établissement privés catholiques. Des établissements où des violences systémiques illustrent une conception de l’éducation basée sur la violence et la domination de l’adulte sur l’enfant (violences physiques, psychologiques, sexistes et sexuelles).
Trente années de connivence idéologique des politiques avec l’enseignement privé catholique, trente années de silence et d’inaction malgré plusieurs alertes. Une actualité qui conforte le SNES-FSU à porter d’autant plus fortement ses mandats sur la question du financement de l’école privée : « l’argent public doit aller à l’école publique ». Pour rappel, le SNES et la FSU sont les moteurs d’un « collectif pour une école publique laïque » qui travaille à un plan de sortie du financement public de l’enseignement privé. Objectif ambitieux qui est une façon de porter nos exigences pour l’école publique.
Axel Benoist : revient sur ces différents points sous l’angle de l’enseignement professionnel
Retour sur l’abandon des « prépa seconde » au profit de « parcours renforcés » en classe de seconde pour les élèves n’ayant pas obtenu le DNB. « Parcours renforcés » dont la pérennité est loin d’être assurée de part son organisation : pas de moyens supplémentaires, organisation renvoyée au local…
La réforme de la voie professionnelle se poursuit à marche forcée. Dernière étape, le « parcours différencié », dit parcours Y, qui sous prétexte de « préparation à l’insertion professionnelle » génère une désorganisation totale des LP et des vies scolaires. Les épreuves ponctuelles terminales du bac pro sont avancées mi-mai 2025 (quand les élèves des autres classes seront encore en cours). Elles seront suivies d’un parcours différencié d’un mois et demi où les élèves devront choisir à l’issue du conseil de classe avancé mi-avril, entre se rendre en stage (soit six semaines de cours en moins) ou rester au lycée (« parcours au lycée »). C’est l’année de terminale bac pro qui est ainsi dérégulée. Le parcours Y, présenté comme une innovation, n’est qu’un aveu d’impréparation. Avec six semaines sans contenu clair ni véritable projet pédagogique, cela représente une véritable amputation de la formation des jeunes, renvoyant l’organisation au niveau local : passage en force contre les personnels, emplois du temps chaotiques, charge de travail accrue et stress intolérable pour les élèves et les personnels. Le « parcours entreprise » relève plus d’une armée de stagiaires low-cost, corvéables à merci pour alimenter les secteurs économiques en tension. Le « parcours au lycée » prétend renforcer les disciplines, mais avec moins d’heures de cours et un vague pensum de « travail personnel encadré ». La voie professionnelle, qui représente un tiers des lycéen•nes, ne doit pas être bradée au profit du privé, ni abandonnée aux Régions. Elle doit rester un lieu d’émancipation, de formation de citoyen·nes éclairé·es et de travailleurs, travailleuses qualifié•es.
En conclusion, Sophie Vénétitay revient sur deux autres points d’actualité :
– la réforme de la formation initiale. François Bayrou et Élisabeth Borne entendent reprendre le schéma de la réforme présentée par Nicole Belloubet avant d’être rattrapée par les élections européennes et la censure du gouvernement Barnier, c’est-à-dire un concours de recrutement à Bac plus 3, avec deux années de formation rémunérées. Ce projet réduit fortement les exigences disciplinaires au concours, avec un niveau requis équivalent à un Bac + 2,5 puisque l’année de Bac 3 sera consacrée à la préparation au concours. Un projet qui méconnaît la réalité. Les raisons de la désaffection des étudiant•es pour nos métiers sont connues : un salaire insuffisant et des conditions de travail trop difficiles. A un vrai problème d’attractivité, la ministre répond par une bien mauvaise solution.
– Pour la FSU, il y a des alternatives aux discours ambiants, aux discours guerriers, aux discours austéritaires… La FSU entend redonner espoir à l’ensemble des collègues par une campagne de terrain pour montrer que oui, c’est possible de financer le service public d’éducation, c’est possible de financer les retraites, c’est possible de financer la protection sociale, c’est possible d’avoir un autre projet pour la jeunesse.
Présentation du plan d’actions des semaines à venir pour défendre l’Éducation dont les mobilisations du mois de mai et les alternatives d’ici la fin d’année scolaire ( notamment la construction du budget 2026).
2- « Choc d’autorité: une jeunesse maltraitée » !
Clarisse Macé, Secrétaire nationale, responsable du secteur CPE présente le programme des deux journées, les enjeux pour l’école et nos métiers, les thématiques abordées et les différent.es intervenant.es.
Des révoltes urbaines de l’été 2023 à l’actualité dramatiques de ces derniers jours, les gouvernements successifs pointent du doigt la violence de la jeunesse et entendent y répondre par toujours plus de répression. Derrière l’ambition affichée de « restaurer l’autorité » se dévoile une vision de la société basée sur la sanction.
Surveiller et punir
Le choc d’autorité voulu par Gabriel Attal s’inscrit dans la philosophie éducative qui règne à l’Élysée : les jeunes, essentiellement ceux des milieux populaires, seraient des hordes dangereuses qu’il conviendrait de dresser. Il s’agit d’un basculement autoritaire, le président de la République parlant de « reciviliser » la société et sa jeunesse après les émeutes de l’été 2023. D’où ce projet politique axé sur l’ordre, l’autorité (« il y a un problème d’autorité dans notre société » dixit Emmanuel Macron) avec l’uniforme à l’école, le Service National Universel, l’orientation des jeunes toujours plus précoce avec la volonté de faire travailler certains élèves de plus en plus tôt. La casse du lycée professionnel au profit de l’apprentissage ne relève-t-elle pas d’un projet de société dans lequel on ne formerait plus des citoyens et citoyennes éveillé•es mais des travailleur•ses dociles ? Il convient de garder en mémoire la mobilisation de décembre 2021 des lycéen•nes à Mantes-la-Jolie et l’interpellation d’adolescent•es vue dans une vidéo filmée par un policier et montrant des dizaines de jeunes à genoux, mains sur la tête ou menottées dans le dos. Ou encore des violences policières lors de la mobilisation lycéenne de décembre dernier au lycée Hélène Boucher à Paris. Des évènements qui ne sont pas malheureusement isolés.
Bien des mesures envisagées dans ce « choc d’autorité » sont empruntées à l’extrême droite : travaux d’intérêt général si les jeunes contestent l’autorité, scolarisation de 8 heures à 18 heures dans les quartiers populaires, internats « de redressement », conséquences sur les « examens et bulletins scolaires » pour les« fauteurs de troubles » (un retour de la note vie scolaire ?), mention sur Parcoursup des comportements perturbateurs, « responsabilisation des parents défaillants », volonté d’une levée de l’excuse de minorité… Les lieux d’instruction et d’éducation sont instrumentalisés, devenant des outils servant à « tenir » les jeunes hors de leur milieu dans un espace fermé, voire à les redresser.
L’internat scolaire version Gabriel Attal : un outil au service de la lutte contre la délinquance !
« Choc d’autorité », « choc des savoirs » même combat !
Le SNES-FSU poursuit son opposition au « choc des savoirs » qui cherche à mettre en place une école ségrégative privilégiant l’entre-soi et le séparatisme social et scolaire. Il ne s’agit plus d’émanciper par les savoirs mais de dompter la jeunesse par le management entrepreneurial et la discipline militaire. La « jeunesse engagée » doit apprendre à obéir aux règles, en acquérant des compétences psychosociales valorisables sur le marché de l’emploi. Cette politique n’est pas sans effets sur les vies scolaires, qui cherche à recentrer le métier de CPE sur le seul rétablissement de l’ordre et en appelle à un retour de la figure du surveillant général. C’est l’École du vivre ensemble, chère aux CPE, qui est attaquée sous prétexte de lutte contre la violence des jeunes. Cette réorientation ne peut qu’interpeller les CPE dont l’histoire du métier est liée à la massification du système éducatif et à l’accueil de nouveaux publics scolaires. La question du climat scolaire et des violences qui peuvent toucher les jeunes est complexe et multidimensionnelle. Elle ne peut être réduite à ce catalogue de mesures qui porte une vision de la jeunesse et de l’éducation extrêmement simpliste, normative, stigmatisante et très inquiétante.
L’École face à la violence des jeunes
3- Intervention de Caroline Chevé, secrétaire générale de la FSU : « Se mobiliser pour la jeunesse ! »
A l’occasion de son dernier congrès, la FSU a réaffirmé son ambition pour la jeunesse du pays. Pour la FSU, la jeunesse est une priorité. Il faut lui redonner une ambition, un avenir désirable dans une société plus juste et écologiquement soutenable.
Parier sur la jeunesse
En 2020, à la sortie du COVID, la FSU publiait un plan pour la jeunesse, « Parier sur la jeunesse » pour combattre les inégalités que la crise sanitaire avait révélées et creusées. Ce plan reste d’actualité pour contrer la volonté des gouvernements d’aller vers toujours plus d’individualisation des apprentissages et des parcours pour mieux faire accepter les inégalités. Il s’agit de garantir le droit à l’Éducation pour toutes et tous, d’investir dans les services publics, en particulier celui de l’Éducation. L’État doit soutenir le service public d’Éducation pour permettre à tous les jeunes de se former, de s’émanciper, de trouver une place dans la société et le cas échéant de pouvoir accéder à un emploi durable. Un système scolaire et universitaire puissant est la clé de l’insertion dans la société et de l’émancipation de la jeunesse. L’école publique doit avoir les moyens matériels et humains d’assurer partout et pour tous un haut niveau d’éducation.
Assises de la santé scolaire
En 2025, la santé mentale est la grande cause nationale et le ministère de l’Éducation nationale entend relancer l’organisation des assises de la santé scolaire le 14 mai prochain après une interruption en décembre pour cause de dissolution gouvernementale. Ces Assises interviennent dans un contexte où la santé scolaire est dans un état préoccupant et où la tentation de l’externalisation séduit les politiques. Le 13 mars dernier, la FSU a participé à une réunion multilatérale concernant médecins, infirmier·ères, assistant·es de service social et PsyEN. Le constat est alarmant. Inflation des problématiques liées à la santé mentale des élèves, carence en personnels spécialisés, suivi insuffisant des élèves les plus vulnérables : l’école peine à assurer son rôle de prévention et d’accompagnement. Un infirmier scolaire pour 1 600 élèves, un psychologue EN pour 1 500 élèves, un assistant de service social pour 4000 élèves, un médecin scolaire pour 13 000 élèves : voilà aujourd’hui la situation des ressources en personnels pour assurer la santé scolaire dans les établissements publics. La santé scolaire est porteuse d’une dimension émancipatrice et de construction de la personne dans le rapport à soi et aux autres, elle est un élément de plein droit du projet éducatif de l’école. En l’absence d’une perspective politique globale, le périmètre des discussions engagées par ces Assises risque bien de ne pas être pertinent s’il s’attache à séparer les questions de politique sociale, éducative et de santé publique.
La FSU lutte contre les politiques actuelles qui aggravent les inégalités. Il faut développer les services publiques qui s’adressent à la jeunesse (École, Universités, aide sociale à l’enfance…) pour
éviter les ruptures et les clivages. La FSU défend plus que jamais un plan massif d’urgence, coordonné, déterminé et ambitieux pour la jeunesse !
4 – Vers un acte III de la vie collégienne et lycéenne ?
Le SNES-FSU recevait Manès Nadel et Sofia Tizaoui respectivement président et secrétaire générale de l’Union Syndicale lycéenne (USL).
En introduction de ses propos, Manès Nadel présente son syndicat lycéen et fait le point sur les dernières mobilisations dans lesquelles l’USL a pris toute sa part, la dernière en date étant celle du 5 décembre autour des questions budgétaires et des conditions faites aux lycéen.nes (Parcoursup, réforme du lycée et du bac, inégalités territoriales notamment pour l’accès à l’enseignement supérieur…). La participation à la mobilisation contre la réforme des retraites a permis d’amorcer un processus d’unification des associations lycéennes.
Sois jeune et tais toi !
L’actualité des élections au Conseil Supérieur de l’Éducation (CSE) est l’occasion d’aborder la question de la démocratie scolaire. Pour l’USL, la démocratie scolaire est au plus mal d’autant que les « marges de manœuvre des conseils de la vie lycéenne (CVL) sont aujourd’hui faibles et largement inégales ». Quant aux Conseil Académique (CAVL) et National de la vie lycéenne (CNVL), ces instances sont « dans une posture où les élu•es ne produisent pas grand-chose alors qu’ils•elles le voudraient ».
Dans plusieurs lycées, l’USL s’est vu interdite par des CPE ou/et des personnels de direction de candidater aux élections du CVL au motif de l’affichage d’une appartenance politique. La direction des affaires juridiques du CSE a adressé à l’USL un mail qui disait « les textes ne sont pas encore tous parus, mais on peut vous dire d’ores et déjà qu’il est interdit de mentionner dans votre communication les autres listes ». Une démarche qui en dit long sur la conception ministérielle de la démocratie lycéenne. Le propre du débat démocratique n’est-il pas justement la confrontation des idées et des programmes entre les différentes candidatures en présence ? Pour le ministère, l’USL est avant tout une organisation politique au motif de porter des revendications politiques… Pour Manès Nadel, il s’agit « dans ce système d’élections largement insincère actuellement, de détrôner des organisations qui revendiquent une posture apolitique alors que le CSE est une instance qui traite des sujets profondément politiques ».
Parmi les propositions de l’USL, un suffrage direct pour les élections au CAVL.
Redynamiser la démocratie scolaire, un enjeu fondamental
Les échanges avec la salle sont riches. De nombreux sujets sont abordés : une démocratie scolaire telle que voulue par le ministère dysfonctionnante ; la difficulté pour les CPE à faire vivre les instances collégiennes et lycéennes ; l’instrumentalisation de l’engagement des jeunes qui devient un objet d’évaluation ; l’éloignement des jeunes de la « culture » syndicale ; les modalités des futures mobilisations jeunesses ; les répressions lycéennes et la violence policière qui l’accompagne ; Parcoursup, le service national universel, l’aide possible du SNES-FSU aux associations lycéennes telle que l’USL…
Le mode de suffrage retenu (indirect et très pyramidal) pour les élections lycéennes est d’ailleurs ubuesque et le SNES-FSU a interpellé à maintes reprises le ministère sur le sujet et a fait de nombreuses propositions pour le réformer.
CPE, AED, AESH, professeurs, Psy-ÉN travaillent au quotidien auprès des élèves à l’apprentissage de la démocratie. La tâche n’est pas simple : faire vivre l’engagement des jeunes au travers de leur participation aux instances des établissements (CVL, CVC, CA, CESCE…), accompagner et former les élu•es dans l’exercice de leur mandat, animer les instances, veiller au respect des droits et des obligations des lycéen•nes et collégien•nes (réunion, expression, vie associative…). Le droit de s’organiser en association indépendante, le débat, l’échange, sont essentiels pour permettre aux jeunes de faire l’apprentissage de la démocratie et de l’émancipation, alors que leur rapport au politique ne va pas de soi.
Cette tâche est d’autant plus compliquée que l’institution met encore davantage en difficulté les personnels, assommés d’injonctions visant à « administrer » l’engagement des jeunes et en faire un objet d’évaluation (cases à cocher dans les différents livrets scolaires au nom du parcours citoyen, bonus dans Parcoursup…). L’atomisation du groupe classe, les annonces autour du « choc d’autorité », le SNU, l’uniforme … amoindrissent la visée émancipatrice des expériences de vie démocratique scolaire. Confrontée à l’éclatement des groupes de référence, la notion de représentation des élèves perd largement de son sens et l’action des personnels en faveur de l’accès des élèves à la citoyenneté, et tout particulièrement celle des CPE, s’en trouve déstabilisée.
Et que dire d’un ministre qui en créant de toutes pièces un syndicat lycéen en raison de la contestation massive que sa réforme du bac rencontrait sur le terrain, n’a pas hésité à instrumentaliser l’engagement sincère d’élèves à des fins politiciennes. Le message envoyé à l’époque aux jeunes a été dévastateur et a entaché tout l’édifice de la représentation lycéenne.
« Avenir lycéen », un dévoiement de plus…
Pour faire société, il faut faire du commun mais cet objectif incontournable se heurte à la contradiction forte de l’injonction faite à chacun•e de construire son propre parcours. L’individualisation à outrance ne permet plus de se retrouver dans une communauté d’actions, d’objectifs, de projets, quelle que soient les positions et représentations de chacun•e, d’où la nécessité de défendre et promouvoir les espaces et les instances de débat.
CPE Nouveau programme d’EMC : Et la démocratie scolaire dans tout ça ?
La démocratie lycéenne n’est pas née de rien, elle est née de mouvements politiques et de mouvements lycéens : ce sont par exemple les comités d’action lycéens avant 1968 avec pour revendications la liberté d’expression, le droit d’association, le droit d’affichage, le droit de grève, mais aussi la participation lycéenne au conseil de classe, au conseil de discipline, les élection de lycéens au conseil intérieur, constitution de conseil d’élèves dans chaque classe et dans le lycée. C’était avant 1968. Aujourd’hui, les instances lycéennes et collégiennes sont largement dépolitisées, or elles sont nées de mouvements éminemment politiques. Il y aurait tout intérêt à inscrire ce que vivent les jeunes (ou ce qu’ils.elles ne vivent pas) dans ce mouvement de l’histoire, notamment à l’occasion des élections pour tordre le cou au procès en politisation fait aux associations lycéennes telles que l’USL.
En conclusion, Manès Nadel aborde les perspectives d’action pour l’USL :
« Il est important de structurer tous les lycéen•nes, quelle que soit leur appartenance politique. Les questions d’actualité pour nous, autour de celle centrale du syndicalisme lycéen, restent Parcoursup et le nouveau Bac et leurs impacts très concrets sur la vie des lycéen•nes. On considère que le seul moyen de s’en sortir, c’est d’offrir une réponse collective. Parce que Parcoursup, c’est le processus individualisant par excellence, et c’est à ce niveau-là aussi qu’on a un rôle commun à jouer. Il faut redonner aux lycéen•nes et aux restes des membres de la société, de la communauté éducative, le sentiment que tout ça n’est pas joué d’avance, que tout ça n’est pas dénué de caractère politique. Le manque organisé de place à l’université a été sciemment organisé avec Parcoursup. Parcoursup, ça n’est rien d’autre qu’un système qui a permis au final de mettre en place la sélection généralisée dans toutes les filières, quelles que soient les formations.
Il faut construire une vraie critique et tracer une vraie alternative pour toutes et tous. La prochaine étape c’est la constitution d’un vrai front syndical, social, politique. La victoire est possible ! »
5- Engagement : de quoi parle t-on ?
Claire Guéville, secrétaire nationale du SNES-FSU au secteur enseignement supérieur, est intervenue sur l’engagement. Elle a développé plusieurs idées dont :
La question qu’on doit tous•tes se poser : de quoi parle t-on quand on parle d’engagement ?
Du point de vue de l’institution, cet engagement doit garantir le maintien d’un ordre établi dans lequel nos lycéennes et lycéens sont avant tout de futurs travailleuses et travailleurs avant d’être des citoyens et citoyennes. Ce type d’engagement n’est pas réellement conçu pour valoriser l’altruisme, la volonté de vivre ensemble et d’agir en société. “Une jeunesse qui se tient sage” et productive, voilà le projet macroniste ! C’est pourquoi cet engagement doit être évalué car il s’inscrit dans un cadre managérial et utilitaire. De façon emblématique, sur Parcoursup, l’injonction à l’engagement résonne ainsi comme une obsession.
Selon cette vision conservatrice de la société, les jeunes sont perçus comme dangereux: il convient donc de les domestiquer, par toutes sortes de dispositifs d’engagements “volontaires”, avec :
- la militarisation de l’école avec les classes de défense et de sécurité globale
- les « classes engagées » en lycée (Service National Universel sur le temps scolaire)
- les stages en entreprises pour les élèves de 2nde et 1ère CAP au mois de juin
Pour le SNES-FSU, la notion d’engagement recouvre au contraire toutes les dimensions de l’émancipation et participe de l’apprentissage de la citoyenneté.
6- Intervention de Michel Tondellier “l’uniforme en Martinique”
Le port de l’uniforme à l’école peut-il résoudre des problèmes de discipline, voire réduire les inégalités sociales comme le prétend le gouvernement à l’initiative de ce projet ? La littérature scientifique est peu disserte sur les effets d’une tenue scolaire et quand elle existe, les études révèlent plutôt l’absence d’effets bénéfiques. En France métropolitaine, le port de l’uniforme n’a jamais été pratiqué dans l’enseignement public, à l’exception historique des lycées napoléoniens. Actuellement, il est pratiqué dans une partie des établissements d’outre-mer, du privée et dans les lycées militaires.
Michel Tondellier était notre invité. Sociologue et maître de conférence en Sciences de l’éducation à l’Université des Antilles, il est également l’auteur de « l’uniforme à la Martinique :Interroger l’évidence ».
Pour Michel Tondellier « il y a peu d’études sur l’uniforme scolaire en France car cet usage n’est pas répandu, à part aux Antilles ». Les quelques travaux existants sont en anglais, « d’où un débat qui tourne sur des fantasmes et sur des souvenirs qui relèvent, du point de vue scientifique, de l’anecdote ». Michel Tondellier se fait l’écho des recherches de l’américain David Brusma dont une étude de 1998 démontre l’inexistence, sur une durée de dix ans, d’effets significatifs de l’uniforme sur les résultats scolaires, l’assiduité et les problèmes de comportement.
Les arguments mis en avant par les défendeurs et défenseuses du dispositif sont battus en brèche par les analyses qualitatives à l’exemple de celui « d’un effacement des différences » entre élèves. « Les différences s’effacent surtout entre élèves d’établissement d’élite, par exemple en Angleterre, parce que ceux-ci se ressemblent déjà beaucoup en tant qu’élèves de la bonne société ayant de bonnes notes ». Dans le contexte antillais, « les différences entre élèves se jouent sur d’autres détails que les vêtements : coiffures, accessoires tels que les bijoux » explique Michel Tondellier. Pour le sociologue, l’introduction d’une tenue scolaire peut même se révéler délétère, lorsqu’elles révèle les différences qu’elle est supposé effacer. « Aux Antilles, vous pouvez immédiatement repérer les enfants les plus pauvres, qui portent des polos fatigués, trop grands, ou trop petits ». C’est la question de la bonne tenue, du bon élève ». Et de signaler l’angle mort de la vérification des uniformes, laquelle incombera aux équipes de vie scolaire. A l’inverse des vertus dont on le pare, l’uniforme scolaire peut être vecteur d’inégalités sociales et genrées. La réglementation vestimentaire a de fortes chances d’exercer des pressions plus fortes sur les élèves qui sont déjà en rupture avec l’école. « L’uniforme crée aussi des ennuis » conclut Michel Tondellier.
7- La protection judiciaire de la jeunesse dans l’œil du cyclone !
La jeunesse, usagère des services publics et force d’avenir, est l’une des priorités de la FSU. Or elle est actuellement maltraitée et sa protection menacée jusque dans ses fondements.
Intervention de Marc Hernandez Co-Secrétaire National du SNPES-PJJ/FSU (syndicat de la FSU qui syndique les personnels de l’éducation et du social de la Protection judiciaire de la jeunesse.
Protection de l’enfance : des enfants et adolescent•es toujours insuffisamment protégé•es !
Marc Hernandez aborde dans un premier temps le contexte dramatique de la justice des enfants à titre civil, comme à titre pénal. Loin de la caricature des enfants et adolescent•es à protéger d’un côté et de celles et ceux qu’il revient de punir de l’autre, il s’agit d’une même enfance en danger. Il est important de le souligner car les projets politiques visent aujourd’hui à « juger de plus en plus les enfants et adolescent.es comme des petits adultes, plutôt que des enfants en souffrance ».
La justice pénale des enfants était encore jusqu’à il y a peu organisée par l’ordonnance du 2 février 1945 dont les principes fondateurs résident dans l’idée qu’un enfant en voie ou en situation de délinquance est avant tout un enfant en danger et que les mesures éducatives doivent l’emporter sur les mesures coercitives. Les enfants doivent bénéficier d’une justice spécialisée adaptée aux spécificités inhérentes à leur âge. Cette ordonnance modifiée à de nombreuses reprises s’est progressivement distanciée de ces principes en rapprochant chaque fois davantage la justice des enfants de celle des adultes ainsi qu’en actant une réponse pénale à chaque acte au détriment d’une adaptation de l’accompagnement judiciaire à la personnalité de l’enfant ou de l’adolescent•e.
La Loi Attal, votée à l’assemblée, alourdie au Sénat et qui devait passer en commission mixte paritaire le 6 mai 2025 tend à détruire les fondamentaux constitutionnels et conventionnels (convention internationale des droits de l’enfant) de la justice des mineurs. Qu’il s’agisse d’appliquer un régime de comparution immédiate dès 15 ans, des incarcérations rapides et bracelets électroniques dès 13 ans ou encore une inversion du mécanisme d’atténuation de peine à partir de 16 ans, ce projet est l’aboutissement du programme de l’extrême droite en matière de justice des enfants. Une mobilisation large des défenseur•ses des droits humains, travailleur.ses du secteur de l’enfance ou de la justice s’est opposée à ce funeste projet le 5 mai à midi, devant les tribunaux de France.
Est évoqué également le manque de moyen des professionnel.les de la PJJ pour compenser les impacts du nouveau code de la justice pénale des mineurs entré en vigueur en 2021. Face à l’urgence d’un abaissement des normes de prise en charge, la PJJ, petite administration de 9300 personnels a subi une cure austéritaire de plus de 500 contrats (contractuels) durant l’été 2024. Aujourd’hui, il est de plus en plus difficile de maintenir un travail éducatif qualitatif avec les partenaires que sont notamment les CPE. Le temps éducatif est contracté par les rendez-vous, audiences et rapports en direction des juridictions. Le travail de terrain est réduit à sa plus simple expression.
« La PJJ est actuellement en lutte pour défendre des moyens et le primat de l’éducatif de la justice des enfants. Le SNPES-PJJ/FSU, syndicat majoritaire et multicatégoriel de la profession porte les mandats fédéraux de la FSU pour défendre des moyens à la faveur de l’éducation de notre jeunesse ! »
Les échanges avec la salle sont particulièrement riches et portent sur le travail des CPE en lien avec les éducateurs et éducatrices PJJ. « Lorsqu’on évoque la délinquance juvénile, un certain nombre d’idées reçues circulent. Parmi celles-ci, il en est une qui se perpétue, celle de penser que si un ou une jeune commet des délits, c’est avant tout parce qu’il ou elle traîne dans la rue. Ainsi, la formation ou le travail serait une solution pour l’en sortir. Mais ce n’est pas si simple que cela. Une grande majorité des jeunes accompagné·es par la Protection judiciaire de la jeunesse sont cabossé·es par la vie et trop souvent laissé·es sur le bord de la route. L’une des missions essentielles des équipes éducatives est de comprendre leur histoire, de les aider à avancer sur leur problématique. Bien souvent, ces jeunes ont été confronté·es à l’échec, freiné·es dans leur insertion par différents facteurs sociologiques, psychologiques ou encore institutionnels qu’il faut pouvoir prendre le temps de décoder. Fragilisé·es dans leur estime de soi, ils et elles trouvent dans la rue, auprès de leurs pairs, des façons d’être valorisé·es autrement ». Autant de préoccupations qui font écho au travail quotidien des CPE.
Les « vies scolaires » sont pour les éducateurs des interlocuteurs de choix mais la PJJ est en crise. Les délais consacrés aux procédures ont été divisés par trois, rencontrer deux fois un jeune le temps d’une AEMO tient du miracle. Faute de s’occuper des enfants en protection, les éducateurs doivent « gérer » ensemble des jeunes cumulant toutes et tous les mêmes problématiques. Les conditions salariales et de travail dégradées, les suppressions de postes font que désormais un quart des éducateurs sont contractuels, parfois non diplômés.
En pesant au côté du SNPES-PJJ, les CPE et la FSU peuvent rendre ces réalités audibles.
Pour aller plus loin : retrouver les grandes lignes d’un colloque organisé à la Bourse du travail de Paris, les 5 et 6 février 2021, par le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des avocats de France, le Syndicat national des personnels de l’Éducation et du social à la Pjj avec le soutien de la FSU, de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et de la FCPE : L’INSERTION DES JEUNES : QUESTION DE JUSTICE ? – snpespjj
8- Conclusion du stage
Depuis plusieurs mois, les gouvernements qui se succèdent sont lancés dans une politique de communication en direction de l’opinion publique visant à stigmatiser la jeunesse. Les faits de violence sont notamment instrumentalisés à des fins politiques.
Les dernières annonces de la ministre (fouille aléatoires des élèves à l’entrée des établissements) et la proposition de loi sénatoriale du 6 mars (personnels de direction et CPE habilité•es à fouiller les élèves), loin de répondre concrètement à la question de la violence des jeunes, visent à faire de l’École, de ses élèves et de ses personnels de simples pions dans un exercice politicien.
Pour le SNES-FSU, ces annonces relèvent surtout d’une nouvelle opération de communication servant à alimenter une politique éducative de plus en plus répressive. L’intrusion d’armes demeure exceptionnelle à l’échelle de la population scolaire et les contrôles aléatoires seront inapplicables sur la durée, mais surtout inefficaces. Tout comme la systématisation des conseils de discipline qui sont déjà la règle en de tels cas ou le signalement au parquet.
Ces mesures « dissuasives » ne régleront pas la situation ni les faits de violence qui ne sont le plus souvent que le surgissement de faits de société au sein de l’École. Ils résultent ou s’aggravent du fait du démantèlement des Services publics de proximité, de la dégradation de la situation sociale et économique, de la brutalisation des rapports sociaux.
Pour une autre politique en faveur de la jeunesse
Ainsi les bonnes vieilles solutions simplistes du tout répressif visant à encadrer une jeunesse « ensauvagée » ne cessent de montrer leurs limites. Ces politiques faites de dissymétrie entre annonces et absences de réponses adaptées renforcent surtout le sentiment d’abandon des personnels et des élèves quand elles ne les mettent pas en danger.
Pour le SNES-FSU, le traitement et la prévention de la violence en milieu scolaire ne peut se faire qu’avec des moyens humains conséquents. La création de 600 postes d’AEd et de 150 postes de CPE dans le cadre du plan « Pour la tranquillité scolaire » ne doit pas servir uniquement une politique « d’amélioration du climat scolaire » au sens sécuritaire cherchant avant tout à faire des CPE des gardien·nes de l’ordre.
Le SNES-FSU porte une vision ambitieuse du climat scolaire : il ne s’agit pas de normer les comportements et les parcours scolaires, mais bien d’offrir à chacun•e le cadre scolaire permettant de construire son autonomie intellectuelle, sociale, personnelle pour être pleinement acteur et actrice d’une société démocratique. Cette vision ambitieuse nécessite des moyens, notamment des équipes pluriprofessionnelles complètes, pour lesquelles les qualifications et les métiers sont respectés. Il convient de faire confiance aux personnels de terrain, leur permettre un travail réflexif sur leurs pratiques de façon collective : croiser les regards et les approches avec les personnels sociaux et de santé, les éducateurs et éducatrices, la vie scolaire et les psy-EN permet de résoudre bien des conflits ; associer les familles, renforcer le lien éducatif avec les jeunes ; améliorer les conditions de travail et remettre l’institution face à ses responsabilités ; renforcer le taux d’encadrement dans les établissement ; maintenir l’exigence de l’accès aux savoirs…
Le SNES-FSU continuera de dénoncer l’approche managériale et sécuritaire qui est faite du climat scolaire : il ne peut se satisfaire de la communication et des réponses à moindre coût qui se font de fait au détriment des personnels et des élèves.
La place des jeunes constitue un sujet de société central qui renvoie aux problématiques des droits de manière transversale, avec une question cruciale : quelle société veut-on offrir aux jeunes, à tous les jeunes ? Cela à un moment où beaucoup d’entre eux et elles sont confronté•es à de nombreuses difficultés (insertion, précarité…) et où les politiques publiques à leur égard sont loin d’être à la hauteur de leurs besoins et de leurs aspirations, quand elles n’aggravent pas les inégalités (sociales, territoriales…) maltraitant toujours davantage les plus fragiles. Il est nécessaire de penser la responsabilité collective de notre société plutôt que de renoncer aux principes éducatifs qui fondent le sens même de l’École.
La question de la violence à l’École est une question grave qui ne peut se traiter par une surenchère sécuritaire irresponsable.
Face aux enjeux, remettre du collectif et réaffirmer nos valeurs
Pour le SNES-FSU, la vigilance éducative doit être partagée, la sécurité renforcée et adaptée mais toujours mise en œuvre dans une perspective éducative. Les dérives sécuritaires ne sont en aucun cas de bonnes réponses. L’enjeu pour l’École est de faire de l’autorité une aventure moins solitaire, plus collective avec les ressources du travail en équipe.
L’École n’est pas un sanctuaire. Les débats et la violence qui traversent la société l’affectent aussi. Mais elle est avant tout un lieu d’enseignement et d’éducation. Les équipes ont à cœur d’y prévenir la violence par un travail collectif quotidien de l’ensemble des personnels.
Dans le contexte d’extrême droitisation des discours, les valeurs de l’école doivent être réaffirmées. Le SNES-FSU s’inscrit dans une conception ambitieuse pour les métiers et les élèves, attaché aux valeurs démocratiques et émancipatrices de l’école avec l’éducabilité de tous pour projet : toutes et tous sont capables de réussir. Nous avons besoin de la jeunesse pour construire une société plus juste, plus écologique, plus solidaire, plus féministe.