Le rapport de l’Inspection générale « Mise en place des groupes de besoins en français et mathématiques au collège » abordait très peu, voire pas du tout, la question de la santé des personnels. Aucune ligne n’y était explicitement consacrée. Pourtant, le texte relève bien les nombreux obstacles rencontrés par les équipes, les contraintes de calendrier, l’investissement organisationnel conséquent souvent au détriment d’autres missions. L’opposition des professionnels est aussi mentionnée ainsi ainsi que l’écart entre les résultats obtenus et les attentes institutionnelles affichées.
Pas de thermomètre ? Pas de fièvre !
Mais à aucun moment, les auteurs et autrices ne se sont interrogé·es sur les effets de cette situation sur la santé des professionnels concernés. Un exemple frappant apparaît lorsque le rapport mentionne que certains enseignant·es estiment que la mise en place des groupes a contribué à creuser les écarts. Sensibilisés aux questions de santé au travail, les auteurs et autrices auraient pu demander, ou demander, comment se portent ces personnels. En effet, être mobilisés, souvent sous pression, pour un dispositif qui produit l’inverse des intentions affichées et qui entre en contradiction avec les valeurs des professionnels est une situation génératrice d’importants risques psycho-sociaux. Mais la question n’est pas creusée ni même abordée.
De nombreuses remarques du rapport peuvent même laisser penser que le sujet de la santé des personnels n’a pas été simplement ignoré, mais bien méprisé. Le rapport passe ainsi à côté d’un aspect fondamental : la pression temporelle, l’urgence imposée, la confiscation du temps qui se sont encore accrues cette année. Et la conséquence de cale, la fatigue anormale, l’épuisement, la démotivation sont aussi ignorées. Ainsi, là où l’on pourrait reconnaître les conséquences de l’épuisement professionnel, le rapport se contente d’évoquer des « carences » ou de simples dysfonctionnements organisationnels. Par exemple, à la page 17, « la persistance du manque de concertation entre enseignants au cours de l’année scolaire » est relevée. Et cela sonne un peu comme un reproche. Mais jamais le manque de temps ni la fatigue accumulée ne sont identifiés comme facteurs explicatifs. Il est concédé à la page 19 que la trop faible inflexion des pratiques pédagogiques peut s’expliquer « faute de temps sans doute ». La question du temps, absolument centrale dans nos métiers et dans la manière dont ils sont traités, est donc extrêmement minorée.
Autre élément qui a pu affecter les collègues dans les établissements qui appliquaient strictement le « choc des savoirs » : la gestion « humaine » des élèves qui changent de groupe. Sur le papier c’est indolore. Mais nous avons des remontées de collègues qui indiquent les dilemmes, les insatisfactions et les malaises subis. Quand il faut choisir qui peut « monter » ou doit « descendre » pas seulement en fonction des progrès réels ou des difficultés rencontrées mais surtout en fonction du maintien des effectifs fixés pour les différents groupes. Quand il faut annoncer aux élèves leur changement ou leur maintien. Quand la dynamique du groupe a été atteinte par les annonces, le ressenti des élèves et leur déplacement effectif. Etc.
L’humain et la compétence ou les ressources et les dispositifs ?
En négligeant ces dimensions humaines, le rapport contribue à une forme de réification des personnels, réduits à de simples ressources mal mobilisées qu’il conviendrait de mieux utiliser à l’avenir. Le « Choc des savoirs » s’est mis en place contre les personnels. La mission les a écoutés, certes, mais le rapport laisse entendre que leur expertise professionnelle aurait moins de valeur que l’ »expertise » de ceux qui les ont observés !
Les recommandations formulées ouvraient donc le champ à d’autres mobilisations des collègues sur des dispositifs urgents et chronophages.
Sans prise en compte à nouveau de leur expertise, puisqu’on y substituera, par exemple, l’interprétation technique des résultats locaux des évaluations standardisées.
Sans prise en compte de l’épuisement, régulièrement constaté par le SNES-FSU, des équipes qui ont subi la mise en place des regroupements du « Choc des savoirs ».
Le réel s’est tout de même rappelé au ministère puisque d’eux-mêmes des collègues et des établissements ont renoncé à cette débauche d’énergie inutile et nuisible.
La reconnaissance dont les personnels ont besoin c’est la prise en compte par leur hiérarchie de ce qu’ils disent et de ce qu’ils font en tant que professionnels de terrain compétents. Si elle est déniée, il faut l’imposer !





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