L’analyse du sujet de série générale : « Quelle chose par là peut nous être enseignée ? »

Beaucoup ont été surpris.e.s du choix d’une fable, à savoir « Le Lion et le Moucheron », comme texte support pour l’épreuve de série générale. Ce n’est pourtant pas là que l’étonnement devrait se nicher car le genre de la fable a toute sa place dans le programme de Troisième, dans l’objet d’étude « Dénoncer les travers de la société ». Ce qui peut laisser pantois.e, en revanche, c’est plutôt le décalage entre la simplicité des questions posées et les compétences attendues d’un.e élève-candidat.e de fin de collège. On cherche en effet, dans la dizaine de questions posées, celles qui font appel à des compétences d’interprétation !

Ainsi, bien que la partie du programme « Dénoncer les travers de la société » soit centrée sur l’étude de la satire et de ses procédés, les questions du sujet se contentent quasi exclusivement de vérifier si le ou la candidat.e a compris le sens premier du texte de La Fontaine. Compréhension au premier degré, illustration d’une interprétation déjà donnée par le sujet, observation d’une image, voilà les tâches évaluées cette année, au DNB. Il y avait pourtant tant à dire sur l’ironie de cette fable à double détente !

Comment comprendre ce peu d’ambition et de confiance en les capacités de nos élèves ? On a pu entendre, dans les salles des professeur.e.s, certain.e.s dire qu’ils/elles auraient donné ce questionnaire à des élèves de Sixième ou, tout au plus, de Cinquième. Certes, la crise sanitaire a perturbé les enseignements, mais ne guère interroger sur l’implicite d’un texte littéraire, à peine évaluer les capacités d’interprétation, c’est méconnaître, voire mépriser le travail des professeur.e.s de Troisième qui forment leurs élèves à l’analyse des textes tout au long de l’année ; c’est aussi scandaleusement affaiblir l’intelligence et la malice d’une fable magistrale. Déjà, l’an dernier, la panoplie de questions ne permettait pas d’approcher le sens global de l’extrait du Capitaine Fracasse et en cela appauvrissait la portée du texte de Gautier.

Les questions de langue sont elles aussi de plus en plus simples, au fil des ans, et l’on se demande jusqu’où les concepteur/trice.s de sujets descendront pour atteindre le niveau supposé des élèves en grammaire. Enfin, le sujet d’imagination consiste en l’écriture d’un récit avec un changement de point de vue et une mise en valeur des marques de la subjectivité, mais sans dimension argumentative. Des consignes de correction conduisent à mettre la moyenne à un devoir pourtant totalement hors sujet ! Si les professeur.e.s correcteur/trice.s comprennent qu’il faille être bienveillant.e.s pour un tel examen, ils/elles dénoncent les injonctions qui les amènent à renier leur expertise et leur éthique professionnelle.

L’analyse du sujet de série professionnelle : un sujet exigeant mais plutôt mieux conçu

Le texte support est tiré d’une œuvre contemporaine de Véronique Olmi, Numéro Six. L’extrait se présente sous la forme d’un roman autobiographique assez complexe en ce qu’il demande de mobiliser des références historiques liées à la première guerre mondiale, et dans la mesure où il joue sur plusieurs temporalités. La lecture n’est donc pas aisée pour un.e candidat.e. en série professionnelle, mais le questionnaire est bien plus intelligemment conçu qu’en série générale : il propose d’attirer l’attention des candidat.e.s sur un passage précis du texte, de l’explorer afin de comprendre de quoi il est question pour ensuite les guider vers l’élaboration du sens implicite par un traitement des inférences. Les questions portant sur l’image, un herbier dit « des tranchées », sont elles aussi plus ouvertes à l’interprétation et donc plus intéressantes que celles proposées en série générale, qui consistent simplement en une observation d’image afin d’illustrer un axe d’interprétation déjà donné.

Le sujet d’imagination est également plus exigeant que pour la série générale : il suppose que le ou la candidat.e ait des connaissances historiques précises pour pouvoir décrire « les conditions de vie dans les tranchées ». En revanche, le sujet de réflexion peut avoir déstabilisé certain.e.s de nos élèves car il s’écarte du format du développement argumenté auquel on les prépare traditionnellement : sans que que ce soit explicité, on peut attendre du candidat.e l’écriture d’un dialogue argumentatif.

Des conditions de correction intolérables

Cette année encore, des consignes de corrections académiques sont venues compléter le corrigé national. On arrive ainsi, dans l’académie de Créteil, à un document de 11 pages, et dans l’académie de Dijon à un ensemble de 16 pages, que les examinateur/trice.s doivent assimiler avant procéder aux corrections des copies ! Mais, en outre, cet ajout de consignes de correction locales vient affaiblir la dimension nationale d’un examen déjà bien peu valorisé.

En témoigne la ridicule indemnité reversée par copie aux correcteur/trice.s d’une épreuve qui s’étend pourtant sur 3 heures et s’étend sur 4 pages entièrement remplies en moyenne : 75 centimes ! Il n’est d’ailleurs pas juste de dire que pour l’épreuve de français, une copie est payée 75 centimes car, comme l’épreuve comporte deux voire trois parties distinctes (d’une part, questions sur un texte littéraire et une image, puis dictée, et d’autre part, rédaction), les candidat.e.s composent sur deux copies distinctes. L’indemnité de 75 centimes s’applique donc pour deux copies corrigées, au bas mot.

Or, l’ensemble de ces deux copies nécessite en moyenne 20 à 30 minutes pour être corrigé. Les professeur.e.s de français convoqué.e.s pour le DNB touchent donc une indemnité horaire comprise entre 1,50 euro et 2,25 euros ! Comment ne pas voir en cette compensation mesquine le mépris de l’institution pour le travail des correcteur/trice.s en français ? Aucun.e de ceux/celles qui ont fixé cette indemnité n’a jamais expérimenté une journée de corrections.

Quelques éléments concrets :

  • Des lots de copies bien trop lourds : jusqu’à 45 copies par correcteur/trice dans l’académie de Lille ! D’après les remontées réelles du terrain (nombre de copies prévues + copies d’absent.e.s à répartir), nous estimons le nombre moyen de copies corrigées à presque 36 par examinateur/trice.
  • Une journée de travail débutant à 8h et finissant souvent à 18h, parfois sans pause méridienne par peur de ne pas finir dans les temps.
  • Des disparités dans les jours de convocation. Pourquoi certaines académies ne convoquent-elles les correcteur/trice.s qu’une seule journée ? Il faut également que cessent les pressions exercées par certain.e.s chef.fe.s de centre d’examen pour que les corrections soient terminées la première journée.
  • Un manque d’anticipation, des défauts d’organisation dans certaines académies, comme celle de Paris : trop peu de professeur.e.s convoqué.e.s en amont, surtout en cette période de reprise de l’épidémie.

Ce que demande le SNES-FSU

Il est absolument indécent de verser une indemnité horaire d’1,50 euro à des professeur.e.s ! Le SNES-FSU demande une revalorisation notable de l’indemnité de correction pour les copies de brevet. (Voir notre article : https://www.snes.edu/article/examens-2022-tout-travail-merite-salaire/) L’épreuve de français est une épreuve double, voire triple : il faut cesser de considérer que l’on corrige une seule copie quand, dans les faits, on en corrige deux par candidat.e !

Le SNES-FSU demande la généralisation, à toutes les académies, de la possibilité de corriger sur deux jours, afin d’éviter que des correcteur/trice.s se privent de pause, parfois même de pause méridienne, ou subissent une journée de travail intense qui dépasse les dix heures. Il demande également que beaucoup plus de professeur.e.s soient convoqué.e.s afin de diminuer significativement le nombre de copies par lot.

Enfin, le SNES-FSU s’oppose au manque d’ambition lisible dans le sujet de brevet donné en série générale. Le DNB ne doit pas être un examen au rabais, qui valide un minimum de compétences et de connaissances ; il doit ouvrir à la compréhension et à l’interprétation, à la réflexion en s’appuyant sur une démarche guidée progressive pour préparer les candidat.e.s à la poursuite de leurs études.

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