« Internat d’excellence », un air de déjà vu

Le plan internat présenté le 1er juillet 2020 prend appui sur le rapport Foucault – Gouttebel resté confidentiel. Objectifs affichés, créer 240 « internats à projets » et accueillir 13000 élèves supplémentaires d’ici 2022. Le plan prévoit de relancer les « internats d’excellence », et de développer deux autres types d’internats : des « résidences à thèmes » (sport, culture, sciences…), et des internats pour les campus des métiers.

En tant que recteur de l’académie de Créteil puis Directeur de l’enseignement scolaire (DGESCO), l’actuel ministre avait déjà inauguré à grand tapage médiatique les internats d’excellence destinés à accueillir les élèves « méritants d’origine modeste ». Le recrutement des personnels s’y faisait sur profil, les élèves sur dossier, le mérite scolaire et comportemental était déjà un critère de sélection. Leur coût exorbitant (en moyenne 50 000 € la place et jusqu’à 100 000 € au fameux internat de Sourdun, contre 20 000 € en structure classique) a été dénoncé dès 2011 et cette politique faussement méritocratique abandonnée progressivement car dans les faits, elle s’est limitée à une labellisation de places (8000) dans des internats existants. Elle a ainsi rompu avec le principe d’égalité entre élèves d’un même internat, certains bénéficiant d’une politique spécifique dite « d’excellence » sur les places labellisées pendant que les autres ne bénéficiaient de rien. Elle a eu aussi pour effet de siphonner les élèves à bon potentiel scolaire et d’en priver les établissements de l’éducation prioritaire, accentuant ainsi leur ghettoïsation.

Toujours sourd à toute critique, le ministre en tire au contraire un bilan positif et la remet à l’honneur. Ainsi, le plan prévoit au moins un internat d’excellence par département (soit un total de 100 à répartir entre 70 collèges et 30 lycées). La communication ministérielle du 26 mars vante le succès des internats d’excellence : 54 projets retenus à ce jour par la campagne de labellisation qui court jusqu’au 30 avril 2021. Alors que le dossier de presse souligne que les élèves des quartiers prioritaires de la politique de la ville sont particulièrement concernés, la liste communiquée comprend uniquement deux collèges en éducation prioritaire ! Ces internats sont labellisés pour une durée de 5 années scolaires et feront l’objet d’une évaluation pour un renouvellement éventuel.

Il est question, comme en 2008, de sélectionner les élèves « sur motivation » sous-entendu méritants tant par les résultats que par le comportement. Une nouvelle fois, la réussite de quelques-uns se substitue à l’objectif de réussite pour tous, tout en insufflant l’idée que la seule façon de s’en sortir dans un établissement difficile, c’est de le quitter.

Question financement, l’État, dans le cadre de son plan de relance envisage une aide de 50 M€ complétée par un cofinancement à hauteur de 50 % des collectivités territoriales pour « le bâti scolaire » mais sans faire la part des moyens explicitement affectés aux internats. Le montant global disponible pour la revalorisation annoncée de « la prime à l’internat » attribuée aux élèves boursiers (entre 258 et 297€ pour les collégiens et entre 258 et 423 € pour les lycéens par an) n’est pas chiffré. Il est prévu de faciliter la mobilisation des fonds sociaux mais sans préciser s’ils seront abondés ou resteront à moyens constants.

Amalgame, ripolinage et recyclage

Les « internats à projets » de 3 types présentés en juillet 2020 semblent tous désormais englobés sous le seul vocable blanquerien d’internats d’excellence. De 100 internats d’excellence prévus au départ, la communication ministérielle en évoque maintenant 240. Pour le ministre les internats porteurs d’action culturelle ou sportive sont maintenant « excellence », de même que les campus des métiers. Parmi les 54 établissements retenus (annexe du dossier de presse), le recyclage est manifeste. Plusieurs d’entre-eux accueillant historiquement des sections sportives sont désormais labellisés « excellence »… Seuls, 19 nouveaux internats voient le jour, le reste de la liste permettant d’afficher ici ou là quelques places supplémentaires… à peine 1500 places là où l’affichage médiatique de départ annonçait 13 000 nouvelles places d’ici 2022.

Des métiers réorientés 

Le plan, à l’instar d’autres réformes, entend redéfinir les métiers. Il est question de « métiers de l’internat » et de « s’appuyer sur un corps de professionnel formés et un chef de projet national pour en assurer la mise en place et le suivi ». Un « manager d’internat » ou « chef de projet » sera « responsable de l’animation pédagogique et de la coordination des actions éducatives ».

La volonté actuelle des administrations rectorales de profiler les postes de CPE au prétexte de l’existence d’un internat ne manquera pas d’en ressortir renforcée. Rappelons que la circulaire de missions des CPE de 2015 précise bien que « tous les CPE de l’établissement participent à l’organisation et à l’animation éducative de l’internat. Il en résulte qu’aucun ne peut être spécialisé dans les responsabilités d’internat ».

Le dossier de presse ne mentionne pas les formations annoncées en juillet 2020 pour les personnels, notamment CPE et AED et les personnels médicaux-sociaux sont toujours totalement ignorés.

Un dispositif au service d’une vision idéologique

L’internat version Blanquer marque le retour d’un système à deux vitesses, d’un côté des structures classiques, de l’autre, celles tournées vers « l’excellence », une version libérale de la politique de l’internat scolaire : le droit au choix individuel plutôt que la qualité pour tous. Un tel plan, à terme, ne peut qu’encourager la compétition entre les établissements au lieu de les inciter à travailler en coopération sur leurs complémentarités sur un même territoire. Comment parler d’un plan ambitieux quand seuls 240 internats seront labellisés sur les 1531 existants ?

Ce plan internat trouve toute sa place dans le cadre du néomanagement qu’entend imposer le ministère : postes profilés, recrutement à terme des personnels par les chefs d’établissements, mise en place de hiérarchies intermédiaires… A ce titre le dossier de presse regorge de termes et d’expressions chers aux tenants du néo management : « marqueurs de territoire », « internat-projet » …

Pour le SNES-FSU, une véritable politique éducative ne saurait se limiter à une opération partielle au bénéfice de quelques uns mais au contraire constituer une action publique à l’intention de tous.

Il revendique une rénovation de tous les internats, comprenant un encadrement éducatif et pédagogique de qualité, en concertation avec les collectivités territoriales pour améliorer partout les conditions matérielles d’accueil.


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