Le 16 octobre, cela fera cinq ans que Samuel Paty a été assassiné par un terroriste islamiste. Le 13 octobre, cela fera aussi deux ans que Dominique Bernard a payé de sa vie son engagement professionnel dans les mêmes circonstances. Nos pensées vont d’abord leurs familles, leurs proches, leurs collègues, leurs élèves.

Cinq ans. Plus de la moitié de la scolarité d’un·e élève dans le second degré. Les élèves en Sixième cette année étaient en CP lors de l’assassinat de Samuel Paty. Comment rendre hommage à nos deux collègues, comment faire vivre leur mémoire au fil des années ?

Nos deux collègues ont été assassinés par des terroristes islamistes car ils étaient des professeurs de l’École publique laïque, celle qui pose les conditions de l’émancipation en protégeant de tout prosélytisme, en faisant grandir ensemble nos élèves. Parce que ce projet est insupportable pour les ennemis de l’École publique. Samuel Paty et Dominique Bernard ont payé de leur vie leur engagement professionnel. Pour que leur mémoire vive au sein de la communauté éducative et au-delà dans toute la société, un hommage à la hauteur est indispensable quand arrive la deuxième semaine d’octobre. Les professeurs poursuivent, elles et eux, le travail pédagogique tout au long de l’année avec nos élèves, en particulier sur les questions de libertés d’expression et de laïcité.

Que fait l’institution ?

En matière d’hommage, l’institution doit d’abord assumer ses responsabilités. Trop souvent, elle a communiqué en dernière minute, dans la précipitation, sur l’hommage rendu à nos collègues. C’est encore une fois le cas cette année, avec un mail laconique envoyé jeudi 9 octobre au soir, aux rectrices, recteurs, DASEN et chefs d’établissement, pour une journée d’hommage le mardi 14 octobre. Soit à peine deux jours ouvrés pour s’organiser dans les collèges et les lycées. Le ministère n’a plus aucune excuse liée à la surprise ou la sidération. Cette année encore, il n’est pas à la hauteur alors même que nous l’avons interrogé dès la fin du mois de septembre. Il n’est pas acceptable que toute la chaîne hiérarchique se défausse sur les collègues dans les établissements, d’autant plus que l’extrême droite est aux aguets, dans une détestable opération de récupération et d’instrumentalisation pour fracturer la société.

Se souvenir, faire vivre la mémoire de nos deux collègues

Samuel Paty et Dominique Bernard ont été assassinés car ils incarnaient et faisaient vivre le projet de l’École publique laïque. Faire vivre leur mémoire, c’est faire vivre l’École publique laïque, c’est faire reculer tous les obscurantismes, c’est émanciper la jeunesse par les savoirs, c’est reconnaître le rôle éminent des personnels dont c’est la mission. L’école de la République n’est pas qu’un idéal à convoquer ponctuellement : les personnels en incarnent quotidiennement les ambitions. Mais l’idéal républicain de l’école publique et laïque -faire grandir et réussir tous les élèves ensemble quels qu’ils soient et où qu’ils soient-, ne peut reposer seulement sur des personnels toujours moins nombreux, toujours moins reconnus, toujours moins considérés. Il faut des actes pour assurer la protection, le respect et la valorisation de nos personnes comme de nos métiers. Les réponses éducatives exigent du temps et des moyens en personnels pour répondre aux besoins des élèves.

Faire vivre l’École publique laïque

Redonner espoir et ambitions à toute la jeunesse, nécessite de concrétiser partout les visées émancipatrices de l’École publique laïque. L’École publique laïque était explicitement visée par les assassins de nos collègues. Il faut rappeler sans cesse que l’École publique laïque ne se défie pas de ses élèves. La laïcité scolaire doit leur permettre d’entrer dans une dimension réflexive et critique dans laquelle, dans le cadre de la loi, leurs questionnements ou avis sont légitimes et mis en perspective par les programmes et les enseignements. Elle crée les conditions de l’émancipation en protégeant de tout prosélytisme et en faisant cesser en son sein toutes les assignations. Cela doit être préservé et expliqué. Faire venir, étudier, s’épanouir tous les jeunes dans l’Ecole publique laïque doit être une exigence nationale. Face à ces défis, il faut que le principe de laïcité et les conditions de son application, permettent l’accueil de tous les élèves sans discriminations et sans concessions à l’égard de toutes les formes de pressions ou de prosélytisme.

Faute de moyens et d’ambition pour son développement, faute d’une défense véritable face aux attaques qu’elle subit de la part des réactionnaires de tous bords, l’École publique laïque est aujourd’hui abîmée, y compris par des réformes et expressions gouvernementales. L’École publique laïque n’incarne pas un idéal éthéré derrière lequel se réfugier à chaque drame pour mieux poursuivre ensuite les politiques de son affaiblissement. Les attentats islamistes comme les offensives réactionnaires (dans lesquelles fondamentalismes religieux et extrême droite sont très actifs) contre des enseignements, des établissements et des personnels, le relativisme scientifique galopant, la désinformation, rappellent les enjeux démocratiques inhérents au renforcement de l’école laïque. Les politiques publiques, y compris de l’institution scolaire, doivent cesser de l’affaiblir.

Un hommage en octobre qui ne peut rester sans suite

Cette période d’hommages à nos collègues Samuel Paty et Dominique Bernard, assassinés tous deux parce qu’ils faisaient leur métier, ne peut rester sans suite. Il est urgent que la République soutienne pleinement son école, l’école publique laïque, la seule école de toute la jeunesse vivant dans ce pays et les personnels qui la font vivre. L’École ne peut continuer à faire face, seule, à tous les maux de la société. Ces métiers que nous faisons pour transmettre des savoirs, pour apprendre à grandir, à travailler et à échanger avec les autres, pour émanciper par les connaissances, pour libérer des carcans par l’esprit critique sont les nôtres.

Si chacun·e vit et revit ces moments à sa manière, tellement ces drames renvoient à notre rapport intime au métier, c’est bien collectivement que nous continuerons de porter l’impératif éducatif, social et démocratique de l’idéal républicain de l’École publique et laïque pour faire vivre dignement la mémoire de Samuel Paty et Dominique Bernard à travers le temps.



Vos questions
Le Snes défend les droits individuels et collectifs. Vos représentants vous répondent, vous conseillent et vous accompagnent.
Accès à la FAQ

Vous ne trouvez pas votre réponse, posez-nous votre question