Plan filles et maths

Classes à horaires aménagés en 4e et en 3e en mathématiques et en sciences

L’annonce marquante de ce plan est celle de la création de classes à horaires aménagés en mathématiques et en sciences. Chacun peut ressentir un sentiment d’improvisation, comme en décembre 2023 quand Gabriel Attal annonçait ce qui ne s’appelait pas encore l’épreuve anticipée de culture mathématique en Première. À l’époque étaient alternativement évoquées une « épreuve anticipée de mathématiques » et une « épreuve anticipée de culture mathématique et scientifique », dans un flou absolu. L’important, c’est de faire un coup de com, sans mesurer les implications de ce qui est annoncé.

Le ministère a-t-il pensé que la féminisation de ces classes aménagées en collège conduirait de fait à déséquilibrer le ratio filles-garçons des autres classes ?

Un autre impensé, et de taille : ces classes à horaires aménagés ne pourraient-elles pas devenir des classes de niveau  et constituer une nouvelle forme de tri scolaire et social, alors que les personnels rejettent massivement cette ligne politique du « Choc des savoirs » ?

Quelle organisation pour ces classes ? Quels programmes ? Le ministère met en avant « la pédagogie de projet » qui « permettra de développer l’appétence des élèves et notamment des filles pour les sciences. ». Doit-on s’attendre à ce que la mise en place de ces classes suive le modèle adopté pour la Prépa-seconde, « l’option santé » et les autres dispositifs expérimentés ces derniers temps ? Va-t-on laisser les personnels des établissements concernés s’épuiser à construire un dispositif dont on sait très bien qu’il n’est pas la bonne réponse à la problématique que l’on veut résoudre ?

Ne faudrait-il pas, surtout, donner les moyens aux collèges et lycées de (re)mettre en place des groupes à effectifs réduits en mathématiques, en sciences et technologie, notamment pour renforcer la dimension expérimentale de ces derniers enseignements ? Alors que le financement des groupes de niveau en Sixième et Cinquième a entrainé la suppression massive des demi-groupes en sciences et la disparition de la technologie en Sixième, l’invention de ces classes aménagées censées compenser des problèmes que le ministère a lui-même amplifiés avec ses réformes a vraiment un gout amer pour les collègues et le SNES-FSU !

« Formation » des personnels

Par ailleurs, quelle ironie de lire que dans une période où l’on détruit les formations initiale et continue, on va sensibiliser (ce qui n’est pas former !) « dès la rentrée 2025, tous les professeurs de l’éducation nationale aux biais de genre » ! « Cette sensibilisation de 2 h devra se dérouler avant le 15 septembre. Elle sera animée par le directeur d’école, le chef d’établissement ou le référent égalité filles-garçons, qui auront bénéficié eux-mêmes d’une formation dispensée par le ministère ». Doit-on s’attendre à un nouveau « magistère » ? Pense-t-on sérieusement que ces deux heures de « sensibilisation » sont à la hauteur des enjeux ? Le ministère mettra-t-il autant de cœur à communiquer sur la question de l’EVARS et surtout à vraiment former les personnels ?

Citons la mesure n°2 : « dès la rentrée 2025, un plan de formation pluriannuel permettra de former tous les professeurs des écoles et les professeurs de mathématiques du second degré à la prévention des biais de genre et des stéréotypes dans l’apprentissage des mathématiques ». Pourquoi ne pas former l’ensemble des professeur·es de toutes les disciplines ? C’est d’autant plus dommage que cela pourrait s’inscrire dans un plan plus large de formation des personnels, y compris en lien avec le nouveau programme d’EVARS.

La charte qui va tout changer… ou non

La mesure n°3 indique que « dès la rentrée 2025, une charte de lutte contre les stéréotypes sera affichée en salle des maîtres et en salle des professeurs. Cette charte rappellera les points de vigilance pour mieux prévenir la reproduction des stéréotypes. ». Il est peu probable que cette charte ait un quelconque effet, cependant elle a l’avantage de ne rien coûter…

Dénis de réalité et erreurs de diagnostic

La lecture de la partie concernant le pilier 2 « renforcer la place des filles dans les enseignements qui ouvrent vers les filières d’ingénieur et du numérique » consiste à « faire l’autruche » et refuser de voir la réalité en face.

Mettons de côté la visée sous-jacente d’un adéquationnisme entre l’offre de formation et les besoins en emplois.

Le paragraphe évoque enfin le lycée : « À l’échelle du pays, le plan “Filles et Maths” a pour objectif que 30 000 filles de plus en 2030 choisissent l’enseignement de spécialité de mathématiques en classe de première et le conservent en terminale, soit 5 000 filles de plus par an à compter de la rentrée 2025 ». On a ici non pas une mesure mais l’énoncé nu d’un objectif sans que l’on sache comment y parvenir.

Mais surtout, on ne trouve aucune remise en cause du nœud du problème que constitue la réforme Blanquer du lycée qui a rayé d’un trait de plume, en une seule année, les 20 ans de progrès réalisés avant elle en matière de féminisation dans les sciences et les mathématiques (voir par exemple ici ou ) !
% d'élèvesde 1ière générale suivant un enseignement de plus de 2h30 hebdomadaires

Avant la réforme, 61,4 % des filles de la voir générale suivaient au moins 5h de maths par semaine en Terminale (en série S, ou en série ES avec la spécialité maths) ; à la dernière rentrée, seules 32,7 % des filles de Terminale sont dans ce cas : la réforme a divisé le chiffre quasiment par deux. Avant la réforme, 80% des filles suivaient un enseignement de mathématiques hebdomadaire de 3h ou plus sur la totalité du lycée général ; c’est seulement 49% depuis, et cela s’aggrave …

De même, nulle part dans le plan présenté par E. Borne on ne trouve de réel levier pour agir sur les inégalités de réussite en mathématiques en filles et garçons… qui ont forcément une influence sur les choix de cursus, surtout quand on demande aux élèves de le construire sur la base d’un lycée qui désormais fait la part belle à ces choix, et bien plus tôt qu’auparavant. Les études de la DEPP montrent que ces inégalités s’installent très tôt dans la scolarité, dès le cycle 2, et qu’elles s’aggravent jusqu’au cycle 3, avent de se résorber un peu au cycle 4, mais très insuffisamment. Or, qu’est-il prévu de spécifique pour ces années cruciales ? Rien, ou si peu … et surtout pas d’agir sur le coeur du problème : la réussite des apprentissages, pour toute et tous avec les conditions d’études et de travail pour y parvenir massivement. Pire, la mesure envisagée (voir plus haut) entend entériner les écarts par la mise en place de parcours différenciés entre filles et garçons … dès le collège !

Quota de filles à l’entrée en CPGE scientifique

La mesure n°6 est « la mise en place de cible de filles à l’entrée en CPGE scientifique avec un minimum de 30 % en 2030 ». En plus d’une expression particulièrement maladroite (“cible de filles”), aucune remise en cause de la réforme Blanquer du lycée ni de Parcoursup n’est envisagée !

La mesure n°7 va sans doute faire l’objet de controverses : « une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes professeurs en classe préparatoire scientifique. L’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) et la direction générale des ressources humaines du ministère s’attacheront à mieux repérer les femmes susceptibles d’enseigner en classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE). Ce plan fixe un objectif d’au moins 30 % de femmes parmi les nouvelles nominations en classes préparatoires. Une vigilance particulière sera demandée aux proviseurs pour répartir le plus équitablement possible les professeurs en enseignement de spécialité de mathématiques et en enseignement optionnel de mathématiques expertes. ». Pourquoi se concentrer uniquement sur les mathématiques, tout particulièrement en classes préparatoires ? Pourquoi le ministère ne se saisit-il pas des nombreuses autres inégalités hommes/femmes, à commencer par celles concernant les carrières et les salaires ?

Enfin le pilier 3 prétend « ouvrir les horizons des jeunes filles et susciter des vocations », dont la mesure n°8 « mise en place de rencontres systématiques avec des rôles modèles de la 3e à la terminale » correspond à la généralisation de choses qui se font déjà dans les collèges et lycées. Les actions de valorisation des réussites de filles en mathématiques sont déjà prévues au Plan Maths du collège depuis l’été 2022…

Chacun·e peut se poser naïvement la question suivante : toutes les mesures annoncées ont-elles fait l’objet d’une concertation ? Les professionnel·les que nous sommes n’auront-ils et elles donc jamais leur mot à dire quant à la façon de faire évoluer le système éducatif dans le sens d’une plus grande démocratisation scolaire ? La tentation est grande de voir dans les déclarations de la ministre de l’Éducation Nationale un « coup de com » afin de masquer les effets délétères des réformes passées et à venir (réforme de la formation initiale et des concours par exemple) ou les  scandales en cours liés au contrôle défaillant de l’enseignement privé sous contrat (Stanislas et Bétharram en particulier, mais combien d’autres ?). Quoi qu’il en soit, le SNES-FSU continue d’agir avec les personnels contre le tri social, les réformes inégalitaires et pour la démocratisation du système éducatif.

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