Cette évolution prend racine dans un contexte plus général de tentative de mise au pas des psychologues, de contrôle dans lequel s’inscrit le projet de création d’un ordre des psychologues rejeté très majoritairement par les psychologues de tous les champs professionnels.

L’organisation des journées d’études des PsyEN par le SNES et le SNUipp fin juin 2021, venaient à point nommé pour questionner ces évolutions et s’interroger sur la place pour une psychologie de l’émancipation dans ce contexte.

Les interventions des chercheurs et les échanges, notamment en ateliers, ont permis de décrypter ce qui se cache sous le vocabulaire de l’empathie, du bien-être et de l’individualisation dont notre Ministère est si friand.

Termes qui peuvent séduire les psychologues par le souci affiché du respect de la diversité, de l’émergence des potentiels et des talents, de la maximisation des chances de réussite de chacun.

Mais, les analyses des intervenants ont permis de mettre en évidence les fondements de ces beaux discours. En particulier, J.Y Rochex a montré combien les dispositifs qui les accompagnent, invisibilisent les inégalités sociales et individualisent encore davantage les destins scolaires, chacun portant alors la seule responsabilité de sa réussite ou de son échec scolaire. Le rôle essentiel du social et de la médiation d’autrui dans le développement du sujet est évacué au profit d’une conception « naturalisante ».


Rien de bien nouveau depuis la théorie des dons ?


Sauf que, si un vocabulaire psychologique est mobilisé -motivation, estime de soi, créativité, autonomie- les dispositifs qui sont censés les développer se passent délibérément des PsyEN et poursuivent d’autres objectifs !

  • Ils dédouanent l’École des inégalités qu’elle produit en proposant pour les uns, l’acquisition des « bonnes compétences comportementales » qui permettraient de réussir et en offrant aux autres l’accès à des réseaux auxquels leur mérite leur donnerait droit (cordées de la réussite, mentorat, parrainage).
  • Ils transforment les enseignants en accompagnateurs de cette croissance interne, respectueux de son rythme, de ses particularités, attentifs aux besoins particuliers de chacun au risque de faire des acquis de la psychologie sur le développement de l’enfant, une barrière d’étapes indépassables tant que la maturation ne serait pas au rendez-vous.
  • Ils instrumentalisent la psychologie et les psychologues pour détecter les talents mais surtout les élèves à risques (Troubles neuro développementaux, décrochage, violence) afin de leur proposer des programmes rééducatifs ou thérapeutiques courts et externalisés, imposant ainsi une vision épidémiologique du psychisme et du développement.

Ils ignorent également les résultats de nombreux travaux de recherche montrant l’aggravation des inégalités scolaires engendrés par ce type de démarches.

A. Tricot a pu détailler toutes les idées fausses associées à l’usage du numérique pour apprendre, en insistant sur l’importance du contenu et des fonctions pédagogiques visées. Le numérique ne veut rien dire en soi. Il n’est donc pas « par nature » plus efficace et ne rend pas par magie,plus autonome.

H. Durler et N. Marquis ont mis en évidence les facteurs d’inégalités liés au modèle de l’individu autonome, capable de s’auto-déterminer, véritable partenaire de sa formation. Ils ont interrogé cette pression à la gouvernance de soi qui s’invite tant à l’École que dans la vie quotidienne.

B. Golse et A. Delègue, ont dénoncé la réduction de la psychopathologie au seul courant médical au détriment de différents courants théoriques et au prix d’une normalisation de la subjectivité.

J.Y Rochex dénonçant cette « rhétorique du bien-être », a alerté sur les risques que les enfants de milieu populaire ne puissent développer leur pouvoir d’agir et de penser, faute de sollicitations appropriées. Ce développement empêché peut finir par faire rage contre lui-même et les autres.

J.Y.Rochex appelle les psychologues à l’École, à mettre en œuvre « une clinique de l’historicité et de l’indétermination », à se préoccuper des différents milieux de vie de l’enfant et à favoriser l’élaboration de leurs discordances. C’est à ce prix que l’adolescent pourra construire sa personnalité et préparer, de manière singulière une projection dans l’avenir, distanciée des déterminismes et du ressentiment.

Question éminemment sociale et psychologique qui interpelle particulièrement les finalités de l’École et le rôle que les PsyEN peuvent y jouer.
Gageons que ces échanges permettront de redynamiser la réflexion collective et notre détermination à ne pas laisser instrumentaliser la psychologie à l’École et notre métier.


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