Le ministre a présenté son projet de réforme de la voie professionnelle : beaucoup d’affichage, mais aussi un changement de paradigme.

Au-delà des effets d’annonces (le « chef-d’œuvre », les « Harvard des métiers », les familles de métiers et l’orientation progressive, le CAP en trois ans, les profs de lycées pro en BTS…), le projet de réforme de la voie professionnelle comporte deux caractéristiques complémentaires.

Coupes sombres dans le général

Le ministre ne s’est pas étendu sur les diminutions importantes des horaires dans les disciplines générales, en français, en histoire-géographie, en maths-sciences, en anglais (– 16 % d’heures en mathématiques, – 13 % en lettres histoire). Ainsi, les jeunes n’auraient pas besoin des fondamentaux scolaires et culturels, pourtant nécessaires à toute insertion sociale et professionnelle réussie, pour acquérir les gestes des métiers. Le ministre oublie cer­tainement que c’est justement en conservant un niveau d’exigence sur l’ensemble de la formation que le baccalauréat professionnel peut espérer être le tremplin souhaité par les jeunes en formation en LP.

Transfert de responsabilité

Mais ces coupes dans les enseignements généraux s’accompagnent d’une évolution de la finalité de la formation. De façon apparemment paradoxale, le ministre chercherait à maintenir une professionnalisation par une révision des référentiels à la main des branches professionnelles, par le pilotage des cartes de formations transférées aux Régions et aux entreprises, par la promotion de l’apprentissage et des Campus des métiers, tout en prévoyant des poursuites d’études pour les bacheliers en introduisant un module adéquat en Terminale et en proposant aux autres une insertion professionnelle qui passerait par l’apprentissage.

Le ministère ne cache même plus sa volonté de répondre au défi de la nécessaire élévation de qualification des jeunes en abandonnant ceux-ci aux souhaits des branches professionnelles et des Régions, qui pourront « régler » les sorties de formation en fonction des besoins immédiats du marché de l’emploi.

Le projet d’un enseignement pro­fessionnel humaniste et ambitieux ­s’effondrerait.

Les séries techno fragilisées

Les conséquences de la réforme de la voie pro sur le lycée général et technologique seraient significatives. En instituant une frontière imperméable entre la voie générale – où le jeune serait amené à construire son parcours de formation –, et des formations professionnelles pilotées par les entreprises au seul service de « l’emploi », le ministre marginalise encore plus les séries technologiques, qui perdent leur fonction de lien entre le général et le professionnel.

C’est malheureusement ainsi qu’il faut lire la décision du ministre de ne pas modifier la structure des séries technologiques : elles devraient disparaître d’elles-mêmes.

Thierry Reygades

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