Responsabilité du fonctionnaire et discipline

3. La procédure disciplinaire
3.1. La faute disciplinaire
3.2. Les sanctions disciplinaires
3.3. L’indépendance des actions disciplinaires et pénales
3.3.1. La sanction disciplinaire intervient avant le jugement pénal
3.3.2. La sanction disciplinaire intervient après le jugement pénal
3.4. La procédure disciplinaire
3.5. Les recours contre une sanction disciplinaire
3.6. La situation des non-titulaires
3.7. Le licenciement pour insuffisance professionnelle
3.8. La suspension


3. La procédure disciplinaire
Textes applicables
Statut général des fonctionnaires de l’État, lois 83-634du 13 juillet 1983 et 84-16 du 11 janvier 1984.
Décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l’État.
Décret n° 99-101 du 11 février 1999 déconcentration de la procédure disciplinaire des personnels enseignants du second degré géré par le ministère de l’Éducation nationale.
Note de service n° 99-158 du 13 octobre 1999 : déconcentration de la procédure disciplinaire.

Contrairement à des idées reçues le fonctionnaire ne bénéficie pas d’une impunité parfaite. Certes, le statut général des fonctionnaires ne définit pas la faute disciplinaire ; elle a cependant été largement caractérisée par la jurisprudence.

3.1. La faute disciplinaire
La faute disciplinaire peut consister en une faute commise dans ou en dehors du service. Ce peut être enfreindre une des obligations spécifiques du fonctionnaire :

  • se consacrer exclusivement à sa fonction (sous réserve des dispositions particulières relatives au cumul emploi) ;
  • être désintéressé ;
  • observer la discrétion (tous les fonctionnaires) ou le secret professionnel (personnels médicaux et sociaux) ;
  • être soumis à l’obéissance hiérarchique ;
  • être neutre et impartial.

Apparaît de plus en plus une obligation de courtoisie qui sans être dans le statut se déduit de l’obligation d’exécution correcte des tâches confiées à l’agent public.
Ce peut être hors du service : le fonctionnaire est censé garder une certaine dignité. Le comportement sera apprécié différemment suivant le grade et les fonctions de l’intéressé. Il est certain que le juge administratif sera plus ferme à l’égard d’un enseignant que d’un employé de la voirie, par exemple.
En 1965 (arrêt n° 65397 du 22/12/1965), le Conseil d’État a jugé qu’un instituteur intempérant (même en dehors de son service) pouvait être légalement sanctionné à cause de l’atteinte à l’image de sa fonction.

Outre, des infractions pénales sur lesquelles nous reviendrons et les manquements au statut précités, les fautes disciplinaires le plus souvent sanctionnées sont les suivantes :

  • détournement de fonds ;
  • absences irrégulières ;
  • mauvais service ;
  • intempérance, mœurs ;
  • comportement privé incompatible avec le service.

3.2. Les sanctions disciplinaires
Article 66 de la loi 84-16 du 16 janvier 1984 :
« Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes :

  • Premier groupe :
    – L’avertissement.
    – Le blâme.
  • Deuxième groupe :
    – La radiation du tableau d’avancement.
    – L’abaissement d’échelon.
    – L’exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours.
    – Le déplacement d’office.
  • Troisième groupe :
    – La rétrogradation.
    – L’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans.
  • Quatrième groupe :
    – La mise à la retraite d’office.
    – La révocation.

Parmi les sanctions du premier groupe, seul le blâme est inscrit au dossier du fonctionnaire. Il est effacé automatiquement au bout de trois ans si aucune sanction n’est intervenue pendant cette période.
La radiation du tableau d’avancement peut également être prononcée à titre de sanction complémentaire d’une des sanctions des deuxième et troisième groupes. »

Les sanctions des deux premiers groupes sont prononcées par le recteur, celles des deux derniers par le ministre.
L’exclusion temporaire de fonctions peut être assortie d’un sursis total ou partiel.
À noter que l’avertissement n’est donc pas inscrit au dossier. Il importera dans ce cas de consulter son dossier administratif pour s’assurer que l’avertissement n’est pas dans le dossier au rectorat.
Aucune autre sanction ne peut être appliquée que celles prévues ci-dessus.

3.3. L’indépendance des actions disciplinaires et pénales
La procédure disciplinaire et l’action pénale sont indépendantes l’une de l’autre. Elles peuvent être engagées en parallèle ou successivement. Le recteur ou le ministre peuvent suspendre leur procédure en attendant le jugement pénal.
Deux cas peuvent se présenter :

3.3.1. La sanction disciplinaire intervient avant le jugement pénal
Si les faits apparaissent plus graves que prévus, la sanction disciplinaire ne peut être aggravée. Si des faits nouveaux apparaissent, ils peuvent donner lieu à une nouvelle sanction. Si le fonctionnaire est reconnu ­innocent, si la sanction n’est pas devenue définitive, il peut la contester devant le juge administratif. L’administration peut toujours atténuer une sanction ou la rapporter.

3.3.2. La sanction disciplinaire intervient après le jugement pénal
Ce n’est pas le jugement qui lie l’administration mais l’exactitude matérielle des faits. Le fonctionnaire est reconnu coupable : l’administration n’a aucune marge de manœuvre, les faits sont matériellement établis, elle doit en tirer des conséquences sur le plan disciplinaire.
Le fonctionnaire est innocenté mais les faits sont matériellement établis, l’administration peut encore le sanctionner (Conseil d’État, 31 mai 1968, Moreau).
Rappelons qu’un même fait peut ne pas être une infraction pénale mais être une faute disciplinaire. Le dire ne suffisant pas, l’administration doit le prouver.

3.4. La procédure disciplinaire
L’agent reçoit un courrier l’informant de l’engagement d’une procédure disciplinaire à son encontre et de la possibilité de venir au rectorat consulter son dossier administratif.
Si le recteur envisage une sanction du premier groupe (avertissement ou blâme), la procédure s’arrête là et c’est le recteur qui prononce l’avertissement ou le blâme. Dans le cas contraire, il saisit la commission paritaire siégeant en conseil de discipline (en formation restreinte : seuls siègent les élus titulaires ou les suppléants quand ils remplacent les titulaires ; les élus du même grade que l’intéressé et ceux du grade immédiatement supérieur. Par exemple, pour un certifié classe normale siégeront les élus certifiés de classe normale et les élus hors-classe. Pour un agent hors classe ne siégeront que les élus hors-classe, titulaires et suppléants, cette fois).
Depuis le décret n° 99-101 du 11 février 1999, ce sont les commissions paritaires académiques qui sont compétentes (sauf pour certains personnels affectés dans les collectivités d’outre-mer, à l’étranger ou détachés).
La procédure est contradictoire, l’intéressé est entendu et peut faire citer des témoins et être défendu par la ou les personnes de son choix : représentants SNES-FSU (en dehors des élus de la CAPA), avocat, collègue… Le conseil délibère à huis clos. Le président met aux voix la sanction la plus sévère envisagée et redescend l’échelle des sanctions jusqu’à dégager une majorité (y compris sur la question : faut-il une absence de sanction ?). Si aucune proposition n’a recueilli la majorité, la commission est réputée avoir été consultée et ne pas avoir d’avis, le recteur ou le ministre ont alors les mains complètement libres.
La commission ne donne qu’un avis, c’est le recteur ou le ministre qui ont le pouvoir ­disciplinaire. Le recteur prononce les sanctions des premier et deuxième groupes ; le ministre les sanctions des troisième et quatrième groupes.

3.5. Les recours contre une sanction disciplinaire
Ils sont de trois ordres :
1. Le recours devant la commission spécialisée du Conseil supérieur de la Fonction publique de l’État. La commission ne formule que des avis qui ne s’imposent pas à l’administration. Sa saisine suspend le délai de recours au Tribunal administratif. Elle peut être saisie pour les sanctions du 4e groupe lorsqu’elles n’ont pas eu la ­majorité des deux tiers des voix ; pour les sanctions des 2e et 3e groupes si le conseil de discipline avait proposé une sanction moins sévère ou si ces sanctions n’avaient pas eu la majorité des voix.
La saisine ne suspend pas l’exécution de la sanction.
La commission est paritaire, composée pour moitié des représentants de l’administration (tous ministères confondus) et moitié des représentants du personnel (toutes les grandes confédérations et fédérations présentes dans la fonction publique d’État).
2. Le recours gracieux ou hiérarchique. Le recours gracieux se fait devant l’autorité auteur de la sanction. Le recours hiérarchique est adressé en cas de sanction des 1er et 2e groupes auprès du ministre pour une sanction prononcée par le recteur.
3. Le recours devant le juge administratif. Il est précédé ou non de la saisine de la commission de recours du CSFPE. Le juge recherchera une certaine proportionnalité entre la faute et la sanction. En cas de disproportion, le juge pourra annuler la sanction pour erreur manifeste d’appréciation. Il dispose aussi d’un regard sur la procédure et peut annuler pour vice de forme.

3.6. La situation des non-titulaires
Elle est traitée dans le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986. Les sanctions sont au nombre de quatre :

  • L’avertissement.
  • Le blâme.
  • L’exclusion de fonctions pour un mois maximum.
  • Le licenciement.

Le pouvoir disciplinaire appartient à l’autorité ayant le pouvoir de procéder au recrutement. La délégation du pouvoir de procéder au recrutement emporte celle du pouvoir disciplinaire. L’intéressé a également droit à communication de son dossier.
Le cas des assistants d’éducation, contractuels de droit public, embauché par un EPLE représenté par un chef d’établissement entrent dans le champ des Commissions consultatives paritaires (CCP) et des dispositions du décret du 17 janvier 1986.

3.7. Le licenciement pour insuffisance professionnelle
Ce n’est pas une sanction disciplinaire, c’est la conséquence d’un ensemble de faits qui rendent impossible le maintien de la qualité de fonctionnaire. Par exemple, Conseil d’État, 17 mars 2004, M. Provost : « un manque de diligence et de rigueur dans l’exécution de son travail, une inaptitude à exercer ses tâches professionnelles, un absentéisme important et des difficultés relationnelles […], ces faits, dont la matérialité est établie, étaient de nature […] à justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle  ».
L’article 70 de la loi du 11 janvier 1984 prévoit que « le licenciement pour insuffisance professionnelle est prononcé après observation de la procédure prévue en matière disciplinaire ». Il est donc précédé de la communication du dossier administratif et de la réunion du conseil de discipline. C’est le ministre qui le prononce.
La commission de discipline donne un avis. Jusqu’en 2003, c’était la Commission paritaire nationale ; depuis juin 2003, par analogie avec la procédure disciplinaire c’est la commission paritaire académique qui est saisie.
Le décret 85-986 (article 61) prévoit le versement d’une indemnité au fonctionnaire licencié pour insuffisance professionnelle, cette indemnité est égale à trois quarts du traitement brut du dernier mois, multiplié par le nombre d’années de service valables pour la retraite, sans que cela puisse dépasser 15 ans.

3.8. La suspension
Ce n’est pas une sanction contrairement à ce que peuvent penser certains chefs d’établissement ou ce que ressent l’agent qui la subit. C’est une mesure conservatoire prévue par l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983.
« En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu’il s’agisse d’un manquement à ses obligations ­professionnelles ou d’une infraction de droit commun, l’auteur de cette faute peut être suspendu par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l’indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires.
Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l’expiration de ce délai, aucune décision n’a été prise par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire, l’intéressé doit être réintégré, sauf s’il est l’objet de poursuites pénales, et n’est pas rétabli dans ses fonctions, il peut alors subir une retenue qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération mentionnée à l’alinéa précédent. Il continue, néanmoins, à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille 
 ».
À savoir : au bout de 4 mois (en cas de poursuites pénales) l’administration peut, soit payer le fonctionnaire à plein traitement soit à demi-traitement. Dans ce cas, si les poursuites sont infondées, l’intéressé peut demander ensuite la partie du traitement qu’on ne lui a pas versée. Il est à noter que certains recteurs ­traitent des cas de fonctionnaires considérés récalcitrants en usant abusivement de la suspension. Rappelons l’exigence d’une faute grave, si tel n’est pas le cas, on peut déférer l’arrêter de suspension devant le juge ­administratif.
En cas d’emprisonnement, il n’y a pas de traitement, la jurisprudence considérant de facto qu’il y a service non fait.