Jusqu’à 1946, la grève fut considérée comme illicite dans tous les services publics. Le préambule de la constitution de 1946, repris dans la constitution de 1958, proclame : « Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ».
Le statut général des fonctionnaires a repris cette formulation (loi 83-634 du 13 juillet 1983, article 10).
Au rang des règles et des restrictions figurent notamment les articles L2512-1 à L2512-5 du Code du travail :

  • l’obligation d’un préavis de cinq jours francs indiquant le motif, le lieu, la date et l’heure du début de la grève ainsi que sa durée, émanant « d’une organisation syndicale représentative au niveau national, dans la catégorie professionnelle ou dans l’entreprise, l’organisme ou le service intéressé » ;
  • l’interdiction de tout roulement concerté ou d’échelonnement de la grève suivant les catégories, les divers établissements ou services d’un même organisme.
    Mais tout est affaire de rapport de forces, d’urgence des ripostes et de gravité de la situation. Le préavis imposé permet de révéler l’attitude réelle de l’employeur à l’égard de la négociation que le préavis impose.
    Si la grève est nationale, académique ou départementale, c’est le S4, le S3 ou le S2 qui dépose le préavis. En cas de grève locale, c’est le S1 qui s’en charge. Un individu peut être en grève seul si un préavis a été déposé. Le droit à déposer un préavis n’est reconnu qu’à une section syndicale.

Loi sur le service fait


La loi dispose : « Il n’y a pas service fait :

  • lorsque l’agent s’abstient d’effectuer tout ou partie de ses heures de service ;
  • lorsque, bien qu’effectuant ses heures de service, il n’exécute pas tout ou partie des obligations de service qui s’attachent à sa fonction telles qu’elles sont définies dans leur nature et leurs modalités par l’autorité compétente dans le cadre des lois et règlements. »
    Ces dispositions, abolies en 1982 par la loi Le Pors, ont été rétablies en 1987 par l’amendement Lamassoure (article 89 de la loi 87-588 du 30/07/87) qui précise : « L’absence de service fait, pendant une fraction quelconque de la journée, entraîne une retenue dont le montant est égal à la fraction du traitement frappé d’indivisibilité » (le 30e du traitement mensuel). Autrement dit une heure de grève dans la journée vaut une journée de travail prélevée. Tout est fait pour dissuader « financièrement » les grèves des fonctionnaires, notamment des enseignants.

Lorsque les jours de grève s’inscrivent dans une action de plusieurs jours ou reconductible

  • Arrêt Omont du 7/07/1978
    La durée de la grève à retenir est toujours celle du préavis de sorte que le nombre de trentièmes à retenir est toujours égal au nombre total de journées calendaires porté sur le préavis. Certains jours de cette période, les dimanches et jours fériés peuvent éventuellement être décomptés dans la durée de la grève. Concrètement cela signifie que dans le cadre d’un préavis de grève sans limitation dans la durée peuvent être prélevés autant de trentièmes qu’il y a de journées entre le début de la grève et la reprise constatée du travail.
    Exemple : vous êtes de service le lundi, le mercredi, le jeudi et le vendredi. Vous êtes en grève du lundi jusqu’au lundi suivant inclus dans le cadre d’un préavis de durée illimitée, mais du fait de votre emploi du temps vous ne reprenez effectivement les cours que le mercredi : l’État peut vous retirer 9/30e du traitement (c’est-à-dire l’équivalent des jours travaillés et non travaillés y compris le dimanche). Attention, de même, lorsque la grève précède immédiatement une période de congés scolaires, dans l’esprit de l’arrêt Omont, l’État est considéré comme en droit de prélever toutes les journées avant la reprise constatée du travail.
  • Arrêt Tinel (6/05/1988)
    Un enseignant qui déclare publiquement s’associer à une journée de grève au cours de laquelle il n’a pas de cours devant les élèves se voit retirer un trentième de son salaire mensuel pour service non fait.

Liste de grévistes


Il incombe à l’administration d’effectuer le relevé des grévistes. Il n’est donc pas question d’accepter les pressions de certains chefs d’établissement qui prétendent, au nom de l’intérêt du service, demander à l’avance une information sur qui est gréviste ou qui ne l’est pas.
Il n’est pas non plus normal de demander à chacun de déclarer a posteriori s’il était ou non gréviste, que ce soit oralement ou par écrit. L’obligation de déclaration préalable individuelle ne s’applique qu’aux enseignants de 1er degré.
Ajoutons qu’il est bien sûr illégal d’afficher une liste de grévistes. La grève est un acte collectif dont l’efficacité n’implique pas l’abandon volontaire de rémunération. Pour les collègues non de service le jour de grève, pensez au fonds national d’action du SNES-FSU : adressez chèque bancaire ou postal à l’ordre du SNES-FSU à la trésorerie nationale.

Remontée des états de grévistes par le chef d’établissement
Celle-ci est nominative et il faut exiger qu’elle soit journalière, ainsi l’application de l’arrêt Omont devient extrêmement difficile pour l’administration rectorale qui doit, si elle veut l’appliquer, croiser états de grève et emplois du temps.
À l’issue d’une période de grève chaque collègue doit demander copie de ce qui a été déclaré en ce qui le concerne. Cela permet de vérifier l’exactitude de la déclaration et de la faire corriger en cas d’erreur. Cela peut permettre de répondre à l’administration quand cette dernière « régularise » les retenues pour fait de grève plusieurs mois voire plusieurs années plus tard.


Retenues sur les autres éléments de la rémunération


La règle du 1/30e s’applique sur tous les éléments de la rémunération et pas seulement sur le traitement, par exemple :

  • Retenues sur l’ISOE
    Des retenues sont opérées en cas de grève sur la part fixe et sur la part modulable de l’ISOE.
  • Retenues sur les heures supplémentaires
  • Heures « annuelles » HSA (Heures supplémentaires année) : il n’est pas possible d’identifier les heures correspondant au service régulier dû par le personnel et les heures supplémentaires. La rémunération de ces heures entre donc dans le calcul de la retenue. Le prélèvement par journée de grève est de 1/270e du montant annuel de l’HSA × le nombre d’HSA figurant dans le service.
  • Heures HSE (Heures supplémentaires effectives) : l’heure non faite n’est tout simplement pas payée.

Grève des notes


L’absence d’évaluation des élèves ou la rétention des notes rentre dans le cadre des lois sur le service fait : l’État peut prélever toutes les journées dans la période de grève des notes puisque l’agent n’exécute pas une partie des obligations de service qui s’attachent à sa fonction.

Grève des examens


Même application que pour la grève « ordinaire » aggravée du fait que les examens précèdent en général immédiatement les périodes de vacances d’été : un refus de corriger le bac pour grève expose à des retenues couvrant les vacances d’été dès lors que la reprise effective du travail n’est pas constatée (solutions : passage dans son établissement, courriel envoyé à l’administration l’informant que l’on se tient à sa disposition…).

Réquisition


Le droit de réquisition est prévu par la loi et ne s’applique qu’en cas de circonstances très exceptionnelles.
C’est l’article L. 1111-2 du code de la défense qui dispose que « en cas de menace portant notamment sur une partie du territoire, sur un secteur de la vie nationale (…) des décrets pris en conseil des ministres » autorise au gouvernement, conformément à l’article L. 2141-3, « le droit de requérir les personnes, les biens et les services ».
L’exercice du droit de réquisition est attribué aux ministres et délégué de plein droit aux préfets, éventuellement aux chefs de service départementaux, aux maires.
Les ordres de réquisition peuvent parvenir aux intéressés sur les lieux de travail avant sa cessation s’ils sont collectifs, ou à domicile, portés par des personnels de police habilités à constater la remise de l’ordre en main propre, lorsqu’il s’agit d’ordres individuels. Un ordre de réquisition n’est fondé que si cette procédure est respectée (ouverture du droit en conseil des ministres, transmission écrite des ordres) et à condition que l’opportunité de la mesure soit fondée en droit (arrêts de tribunaux administratifs).
En revanche, la jurisprudence admet qu’un chef d’établissement puisse « requérir » un agent gréviste, par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise en main propre contre décharge. Cette désignation doit être temporaire, limitée et nominative. Mais l’atteinte ainsi portée au droit de grève n’est possible que dans le cas où un intérêt public majeur est en cause et s’il était impossible de faire appel à un agent non gréviste. En cas de problème, prendre contact avec votre section académique ou la section nationale.