Parcoursup - orientation post bac

Pour la 5ème année consécutive, toute une génération va passer à la moulinette de Parcoursup pour accéder à l’enseignement supérieur. Au-delà de la procédure, c’est un véritable labyrinthe dont doivent s’extraire les élèves de lycée, et ce dès la classe de Seconde. De la loi Orientation et réussite des étudiants de mars 2018 aux réformes du bac et du lycée de 2019, tout est conçu pour y perdre les jeunes et leur familles. En 2022, plus de 110 000 candidat·es ont disparu pendant l’été.

Les ajustements permanents de la procédure participent aussi de la logique de déstabilisation des usagers de la plateforme comme des personnels en charge de la formation et de l’orientation des élèves. Cette session 2023 ne déroge pas à la règle car il a fallu attendre ce mois de mai pour en connaître les ultimes modalités. Délais de réponse à une proposition raccourcis à 48h , classer par ordre de préférence les voeux en attente entre les 30 juin et 3 juillet, fin de la phase principale avancée au 7 juillet… Il s’agit d’atténuer les effets de l’attente pour les candidat·es sans proposition satisfaisante, le tout en refusant de revenir au principe de hiérarchisation des voeux en amont de la procédure , seule à même d’accélérer la procédure tout en désamorçant les biais sociaux et genrés.

La genèse d’une escroquerie

Généraliser la sélection vers les études supérieures pour limiter l’accès à l’université fut la première décision du président Macron fraichement élu en mai 2017. Mais jamais cette décision n’a été assumée. Pire encore, le gouvernement, les ministres de l’enseignement supérieur et de l’Education nationale en tête, ont menti. Quand est devenu patent l’impossibilité mathématique d’affecter tous les jeunes bacheliers dans l’enseignement supérieur, à moyens constants, ils ont alors fait le choix de légiférer dans l’urgence afin de restreindre l’accès à l’université plutôt que d’investir massivement. Tout fut ensuite affaire de propagande et de manipulation avec une campagne dans les medias pour discréditer la plateforme APB et braquer les projecteurs sur les quelques formations non sélectives qui avaient usé du tirage au sort pour sélectionner des étudiant·es, le tout au mépris du code de l’éducation. Non seulement, les ministres ne prononcent jamais le mot de sélection mais accusent ceux qui le font de véhiculer des fake news. Comme le dit Edouard Philippe devant les étudiants de l’ESSEC dans une conférence en mai 2021, pour faire passer la sélection à l’université, le premier ministre qu’il était alors a du gouverner par la ruse (sic).

Dès l’automne 2017, le SNES-FSU contestait les projets gouvernementaux et publiait des analyses qui n’ont jamais été démenties par les faits. Aujourd’hui, que ce soit la comparaison avec le système britannique ou la dénonciation de la sélection généralisée sur des critères opaques et fluctuants, tout est acté et vérifié. Il n’y a qu’à lire les dernières enquêtes du Monde sur le sujet, publiées en cette fin du mois de mai.

« Avec Parcoursup, chaque lycéen se plie à un cérémonial qui dépasse la seule construction d’un projet d’orientation, mais lui impose un rapport à l’avenir nécessairement fondé sur l’attente, l’incertitude et la comparaison à autrui défini comme l’ennemi à abattre puisqu’il risque de jeter une ombre sur le projet personnel. Cette lutte sera d’autant plus âpre et incertaine que, selon un amendement ajouté lors du vote de loi « Orientation et réussite étudiante » au Sénat, les capacités d’accueil d’une filière pourront varier d’une période à une autre.Les réformes du lycée et du baccalauréat s’inscrivent dans ce projet. On le retrouve dans l’individualisation des parcours qui repose sur le choix de modules transversaux sans assurance de cohérence des savoirs. Or, cette lecture très individualiste comporte de nombreux risques et en particulièrement celui de transférer la responsabilité de la réussite ou de l’échec des épaules de l’État, par le biais de ses investissements, à celui des élèves. La conformité avec les « attendus » de l’enseignement supérieur dépendra du choix des « bons » modules par l’élève dès le lycée. Ce système de savoirs « à la carte » existe déjà en Grande-Bretagne, où il est dénoncé depuis au moins une vingtaine d’années. Alors que les étudiants se voient offrir une soixantaine de modules, seule une poignée (les mathématiques en têtes) sont considérées comme utiles pour la réussite dans le supérieur, quelle que soit la filière et l’établissement. » Revue Enjeux, FSU, 1er trimestre 2018

Le leurre du « Libre choix »

Les discours ministériels ont, depuis le début de la phase de réforme, prétendu que le « libre choix » ne comportait pas de risques pour les élèves, et notamment que les combinaisons originales ne fermeraient pas les portes de l’enseignement supérieur, tout en invitant les élèves à adopter des stratégies adéquationnistes très ciblées, en approfondissant dès le lycée ce qu’ils souhaiteraient étudier après le lycée. Discours assez paradoxal, donc, qui invite à la fois à un libre choix sans conséquences… tout en demandant aux élèves de réfléchir très strictement aux conséquences de leurs choix.

On a montré ailleurs toutes les limites du discours concernant le « libre choix » des élèves lorsqu’il s’agit d’analyser les choix réellement faits. Mais le ministère vient de publier en données libres l’ensemble des vœux et propositions d’admssion dans l’enseignement supérieur (à travers la procédure Parcoursup) pour, entre autres, les bacheliers 2022, en reliant ces vœux et propositions d’admission aux « doublettes » de spécialités suivies en Terminale. Ces nouvelles données permettent de commencer à analyser l’existence et la force éventuelles d’un lien entre ces doublettes et l’accès à l’enseignement supérieur.

Les premiers constats sont sans appel. Face à Parcoursup, toutes les combinaisons de spécialité ne se valent pas, et en particulier, les élèves qui « jouent le jeu » de la réforme du lycée en « sortant du carcan des séries », pour parler comme certains promoteurs de cette réforme, en sont pour leurs frais lorsque leur dossier arrive dans la « machine à trier ».

La disqualification du bac et des apprentissages

Parcoursup fixe les règles de l’évaluation au lycée et le calendrier des examens . Et on peut mesurer le désastre pédagogique que cela a engendré.

En marginalisant les apprentissages au profit d’une évaluation permanente, le lycée prépare encore moins bien qu’auparavant à l’enseignement supérieur, et encourage finalement la sélection sur des critères extrascolaires comme la réputation du lycée d’origine et l’engagement individuel.

Pesant pour 40 % de la moyenne au bac, le contrôle continu modifie profondément la relation pédagogique. Chaque note revêt une dimension certificative et entre de fait dans le jeu de la concurrence et de la sélection qui se met en place dès l’entrée au lycée, avec Parcoursup en ligne de mire. Et avec cette mécanique de tri, l’enseignant voit grandir le risque de la contestation de son travail au quotidien, dans un système de sélection où il est juge et partie. Dans le même temps, afin de maintenir une forme d’illusion de l’égalité de traitement devant l’examen, le ministère cherche à imposer un « projet d’évaluation » propre à chaque lycée, afin de normer les pratiques, au mépris du principe de liberté pédagogique de l’enseignant, principe pourtant inscrit au code de l’éducation.

Pour autant, que valent les notes des épreuves de spécialité quand les élèves , pour une même spécialité, dans un même établissement, planchent sur des sujets différents et que les notes sont revues à coup de clic à l’insu des correcteurs? Que deviennent les jurys de bac dans une architecture de l’examen où l’évaluateur a perdu la main sur l’évaluation? Quel sens accorder au livret scolaire ou aux avis de réussite au bac ?

L’ère du vide

Avec le français en fin de première, les épreuves de spécialité en mars, le contrôle continu avec les bulletins de Première et de la plus grande partie de l’année de Terminale, près de 80 % de la moyenne au bac est connue des élèves depuis le 12 avril via Parcoursup. La Terminale s’est donc concentrée sur un seul semestre où tout s’est joué, de l’accès à l’enseignement supérieur à la réussite au bac. Que reste-t-il donc de l’année ? Pas grand-chose en fait. 

Le ministère a eu beau jeu de répéter à coup de communiqué de presse que l’année scolaire n’était pas finie et que les lycéens devaient préparer les épreuves de philosophie et du Grand oral, tout en soulignant que les résultats du troisième trimestre compteraient pour la phase complémentaire de Parcoursup, tout a été fait pour disqualifier l’importance des enseignements de la fin de l’année scolaire.

En tout état de cause, les lycéens ont bien compris que, dans le jeu de la concurrence, les enseignements en cette fin d’année devenaient accessoires, et ils ont pratiqué la stratégie de la chaise vide.

Les lycées sont vidés de leurs élèves dès le mois d’avril et cet absentéisme massif sonne comme un échec. La nouvelle organisation des enseignements et les modalités de l’examen du bac, exclusivement pensées pour la sélection vers l’enseignement supérieur, marginalisent sciemment les apprentissages et dévalorisent le métier enseignant. Les jeunes ont rarement été aussi mal préparés à des poursuites d’études. Jamais le métier enseignant n’avait été, à ce point, privé de sens.

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