Cette note semble avoir l’objectif de légitimer la réforme du collège et colle aux propos répétés par la Ministre au printemps 2015. De prime abord, elle met en effet en évidence le caractère élitiste du latin, à plusieurs niveaux.

  • L’option est choisie par de bons voire de très bons élèves.
  • Mais aussi en majorité par des élèves issus des classes sociales favorisées.

Les chiffres sont là, c’est indubitable. Cependant notre analyse permet aussi de les lire de manière moins simpliste car la note ne s’intéresse pas aux conditions d’enseignement du latin. D’autre part, s’intéressant au panel 2007, elle laisse de côté les chiffres de la rentrée 2014.

1) Les causes de la forte proportion de bons élèves étudiant le latin :
Quelle est l’image du latin dans dans l’esprit de nombreux élèves et parents d’élèves ? Le latin serait une matière compliquée, réservée aux bons élèves. Cette vision de la discipline est assez largement répandue dans la société, y compris dans le monde enseignant. De ce fait, il n’est pas rare que les professeurs principaux incitent les bons élèves à choisir l’option latin, pour qu’ils élargissent leur culture, sans faire cette proposition aux élèves moyens ou faibles.

2) Les causes de la forte proportion d’élèves de milieux favorisés qui étudient le latin.
Dans les familles socialement très favorisées ou favorisées, on peut considérer que l’attrait pour la culture académique est supérieur à ce qu’il est dans les familles moins favorisées. Ces parents ont souvent eux-mêmes étudiés le latin ; ils savent que c’est une option qui apporte de la culture, dont la « rentabilité » n’est pas immédiate.
On est donc là face à un système de reproduction sociale qui n’a rien d’étonnant en soi. Cependant, la question à se poser demeure : comment conduire vers la culture académique des enfants qui ne sont pas a priori dans sa zone d’influence ? L’école peut-elle modifier la donne ? Les Repères et Références Statistiques de 2015 publiés par la DEPP montrent qu’à la rentrée 2014 la situation n’était pas aussi tranchée que tend à nous le faire croire la note. 51,39 % des latinistes étaient issus des classes sociales favorisées A et B et 48,61 % des classes sociales moyennes et défavorisées.

3) Se poser la question de la façon dont le choix de l’option s’effectue.
On voit, dans la note, que l’école est capable, quand il s’agit de bons élèves, de casser les modes de reproduction sociale. En effet, lorsque l’on observe les 10% d’élèves les meilleurs aux évaluations de fin de 6ème il apparaît que les écarts entre latinistes et non latinistes en fonction de la classe sociale diminuent, en proportion.

4) Les particularités de l’éducation prioritaire.
Les élèves y étudient globalement moins le latin qu’ailleurs. On peut voir comme un reproche fait à la discipline le fait que les élèves des milieux favorisés étudient proportionnellement plus le latin dans les zones prioritaires , pour « protéger » (sic) leur parcours. On peut aussi choisir de voir le latin comme un des derniers garde-fous d’une certaine mixité sociale dans les établissements des zones d’éducation prioritaire. On peut surtout se demander pourquoi l’institution n’est pas plus incitative pour l’enseignement du latin dans les collège REP, d’autant plus que la note met en évidence qu’un élève issu des classes sociales défavorisées a une meilleure réussite scolaire s’il est latiniste que s’il ne l’est pas.

5) Les raisons de l’abandon.
Sans surprise, ce sont les élèves les plus faibles qui abandonnent au cours de leur scolarité au collège. L’argument, fréquemment entendu, est qu’il vaut mieux se recentrer sur les fondamentaux, disposer de trois heures de plus dans la semaine pour se reposer ou travailler les matières dans lesquelles on est en difficulté. Cet argument serait à interroger : l’abandon de l’option a-t-il les effets attendus ? Le plus souvent, la réponse est non !
Les chiffres du RERS 2015 font penser que les élèves latinistes issus des classes sociales défavorisées n’abandonneraient pas plus le latin que ceux issus des classes sociales très favorisées. En effet, à la rentrée 2014, sur les trois niveaux du collège, les proportions sont stables : de 37 à 37,6% de latinistes issus de classes sociales très favorisées, de 24,3 % à 23,4 % de latinistes issus de classes sociales défavorisées.
Au lycée, il est indéniable que la proportion d’élèves qui abandonnent le latin est forte. Les mêmes arguments qui, au collège, ne valaient que pour le latin, se retrouvent au lycée et ont comme effet que les options facultatives sont peu choisies, de façon générale. Par ailleurs la note souligne bien la responsabilité de la réforme Chatel qui a mis les LCA en concurrence avec de nombreuses options par l’introduction des enseignements d’exploration.

6) Le latin et les bons élèves
Un effet bénéfique du latin ? Dans les milieux défavorisés la réussite des latinistes est supérieure à celle des non latinistes alors que dans les milieux favorisés la différence latinistes-non latinistes a moins d’impact sur l’écart de résultats.
Les « bons élèves » choisissent plus le latin mais la note montre aussi que les élèves qui choisissent le latin progressent plus que les autres à niveau égal de départ.

Gardons à l’esprit que Le latin est une option facultative dont l’accès à une minorité dépend aussi des DGH, réduites depuis de nombreuses années. Le faible nombre d’élèves n’est donc pas le seul fait de ceux-ci et de leurs parents mais de l’institution qui ne donne pas forcément les moyens pour ouvrir un groupe de latin, ou plus, dans tous les collèges.
Il a été dit et répété que, puisque le latin représentait l’excellence, tous les élèves devaient y avoir droit et non plus seulement une minorité de nantis. Premièrement, l’analyse des chiffres de la rentrée 2014 montre que tous les latinistes ne sont pas des nantis, deuxièmement nous savons bien que la réforme entraînera des disparités d’accès aux LCA encore plus criantes qu’aujourd’hui.
Des groupes disparaîtront puisque les établissements détermineront à leur gré l’emploi de la marge d’autonomie. Les disparités entre académies seront terribles  (le Rectorat de Paris jure que l’on ne touchera pas au latin mais on peut douter que la même politique soit suivie dans l’académie de Créteil). De plus, si aujourd’hui deux collèges différents offrent des garanties d’équité de l’enseignement des LCA, ce ne sera plus le cas demain, même si les deux proposent l’enseignement de complément : les choix d’organisation de l’EPI LCA, de sa durée, des professeurs qui l’encadreront créeront des disparités, de même que ceux de l’enseignement de complément, car certains voudraient déjà le voir réduit -notamment en 5ème- à une partie de l’année seulement. Le tout sans parler de l’enseignement privé qui pourra de son côté continuer tranquillement à dispenser des cours de grec et de latin, comme avant… Tout cela revient à organiser la ségrégation sociale que le gouvernement prétend combattre et que nous continuons à refuser.

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