Ce rapport du CNESCO concernant l’enseignement des langues a le mérite d’exister car, à plusieurs moments, il pointe des éléments maintes fois revendiqués par les enseignant·e·s de langues, par exemple « l’absence (ou la rareté) de matériel pédagogique adapté [qui] oblige les enseignants à produire eux-mêmes des documents didactisés (adaptés aux élèves) en LVE. La surcharge de travail est donc considérable » (p.30).
Mais, la lecture détaillée du rapport interroge à plusieurs reprises.

Tout d’abord, la présentation. En effet, sans vouloir jeter l’opprobe sur le sérieux du travail réalisé, force est de constater qu’au fil du document est répétée en boucle l’expressions « la recherche », sans que jamais ne soient citées les sources de ladite recherche dans le document même (elles sont annexées au rapport) et comme si un rapport pouvait prétendre synthétiser toute « la recherche ». Or, certaines affirmations semblent discutables. Ainsi, sur l’intérêt de visionner des films en V.O ou de laisser les élèves en autonomie sur des MP3 ou 4 (p.20), la recherche semble plus modérée que cela (cf. Roussel et Gaonac’h, 2017).

Ensuite, le rapport reprend l’éternelle rengaine sur le fait que les « performances [des élèves qui sont] largement en-deçà des attentes institutionnelles », sans questionner la pertinence de ces attentes et sur les fait que « le niveau des élèves français est inférieur à celui des élèves des autres pays européens » (p.3), sans qu’on sache ce qui est comparé par le rapport ni là encore interrogé. Or, de nombreux travaux relativisent ces tests internationaux standardisés.

Quelques paradoxes ne semblent pas non plus gêner les rapporteurs·trices puisque qu’après avoir affirmé que « le CECRL vise à introduire une plus grande unité dans les démarches d’apprentissage et d’évaluation des langues vivantes étrangères » et qu’il « permet d’établir un système d’évaluation et de certification de compétence en langues harmonisé au sein de l’Union européenne et vise également à développer le plurilinguisme » (p.7), ils et elles affirment que la perspective actionnelle a finalement conduit « à ancrer les apprentissages dans des tâches communicatives » (p.7), que la « mise en activités des élèves […] devient l’unique enjeu du cours de langue au détriment d’un travail ambitieux de fond sur les contenus linguistiques et culturels (p.9) et qu’il faut produire des «  dispositifs et de critères d’évaluation pour l’ensemble des savoirs et compétences impliqués dans l’enseignement-apprentissage des langues » (p.16). On lit même (p.14) que la perspective actionnelle semble avoir bien des limites puisqu’il est rappelé la nécessité de proposer « des activités variées, des exercices systématiques et des explicitations régulières ».


Autrement dit, au lieu de questionner la « démarche plurilingue et pluriculturelle » (p.8) qui est avancée, elle est affirmer comme une chose évidente et constructive, alors que des travaux scientifiques (cf. Maurer) la questionnent. Pourtant, les auteur·e·s semblent reconnaître que l’objectif assigné aux langues « s’accompagne d’une volonté politique qui vise à promouvoir l’intégration européenne et la mobilité des personnes et à mieux faire correspondre l’apprentissage des langues avec les besoins sociaux et professionnels » (p.8).

Enfin, les recommandations faites à la fin du rapport sont, pour certaines, plus que discutables.

En effet, outre les éléments qui se répètent de rapport en rapport sur l’enseignement des langues, comme la « mobilité virtuelle » (p.12), comme le etwinning, on trouve, par exemple, le besoin de renforcer la continuité via la liaison école-collège (p.15), sans en questionner les fondements ni l’origine des problèmes (cycle à cheval sur primaire et collège, programmes de cycle sans repères annuels…), « s’appuyer sur les langues déjà connues par les élèves, que ce soit la langue utilisée à la maison ou la première langue vivante apprise à l’école » (p.8), comme si cela était anodin ou ne posait pas différentes types de questionnements (on remarquera, au passage, l’absence de référence aux langues régionales dans ce rapport) ou encore « donner, dans le second degré, la possibilité de réduire le temps de chaque cours en conservant le volume horaire global (séances de 45 minutes, par exemple) », élément développé en page 24 qui consiste, finalement, à demander aux enseignant·e·s de s’adapter à la diminution ou globalisation des horaires, sans que les effectifs, eux, ne baissent, une forme d’adaptation à la dégradation des conditions d’enseignement-apprentissage des langues qui s’est réalisée au fil des années et des réformes.

Ainsi, tout le développement sur les besoins en formation initiale et continue, avec laquelle on peut être en accord en grande partie, perd de son efficacité si celle-ci n’est pas mise en relation avec la réalité du terrain…

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