Liberté pédagogique entravée

Au fil des bulletins officiels qui paraissent, les professeurs ont le sentiment d’être pieds et poings liés. Jamais les programmes et le calendrier des examens n’auront à ce point limité la liberté pédagogique, les temps de réflexion et d’apprentissage, et, par conséquent, le plaisir d’enseigner.
La légère diminution du nombre de textes à étudier en vue de l’oral de français, à la fin de la Première, ne change guère le rythme insensé auquel doivent se plier professeurs et élèves pour parvenir au sacro-saint nombre d’explications à présenter sur les listes, pour parcourir les points de grammaire inscrits au programme, pour survoler à grande vitesse les œuvres complètes, pour essayer de former aux exercices nombreux et complexes des épreuves écrites. Plus encore qu’auparavant, l’enseignement du français, en Première, est inféodé aux examens finaux. De quoi être à bout de souffle…

Le pilotage de l’enseignement par l’examen : HLP aussi !

Mais on constate une nouvelle marque de la mainmise du baccalauréat sur l’instruction et sa qualité. Dans le cadre de la spécialité HLP, en Terminale, ne seront en effet évalués que deux chapitres, sur les trois, de chaque objet d’étude.

Sur le papier, la limitation du programme est symétrique et peut donner l’impression d’un allégement équilibré. Mais rien n’a été mesuré à l’aune des apprentissages réels. En réalité, les professeurs de lettres et de philosophie se trouvent face à un dilemme. Ils peuvent se concentrer en priorité sur les quatre chapitres évaluables, à savoir « Les expressions de la sensibilité », « Les métamorphoses du moi » pour l’objet d’étude « La recherche de soi », et « Histoire et violence », « Les limites de l’humain » pour l’objet d’étude « L’humanité en question ». Ce faisant, ils reléguent à la fin de l’année, au mépris de toute cohérence, le 3e chapitre de l’objet d’étude « La recherche de soi », intitulé « Éducation, transmission et émancipation ».

L’autre solution consiste à traiter tous les chapitres attachés au même objet d’étude avant de passer au suivant. C’est le choix de la logique mais il implique ensuite de renoncer à tout approfondissement car il faut arriver à boucler le programme sur tous les chapitres évaluables.

 

Vous avez dit « Contrôle continu » ?

 

Ainsi, une mutation s’opère : l’évaluation occupe une place croissante, elle en vient à déterminer – et donc à détériorer – de plus en plus les cours et capte de plus en plus le temps et l’énergie des professeurs. Qu’un enseignant choisisse d’assurer la spécialité HLP et il sera transformé en machine à évaluer : il sera en corrections en mars-avril (pour la spécialité HLP de Terminale), en mai (pour les « renonçants » de HLP en Première), en juin pour les écrits et les oraux du baccalauréat en Première, mais aussi pour le grand oral, et éventuellement en juillet (pour les oraux de rattrapage de la spécialité HLP de Terminale).


Si la formule de « contrôle continu » est utilisée abusivement par le Ministère pour désigner les épreuves diverses et fréquentes instaurées par la réforme du lycée et du baccalauréat, elle semble tristement pertinente pour désigner le sort des professeurs de lettres qui tenaient tant à sensibiliser leurs élèves à la beauté et à la profondeur des œuvres littéraires.

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