Le projet de nouveau lycée annoncé par le ministre ce 14 février est profondément dangereux pour les Sciences économiques et sociales (SES).

►D’abord, ce projet, s’il était mis en place, aboutirait à une diminution des horaires disciplinaires d’au minimum 3 heures, via la suppression des spécialités « Sciences sociales et politiques » et « Economie approfondie » en terminale (1,5h chacune), qui ne sont pas « compensées » par la création d’enseignements facultatifs directement associés aux SES. A quoi il faut ajouter :

-la disparition des TPE, remplacés par un « oral terminal » dont on cherche l’horaire de préparation ;

-la disparition de l’AP, généralement disciplinaire dans le cycle terminal ;

-le silence assourdissant du ministère sur les « heures à effectifs réduits ».

La « facture » en termes de postes supprimés pourrait donc être très lourde.

La spécialité « Sciences économiques et sociales » du nouveau lycée disposerait, comme les autres, d’un horaire de 4h en 1ère et 6h en Terminale. L’horaire global sur le cycle terminal serait donc inchangé, mais toujours dans le contexte du silence sur les « heures à effectifs réduits ». Aucune garantie de maintien des horaires « professeur », par conséquent.

►Le projet prévoit la création d’une spécialité « Histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques », qui annonce des problèmes redoutables. Comme d’autres « nouveautés » (« humanités scientifiques et numériques » ; « humanités, littérature et philosophie »), elle consiste à globaliser des enseignements différents dans un « paquet » aux contours plus ou moins flous. Un des enjeux est clairement de remettre en cause les disciplines scolaires, et la qualification disciplinaire des professeurs qui les enseignent, notamment parce que cela permet une « gestion des ressources humaines » plus « flexible ».

Dans ce cas précis, on associe dans un même « enseignement » les professeurs d’histoire-géographie et de sciences économiques et sociales (si les professeurs des deux disciplines ont des formations universitaires initiales très diverses, qui se recoupent parfois, la science politique est une des disciplines de référence des SES, présente dans ses programmes, et surtout évaluée dans ses concours de recrutement. Or ce sont les concours qui fondent la qualification disciplinaire des enseignants). Quel est le but de cette « innovation » ? Favoriser la mise en concurrence des enseignants, pour donner du « grain à moudre » au Conseil pédagogique ? Effacer les spécialisations disciplinaires des enseignants, pour favoriser une polyvalence bien faite pour affaiblir les statuts et gérer le personnel de manière plus « flexible » ?

►Les SES sont actuellement une discipline « pivot » d’une des trois séries générales, la série ES, qui a fait ses preuves depuis maintenant 50 ans (sous différents noms), en introduisant au lycée une formation cohérente centrée sur la « Troisième culture » (celle des « sciences sociales », à côté des « humanités » et des « sciences »). Presque un quart des lycéens généraux et technologiques y préparent aujourd’hui le baccalauréat. Sa cohérence d’ensemble est massivement reconnue. Pour le SNES-FSU, « la série ES, exigeante et attractive, doit être maintenue en tant que voie de réussite originale qui a largement contribué à la démocratisation et ouvre à de très nombreuses poursuites d’étude » (Congrès de Reims, 2012).

Mais cette série a aussi des ennemis, notamment un certain nombre de lobbys patronaux, qui doivent se réjouir des annonces du ministre : en faisant disparaître les séries générales, ce projet de nouveau lycée marginalise de manière très rétrograde la « Troisième culture », et fragilise la discipline SES, que certains rêvent de dénaturer ou de faire disparaître depuis longtemps.

►Quant à la classe de 2nde GT, le ministère n’annonce pas de changement profond pour la rentrée 2018. Faut-il en déduire que les SES garderaient le statut d’ « enseignement d’exploration » ? Le SNES-FSU dénonce depuis le début de la mise en œuvre de la réforme de 2010 ce statut bâtard, qui marginalise l’ensemble des disciplines scolaires qui sont absentes à la fois des enseignements de collège, et du tronc commun de la 2nde GT (SES et enseignements technologiques en particulier). Pour le SNES-FSU, « les sciences économiques et sociales, comme d’autres disciplines font partie de la culture commune mais elles ne sont pas enseignées en tant que telles au collège. Elles doivent donc être abordées par tous les élèves à l’entrée en lycée. En effet, la formation citoyenne des lycéens doit prendre en compte cette dimension économique et sociale pour comprendre les enjeux politiques contemporains » (Congrès de Perpignan, 2009).

Le projet Blanquer apparaît donc comme profondément rétrograde dans son intention apparente de minorer une discipline qui est pourtant incontournable dans la formation intellectuelle et citoyenne des élèves. Il est plus largement rétrograde dans son intention explicite de faire disparaître les séries, cadre essentiel pour combiner culture commune et spécialisation relative, et de transformer le baccalauréat en un examen « maison », dont la valeur dépendra de la réputation de l’établissement où il est préparé.

Le SNES-FSU est porteur de propositions de réformes du lycée et du baccalauréat, portées par le double objectif de démocratisation des études et d’émancipation intellectuelle des élèves. Il les défendra avec force dans les semaines et les mois à venir.

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