L’évaluation couplée à une re-prescription du travail

D’un côté une promotion (factice) du travail d’équipe, de l’engagement subjectif de l’individu qui serait nécessaire à la « bonne marche » des établissements et à la hausse de performance du système. Ainsi, les IPR seraient amenés à évaluer des établissements, des équipes éducatives (tandis que des chargés de mission suppléeraient les IPR pr les inspections)
Mais, en même temps, on revient à un nouveau dispositif de prescriptions individuelles :
Les « bonnes pratiques ».

Le terme apparaît dans la dernière lettre de mission aux IPR, qui « ont le devoir d’impulser et d’encourager les bonnes pratiques ».
Il sous-tend le référentiel de compétences des stagiaires : le référentiel de compétence est en fait un retour au standard de prescription des tâches. D’ailleurs, on prépare les élèves à accepter cette nouvelle norme dès l’école, et au collège (livret de compétences du socle commun). Et les enseignants sont appelés à devenir des évaluateurs de ces compétences et de plus en plus des « savoirs être » et des comportements (pilier 7 du socle).

(Rp Yves Clot : Dans l’ergonomie, c’est une ingénierie de la bonne pratique, qui provient d’ailleurs de l’analyse des pratiques : extraire de l’observation de l’activité des gens une analyse sur leur manière de travailler, en conclure… ce qui peut s’imposer à tous )
Paradoxe : On fait appel à l’autonomie, à l’initiative et, en même temps, on assiste à un retour en force de la prescription.

Que devient la liberté pédagogique dans un tel contexte de re-prescription sur le travail ?

« La liberté pédagogique dont bénéficie, pour organiser leur enseignement, les personnels enseignants de l’enseignement scolaire, dans le cadre notamment des dispositions des articles … du code de l’éducation, ne sera pas le prétexte de pratiques qui font obstacle à l’acquisition des savoirs » (lettre de mission des IPR de mai 2009).

Or, au même moment, la réforme concernant le statut et le recrutement des IPR est en contradiction avec le rôle d’expertise disciplinaire qu’ils pourraient jouer par rapport à ce qui fait obstacle à l’acquisition des savoirs.

Comment mesurer le « mérite » enseignant ? (conjugué avec l’évalationnite ambiante).

Une volonté de confondre l’évaluation du maître et l’évaluation des performances des élèves…

C’est la proposition faite dans le rapport du Député Le Mener (qui reprend les propositions Pochard…), en s’appuyant sur le modèle anglais, qui s’est mis en place aussi aux Etats-Unis. La note annuelle des profs, qui décidera de leur bonus, de leur maintien en place ou de leur expulsion, y dépend d’un système d’évaluation baptisé « Impact ». Ce système dépend de 4 composantes : la performance des élèves à des tests réalisés chaque année, avec une pondération par un facteur socio-économique. On estime ainsi la « progression prévisible » d’une classe et on compare avec le résultat réel.

Les autres composantes : les notes d’inspection (5 dans l’année), les résultats de l’école dans son ensemble, et le « professionnalisme » de l’enseignant (retards ou absences).

Pour avoir une bonne note par exemple, un professeur doit manifester en classe une « présence dynamique », il doit « transmettre l’enthousiasme pour sa matière »…

La culture du chiffre, les « indicateurs » si souvent évoqués, de plus en plus importants dans l’évaluation des établissements et dans le cadre de la contractualisation des moyens, a des effets pervers pour les professionnels mais aussi pour les élèves.

Le bilan fait en Angleterre notamment montre que les effets du pilotage par les résultats, aux statistiques, aux performances sont dévastateurs et pervers : truquages, manipulations, blocages, bachotages, mais aussi démobilisation et fatalisme.

Quels évaluateurs ?

Les IPR voient leur statut, leurs missions sensiblement transformés (dernier CTPM).

Ci-dessous l’avis du SNPI sur les modifications statutaires :

- « Introduction d’une dose importante de gestion individualisée et différenciée des carrières par le biais des indemnités avec une part variable accrue

- Accroissement du pouvoir discrétionnaire du recteur, représentant politique du ministre et responsable du BOP académique, dans le cadre des événements qui jalonnent la carrière des inspecteurs : formation, titularisation, missions, attribution de la part variable du nouveau régime indemnitaire.

- Diminution parallèle de la présence de l’IGEN dans la gestion des carrières des inspecteurs comme contrepouvoir du recteur.

- Développement des modalités d’entrée hors concours dans les corps d’inspection au profit d’agents venus d’autres ministères, voire du privé (détachement, et concours sur titre présenté dans un précédent projet de modification statutaire en mars 2009).

- Économies sur la formation initiale des inspecteurs avec réduction drastique de son volume.

Tout cela est effectué dans le déni le plus total de la part du ministère et de la direction de l’encadrement. Au contraire, ceux-ci développent une communication qui prétend que la réforme répond aux nécessités d’un management en phase avec la modernité afin d’améliorer les carrières des inspecteurs et du système éducatif. Le SNPI-FSU y voit plutôt l’expression d’une idéologie très marquée par le culte de la concurrence comme modalité de gestion sociale, mais aussi par le primat de l’intérêt individuel sur l’intérêt général et l’ambition collective. Enfin, cette réforme donne au recteur, premier acteur politique du gouvernement dans les académies, ou à l’IA-DSDEN un pouvoir discrétionnaire, sans contrepouvoir. Cette situation peut faire naître les tentations de l’autoritarisme comme mode de management efficace. »

On ne peut que s’inquiéter des retombées, pour les enseignants, des modifications de recrutement, de statuts, d’avancement, etc des IA IPR.

Mais ce qui heurte le plus, c’est le taux de 25 % de l’accès par liste d’aptitude, et maintenant la suppression de la limite des 5 % de l’effectif des corps d’inspection pour le détachement. La volonté du gouvernement de contourner le concours est évidente. Pour les IA-IPR, se rajoute le projet de création d’un concours sur titres, conditionné seulement par la possession d’une licence et une expérience professionnelle de 8 ans (pas forcément dans la fonction publique) dans un domaine plus ou moins proche des missions de l’inspection (un DRH de chez Loréal pourrait donc devenir IA-IPR).
Au final, la part des inspecteurs recrutés sur concours tendra à diminuer au profit de celle des inspecteurs nommés sur « profil ». De quels « experts parle-t-on ?

Ainsi, ces IPR, chargés d’impulser les « bonnes pratiques », pourront n’avoir aucune connaissance particulière, de part leur formation universitaire, sur la discipline enseignée, qui n’est pas même évaluée lors du concours…

On comprend pourquoi Mr Chudeau parle de « repenser l’évaluation individuelle des enseignants »…

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