En cette période de fin d’année où nos collègues, en plus d’être usés par la fatigue, sont ulcérés par la mise en place à marche forcée de la réforme du collège, où il leur faut réfléchir à des progressions annuelles pour des programmes de cycle dont ils ne veulent pas, resurgit un vieux débat, au détour d’un vieil article rediffusé sur les réseaux sociaux.

Opposer les tenants de l’enseignement par séquence et ceux d’un enseignement plus cloisonné qui serait plus favorable à l’apprentissage de la grammaire et de l’orthographe ne nous parait pas constructif. Il ne s’agit pas pour nous de défendre la séquence ou le cloisonnement, mais bien de faire valoir la liberté pédagogique, principe qui nous semble respecté dans les formulations de ces nouveaux programmes : « Le professeur de français veille à articuler les différentes composantes de son enseignement, en organisant les activités et les apprentissages de façon cohérente, autour d’objectifs convergents, par périodes et en construisant sur l’année scolaire une progression de son enseignement adaptée aux besoins de ses élèves. Ainsi, le travail mené pour développer les compétences langagières orales et écrites est effectué en lien étroit avec la découverte et l’étude de textes littéraires et d’œuvres artistiques, choisis librement par le professeur en réponse aux questionnements structurant la culture littéraire et artistique au cycle 4. ». Si le « lien étroit » entre le travail sur les « compétences langagières » et « l’étude de textes littéraires » évoque en effet la séquence, tant décriée par certains, il est aussi précisé plus loin que « pour parvenir à une compréhension et une vision d’ensemble du système de la langue, des séances spécifiques doivent être consacrées à la structuration des connaissances acquises lors des activités de langage oral, de lecture et d’écriture .»  On mènera donc avec profit des séances spécifiques consacrées à la langue.

Nous persistons à penser que l’apprentissage de la grammaire ne se fait pas « hors sol » mais bien en lien avec le travail de lecture, d’écriture ou d’expression orale si l’on veut donner de la cohérence à ces apprentissages. C’est un des problèmes que soulèvent ces nouveaux programmes. S’ils prônent le décloisonnement, ils sont en revanche présentés de façon très cloisonnée et n’aident en rien les professeurs à construire les liens entre lecture, écriture, oral et étude de la langue. En ce qui concerne cette dernière, le programme est très lourd et très flou. La présentation par cycles renvoie chaque professeur -ou chaque équipe disciplinaire- à la construction d’une progression qu’il est ardu d’établir du fait de la faiblesse des repères annuels. La progression de l’apprentissage grammatical, orthographique ou lexical ne sera donc pas la même, d’un établissement à l’autre et ces différences seront des facteurs d’inégalité.

Les questionnements littéraires pour guider le travail en littérature inquiètent ou rebutent. Il est vrai que certains paraissent peu littéraires ou superficiels et que le risque existe de faire du français une discipline « prétexte » au développement durable, au parcours citoyen, etc. Cependant, nous préférons faire le pari que les professeurs de Lettres sauront élever la réflexion et continuer à enseigner leur discipline. Ces questionnements n’empêcheront pas de travailler chronologiquement si on le souhaite, ni de s’intéresser aux problématiques de genre. Il est possible de voir dans cette approche l’opportunité d’une mise en œuvre de la lecture dans la classe qui rendrait plus visible aux élèves la finalité de celle-ci : « une confrontation aux autres, au monde, à soi »1.

A l’heure où les professeurs de français réfléchissent à la mise en œuvre de ces nouveaux programmes pour la rentrée prochaine, il nous semble que la priorité est de chercher des pistes pour les aider à affronter la quantité de travail qui les attend avec quatre années de programme à revoir en même temps et de montrer que la liberté pédagogique trouvera matière à s’exercer dans le cadre de ces programmes comme dans le cadre des précédents. Chacun enseigne avec ce qu’il est et sait construire sa pédagogie avec discernement dans l’intérêt de ses élèves.

http://www.snes.edu/IMG/pdf/analyse_programmes_college_2016_lca.pdf (analyse détaillée des programmes effectuée par le groupe Lettres du SNES-FSU) et https://www.snes.edu/IMG/pdf/proposition_reperes_francais_prgr2016.pdf (nos propositions de repères annuels, pour l’instant en 6ème et en 3ème. Notre objectif n’est pas d’être prescriptif mais de suggérer des pistes pour alléger le travail des professeurs de français.)

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