Absence de définition des enjeux pédagogiques de cet enseignement

La seule mention de la littérature et de la philosophie n’exonère pas de penser leur relation. Pourquoi associer philosophie et littérature ? Les concepteurs de cette spécialité n’ont pas jugé utile de développer ce point fondamental, si ce n’est de prétendre qu’il s’agit de « disciplines à la fois différentes et fortement liées »… Ils se contentent de mentionner « la culture humaniste », jamais définie dans le programme. Comment confronte-t-on des textes aux effets et aux buts différents ? Quels textes sont susceptibles de se prêter à un tel rapprochement ? Sous quel angle ce rapprochement se fait-il : comparaison, illustration, prolongement, anticipation ? Loin de trouver des réponses à ces questionnements légitimes, le flou est maintenu autour des conditions d’application d’une telle pluridisciplinarité. En effet, le texte parle d’ « approche croisée » dans les thématiques semestrielles sans même définir ce « croisement » mais en précisant « aucune de ces entrées n’est spécifiquement « littéraire » ou ‘philosophique ». On s’y perd ! Selon le préambule, cette formation vise à « réfléchir sur les questions contemporaines dans une perspective élargie » : la parole, les représentations du monde, la recherche du soi, l’humanité en question. Aucune explication ne vient argumenter ce choix qui peut apparaitre comme arbitraire. En effet, seule la mention de la « culture humaniste », qui n’est pas même définie, justifie le choix de ces grandes entrées et permet un glissement assez vague vers « des objets des études rassemblées sous le nom d’humanités ». Il ne suffit pas de mettre un terme en italiques pour combler son vide conceptuel. En quoi ces enjeux contemporains définissent-ils des « humanités » ? Un programme dont le titre même porte à confusion n’augure rien de bon.

Aucune description du contenu, des connaissances, des exercices ou encore des évaluations de cette spécialité

La mention d’une culture « humaniste » n’éclaire pas à elle seule l’objectif pédagogique de cette spécialité. Contenus et connaissances ne sont pas circonscrits, définis ni problématisés. Comment les élèves pourraient-ils choisir cette spécialité alors même qu’ils ignoreront le type de contenu, les exercices proposés et les modalités d’évaluation ? Dans la concurrence que vont se livrer les spécialités dans le nouveau lycée Blanquer, cette spécialité a peu de chances face à celles de Mathématiques, Sciences-physiques ou encore SVT que tous les élèves connaissent et reconnaissent. De même, l’approximation culmine dans le choix de la méthodologie : comment étudier dans cette perspective des « textes de référence ». Combien de textes doit-on aborder sur chaque problématique ? Sous quelle forme les aborder ? Le programme affirme, à propos de l’élève : « Il développe l’ensemble des compétences relatives à la lecture, à l’interprétation des œuvres et des textes, à l’expression et à l’analyse de problèmes et d’objets complexes ». Quel est cet « ensemble de compétences » ? Que sont ces « objets complexes » ?…

Quelle place tient la perspective historique ?

Chaque semestre, la thématique imposée est encadrée par une « période de référence ». On pouvait craindre, au moment du projet de programme, que la perspective historique soit l’angle principal de ce programme, la littérature se réduisant à l’histoire littéraire. Suite à nos interventions, le texte a été quelque peu amendé : « cet ancrage historique ne doit pas exclure d’autres approches ». Est-ce à dire que l’on fait comme on veut ? Les textes littéraires et philosophiques sont-ils là pour illustrer une problématique culturelle abordée dans sa dimension historique ? Ou bien cette perspective historique n’est-elle qu’un point de départ que l’on peut dépasser ? On peut regretter l’absence de précision sur les manières d’aborder la spécificité littéraire dans ce nouvel enseignement de spécialité.

Un enseignement qui vise quels élèves ?

L’incurie qui préside à la confection de ces programmes traduit le peu de considération pour le public visé. En première lecture, on pourrait croire que le spectre est très large :  « cette formation constituera un précieux apport pour les études axées sur les lettres et la philosophie ; mais aussi sur les sciences, les arts, le droit, l’économie et la gestion, les sciences politiques, la médecine et les professions de santé ». On ne peut qu’apprécier cette ouverture des champs disciplinaires bien qu’elle soit subordonnée à la définition de ses enjeux et objectifs. Mais très rapidement, elle se réduit pour ne plus toucher que les « élèves souhaitant s’engager dans les carrières de l’enseignement, de la culture et de la communication ».

Aucun cadre précis ni horaire consacré à la mise en place de ce travail de pluridisciplinarité

Les conditions d’application de cette pluridisciplinarité ne sont ni pensées ni planifiées. On lit seulement « cet enseignement, en première et en terminale, doit être assuré à parts égales sur chaque année du cycle ». On peut d’ailleurs se réjouir que cette mention ait été rétablie, à notre demande. Il restera à la faire respecter dans tous les lycées. Les rédacteurs convoquent une « approche croisée, impliquant une concertation et une coopération effectives entre les professeurs en charge de cet enseignement ». Mais comment l’organiser quand on sait la difficulté à ménager des temps de travail en commun dans un emploi du temps qui ne le prévoit pas ? Les collègues devront encore une fois pallier l’absence de ce cadre.

La chronologie : une fausse réponse à la question de la culture générale

Mais à ce flou général qui confine à la confusion, les rédacteurs ont une réponse : la chronologie. C’est elle qui commande l’organisation de cette spécialité sur les deux années. Pourquoi ? Encore une fois, les raisons ne sont pas développées dans ce programme. L’approche chronologique est l’une des rares précisions apportées dans ce programme dont le choix est totalement arbitraire et qui suit vaguement les trames d’un cours de philosophie générale. Enfin, la bibliographie est l’illustration d’une telle confusion : œuvres littéraires et philosophiques sont censées illustrer les thématiques semestrielles mais leur accumulation laisse perplexe. D’ailleurs, alors que les bornes des périodes historiques ont été modifiées depuis le projet de programme, la bibliographie ne tient pas compte de ces changements ! Pour finir, l’objet d’étude de ce programme est flou : des « humanités » vides de sens, pilier d’une culture censée être générale mais destinée à quelques élèves et dont le contenu est encore plus imprécis. C’est la construction de la notion de culture qui fait ici défaut. Et c’est sûrement cette entrée là qui aurait mérité des développements plus sûrs et plus méthodiques de la part des concepteurs du programme. Le SNES avait proposé des amendements (voir ci-dessous) pour tenter de donner un peu plus de corps à cette spécialité mais le ministère n’en a pas tenu compte. Ils peuvent cependant constituer une base pour enrichir ce programme. Àl lire aussi, les analyse du groupe Philosophie du SNES : https://www.snes.edu/Humanites-litterature-et-philosophie-de-quoi-HLP-est-elle-le-nom.html Programme HLP Amendements SNES

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