Une réécriture qui modifie l’approche des programmes

Contrairement à ce qu’affirme la communication du CSP et même le titre du document, bien plus qu’une simple clarification ou une simple mise en place de repères annuels, cet « ajustement » modifie semble-t-il les finalités de l’enseignement moral et civique.

Le Snes-Fsu a toujours porté la revendication de repères annuels pour délimiter plus précisément les programmes d’EMC. Il s’agissait de faciliter le travail des équipes enseignantes mais surtout les apprentissages d’un nombre important d’élèves qui est amené chaque année à changer d’établissement. Or de tels repères annuels ne nécessitaient nullement une réécriture des programmes (nous avions d’ailleurs dès la publication des programmes proposé un découpage annuel des programmes d’EMC)

Le but de ces « ajustements » semble donc bien plus de modifier l’approche du programme.

Dès l’introduction le document insiste sur trois finalités assignées à l’EMC (qui sont ensuite déclinées pour chacun des niveaux d’enseignement) :
– respecter autrui
– acquérir et partager les valeurs de la République
– construire une culture civique

Cela modifie quelque peu l’architecture des programmes autrefois structurés par quatre dimensions (la sensibilité/ le droit et la règle / le jugement / l’engagement). Mais ces quatre dimensions demeurent et sont désormais partie prenante de la finalité « construire une culture civique »

Rigidification des contenus et des pratiques

Toutefois c’est au niveau de l’approche générale et des pratiques qui sous tendent le programme que la modification est la plus importante. En effet le programme actuel affirme : « L’enseignement moral et civique privilégie la mise en activité des élèves. Il suppose une cohérence entre ses contenus et ses méthodes (discussion, argumentation, projets communs, coopération…) » alors que le projet de clarification insiste lui sur le fait que l’EMC « donne lieu à des traces écrites et une évaluation » et que la « discussion réglée et le débat argumenté ( …) comportent une prise d’informations, un échange d’arguments (…) permettant une trace écrite et une formalisation »
Il s’agit d’une rigidification de la vision et de l’approche de l’EMC quant aux pratiques et aux contenus d’enseignement qui traduit un retour à quelque chose de proche de l’Éducation Civique telle qu’elle était enseignée avant la mise en place de l’EMC en 2015.

Au niveau des contenus d’enseignement les collègues ne seront guère déboussolés puisqu’il s’agit d’un mélange des programmes actuels avec ceux d’éducation civique en vigueur précédemment.
Cependant ces programmes s’avèrent là encore plus directifs et rigides.
On retrouve des points qui posaient déjà problème : ainsi l’insistance sur les « valeurs » et les « symboles » de la République et de l’Union Européenne puisque dès le cycle 3 on trouve comme objet d’enseignement « valeurs et symboles de la République française et de l’Union européenne » avec «  la devise de la République, l’hymne national, le drapeau, la fête nationale » et au cycle 4 de nouveau «  la citoyenneté française et la citoyenneté européenne : principes, valeurs, symboles » avec « le drapeau, l’hymne national, la fête nationale, les monuments, la langue française » mais aussi « le drapeau, l’hymne européen ».
Comme à l’accoutumée, en vertu du partenariat existant entre les deux Ministères, Défense et Éducation nationale, la Défense n’est pas en reste notamment au cycle 4.

Esprit critique ou doctrine patriotique ?

Un regard sur les repères de progressivité du cycle 2 et 3 est assez éclairant pour saisir l’esprit de ce nouveau programme. En CP les élèves savent reconnaître la Marseillaise, en CE1 ils apprennent à chanter le 1er couplet, en CE2 ils savent chanter par cœur le premier couplet, en CM1 ils savent chanter par cœur un ou plusieurs couplet en public… On peine à comprendre en quoi cela constitue un apprentissage qui permet de construire une culture civique et un esprit critique mais on saisit plutôt aisément l’imposition d’une doctrine patriotique.

En effet le point le plus problématique sans doute de ces « nouveaux programmes » est la mise au second plan de la construction de l’esprit critique au profit de l’inculcation de « valeurs » et de « règles » A cet égard, le très grand nombre d’occurrences du terme « règles » ne saurait être une coïncidence fortuite, surtout pour un texte publié quelques semaines après le vade-mecum laïcité.
L’extrême insistance sur les commémorations (monuments, cérémonies commémoratives, journées diverses…) participe là encore à une conception de l’enseignement comme imposition de « valeurs » au détriment de la construction d’un esprit critique et d’une réflexion autonome.

In fine ces «clarifications» éclairent la dimension d’inculcation de programmes qui au contraire devraient permettre la construction d’une culture civique porteuse d’émancipation. Par ailleurs les points qui posent concrètement problème aux collègues dans leur enseignement et leur évaluation dans le quotidien de la classe demeurent ( « la culture de la sensibilité», «Exprimer des sentiments moraux à partir de questionnements ou de supports variés et les confronter avec ceux des autres »…)

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