Projet local d'évaluation

Au lycée, le PLE est censé « protéger les enseignant·es » dans le contexte du contrôle continu. Quand les enseignant·es ne sont pas vigilant·es, il peut prendre la forme de la chimère rêvée par la DGESCO : listes d’évaluations fixées dès septembre, coefficients pré-attribués, contenus standardisés… bref, une vision de l’évaluation réduite à un tableau Excel, qu’on transmettrait aux familles comme un engagement contractuel. Or, dans la vraie vie des classes, rien n’est jamais aussi linéaire.

Uniformiser, une fausse solution qui entrave

Transposé au collège, un tel dispositif ferait peser une double menace. D’abord, il nierait ce qui fait la force de notre métier : la capacité à adapter la forme d’une évaluation à une dynamique de classe, à un imprévu, ou tout simplement à ce que nous comprenons, au fil des semaines, de nos élèves. Ensuite, il confirmerait la suspicion introduite et alimentée sous le ministère Blanquer : si l’on nous demande d’anticiper tout et de standardiser, c’est bien qu’on nous imagine enclins à « faire n’importe quoi ». Voire que nos évaluations en classe n’aident pas les élèves comme le disait dès 2022 en substance le Conseil d’Évaluation de l’École. Or chacun sait que nous passons déjà assez de temps à réfléchir, essayer et jongler pour que les évaluations soient représentatives des acquis et du travail, qu’elles participent aux apprentissages, qu’elles ne nuisent pas à la motivation d’apprendre et au contraire l’entretiennent, pour trouver un rythme équilibré dans l’année et entre les bilans.

Les arguments avancés pour imposer ces protocoles ne tiennent pas vraiment. Au collège, le DNB n’est pas un examen sélectif, il ne porte pas les enjeux de Parcoursup qui génèrent tant de tensions chez les élèves, entre eux, entre les familles et les établissements. Par ailleurs, dans le cadre du DNB, avec 40 % de contrôle continu, la réussite d’un élève ne dépend jamais d’une matière ou d’une enseignant·e isolé·e : une moyenne disciplinaire se fond dans l’ensemble du contrôle continu. Chaque matière pèse pour moins de 4 %, et chaque devoir pour moins encore.

La vérité, c’est que rien ne protège mieux les personnels que le collectif, pas une norme imposée. Toute uniformisation fabrique plus de rigidité que de sérénité. Elles empêcheront les ajustements nécessaires — ceux qui peuvent permettre aux élèves d’avancer.

La liberté pédagogique pour être efficace

Refuser un protocole figé ne signifie pas refuser la réflexion. Au contraire. Parler ensemble de nos pratiques, de nos objectifs, de ce qui fonctionne ou non, voilà ce qui a du sens. Non pour aboutir à une grille unique, mais pour construire une cohérence vivante, respectueuse de nos contextes et de nos élèves. Demander à un collègue : « Qu’est-ce qui t’a conduit à faire ainsi ? » plutôt que « Pourquoi ne suis-tu pas les normes et prescriptions ? », c’est déjà reconnaître la professionnalité derrière la diversité. Des professionnel·les en mesure de se reconnaître entre eux peuvent aussi s’épauler quand un parent ou une direction remet en cause un travail que des pairs jugent légitime.

L’enjeu est clair : reprendre la main sur ce que signifie évaluer. Aider les élèves à se situer, accompagner leurs progrès, maintenir la motivation — ce qui fonde notre métier d’enseignant·e est fragilisé par les protocoles bureaucratiques. Défendons notre liberté pédagogique, non comme un privilège individuel, mais comme la condition même de l’efficacité collective.

Face à la tentation de réduire notre travail à une mécanique, affirmons que nos différences ne sont pas un problème : elles sont une ressource. Et qu’en matière d’évaluation, la seule norme valable reste celle qui s’adapte aux élèves réels, pas aux cases pré-remplies.


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