Le 9ème rapport concernant le métier de PsyEN vient enfin d’être rendu public. Il s’appuie sur des visites dans plusieurs académies (Créteil, Lyon, Toulouse, Aix Marseille) où ont été rencontré·es des PsyEN et DCIO, des enseignant·es et chef·fes d’établissements, des stagiaires et des conseiller·es techniques médecins et infirmier.es.

Il en ressort un panorama, pour une fois ancré sur la réalité mais dont la lecture attentive renforce nos craintes.

Cette inspection ne visant que la spécialité EDO, il semblerait que les PsyEN EDA rencontrent moins de difficultés à exercer toutes leurs missions. Nos collègues apprécieront !

Le rapport insiste sur l’implication des PsyEN EDO, leur grande adaptabilité et sur les fortes attentes des équipes éducatives quant à leur expertise en matière de difficultés d’apprentissage, d’orientation et psychologiques. Il souligne aussi la frustration professionnelle ressentie par les collègues de ne pouvoir déployer toutes leurs missions, faute de temps.

Le rôle des DCIO est également présenté comme essentiel dans le fonctionnement du service mais très insuffisamment reconnu. « Très compétents et investis », les DCIO n’ont pas une « rémunération à la hauteur de leur engagement », ce qui explique que de nombreux postes restent vacants. De plus, l’évolution de la carte des CIO est présentée comme ayant été mal vécue et nourrissant l’inquiétude sur leur avenir.

Il est aussi rappelé que « …l’évolution des missions statutaires n’a pas donné lieu à un abondement de moyens…», que le contexte des réformes structurelles et pédagogiques a impacté les contours du métier avec la multiplication des acteurs dans le champ de l’information et de l’orientation, et que dans la même période, les besoins en matière d’aide psychologique se sont particulièrement accrus, ce qui amène les équipes à solliciter davantage les PsyEN.

L’intensification de la demande de bilans psychologiques en est la trace, mais l’expertise des PsyEN est aussi mentionnée comme permettant d’éviter les dérives vers une médicalisation ou une psychologisation de problématiques qui n’en relèvent pas nécessairement.

La mission reconnaît également que la multiplication des rapports concernant la profession (8 rapports depuis 2017) ne peut qu’inquiéter. « Les PsyEN y lisent souvent des remises en question de leur professionnalité et redoutent, voire rejettent toute évolution qui réduirait leur référentiel de missions ou les inscrirait dans d’autres organisations (transfert aux collectivités, rattachement au pôle santé-social et aux établissements) ou encore affecterait leur indépendance vis-à-vis des chefs d’établissement ou des collectivités, considérant que cela entamerait l’objectivité et la neutralité du conseil en orientation ».

Mais le rapport comporte aussi des affirmations inexactes ou erronées comme celle consistant à présenter le métier, avant le corps unique, comme n’étant pas un métier de psychologue (« …quand la fonction de psychologue n’était pas assurée dans les établissements, c’est-à-dire avant 2017. » p. 18 ; « La compétence sur les aspects psychologiques n’a été explicitement confiée aux PsyEN qu’en 2017 », p. 20). Pourtant, la formation de conseiller·ère d’orientation-psychologue fut la première formation de psychologie appliquée et le DECOP depuis 1991, faisait bien suite à une formation à Bac +5 et était inscrit dans la liste des diplômes permettant l’usage du titre de psychologue. (Chapitre 2).

La mauvaise foi des inspecteurs ne témoigne-t-elle pas de leur volonté de vouloir délier l’orientation de la psychologie ? La démonstration n’est d’ailleurs pas exempte de contradictions puisque à la fois, « le titre de psychologue effraie voire rebute les élèves » (p. 5) mais les PsyEN EDO sont de plus en plus sollicité·es pour leur expertise et leurs compétences de psychologue.

À aucun moment, les difficultés à rendre le métier plus lisible ne sont mises en rapport avec l’absence total de soutien institutionnel lors de la création du corps, ni même avec le découpage par l’administration des missions des EDO confiées alors à de multiples référents.

À qui voudrait-t-on faire croire que le métier de « conseiller d’orientation » était mieux connu et mieux apprécié par les élèves et les parents alors que de nombreux rapports ont pu souligner les confusions avec la gestion des flux et l’affectation des élèves, et la méfiance qu’elles pouvaient induire ?

Quant à l’absence de réalité du corps unique, il aurait fallu questionner les actes posés par l’administration pour lui donner chair !

La structure du service de psychologie proposée peut séduire au premier abord. « Le service des PsyEN a vocation à être dirigé par un professionnel qui outre ses capacités de management, doit avoir la double compétence de psychologue et d’expert en orientation, conditions requises pour analyser les besoins, élaborer le projet de service, représenter le service dans les instances et coordonner son activité avec les partenaires. Ce peut être naturellement un PsyEN de la spécialité EDO, comme l’actuel DCIO mais ce pourrait également être un PsyEN de la spécialité EDA qui aurait validé la certification en orientation ». (Recommandation n°11)  Le service pourrait également « intégrer au moins fonctionnellement les EDA » (p. 32)

Cette proposition pourrait être proche de celle que la FSU a développée sur la création d’un service de psychologie de l’Éducation nationale, de la maternelle à l’université. Les missions de ce service porteraient « … sur les questions relatives aux difficultés d’apprentissage, au bien être, à la santé mentale, aux compétences psychosociales et à l’orientation… » (p.32). Missions en grande partie assurées aujourd’hui par le CIO.

Mais il est dit un peu plus loin qu’il faut penser pour le CIO « …des mutualisations avec les services régionaux ou les réseaux d’information jeunesse (…) ce qui aurait également comme vertu de faire fonctionner ensemble des acteurs qui interviennent dans le même domaine » (p. 28)

On ne voit pas très bien comment un service de psychologie pourrait fonctionner avec un CIO absorbé dans un guichet unique piloté par la Région[1]. D’autant que la création d’un pôle « psycho-santé-social » est recommandée (p. 33). Il est à craindre que sous des termes édulcorés, il ne soit en fait question de fondre les CIO dans le SPRO et de rattacher fonctionnellement les PsyEN EDO à ce pôle « psycho-santé-social ».

Des propositions inquiétantes voire inacceptables

On comprend mieux en reliant les différentes parties du rapport que les PsyEN EDO pourraient être affecté·es dans les EPLE. Il ne s’agit pas d’une préconisation mais la mission affirme clairement son choix pour cette solution, arguant que « …l’autorité fonctionnelle ne porte que sur l’organisation du service et non pas sur l’exercice professionnel lui-même ». (p. 19)

Comme on s’y attendait, l’interdit qui pèse sur l’augmentation des recrutements aboutit forcément à vouloir trancher dans le vif. La mission choisit de limiter l’exercice auprès des élèves « …rencontrant des problématiques particulières, passagères ou durables, de scolarité, d’apprentissage, d’orientation ou de mal-être ». (Recommandation n° 8). Par conséquent, la répartition ne porterait plus sur la totalité des élèves d’un secteur, mais seulement sur les plus en difficultés.

Les PsyEN pourraient aussi être sollicité·es, dans le cadre du Pacte, donc en dehors de leur temps de travail, pour former les équipes pédagogiques « à la conduite d’entretiens individuels et à l’écoute active » et « aux compétences psycho-sociales ». (Recommandations n°2 et n°4). Comme par ailleurs, le rapport préconise de rogner sur le temps de déplacement, on se demande sur quel temps les PsyEN EDO pourraient s’inscrire dans un Pacte 

Alors que la possibilité de passerelles existe bien dans les textes, le MENJ n’a jamais rien fait pour les mettre en œuvre, obligeant ainsi certain·es collègues à repasser le concours. Le rapport tranche clairement en faveur « d’une double mobilité fonctionnelle et/ou géographique » (p. 38) qui permettrait l’affectation indifférenciée dans l’une ou l’autre des spécialités et le suivi des élèves de la primaire au lycée. C’est d’abord une vision bien simpliste de la proximité des problématiques psychologiques d’un enfant de 3 ans, d’un·e collégien·ne de 14 ans ou d’un·e lycéen·ne de 17 ans. Mais de plus, une porosité entre les deux spécialités ne peut avoir de sens que si les PsyEN EDO ne s’occupent plus de l’élaboration des projets d’avenir et de l’accompagnement de l’orientation. C’est bien ce que le rapport prévoit.

La recommandation n° 5 prévoit en effet de « mettre en place une certification, une habilitation (ou un CAFFA) pour le conseil en orientation à destination des enseignants, des CPE ou des PsyEN de la spécialité EDA ». Au lieu de recruter davantage de PsyEN EDO, les rapporteurs proposent plutôt de certifier les psychologues du premier degré exerçant à l’école maternelle et primaire, avec des élèves d’un âge les dispensant d’élaborer un projet d’orientation scolaire et professionnel. Curieuse stratégie !

« …les attendus (de cette certification) porteraient sur une parfaite connaissance des types de formation, notamment celles de la voie professionnelle, des ressources et des outils (Affelnet, Parcoursup, notamment), une sensibilisation aux processus à l’œuvre dans l’élaboration d’un projet d’orientation, des éléments sur la conduite d’entretien et l’animation d’équipes. ». (p. 26). Ils pourraient intervenir aux différents niveaux de pilotage de la politique d’information et d’orientation pour accompagner les référents d’établissements, et pour la formation initiale et continue.

S’appuyant sur les dysfonctionnements de l’année de stage en CIO, provoqués par le refus du MENJ de favoriser les stages en pratique accompagnée dans les académies limitrophes des centres de formation, comme les textes le recommandaient, et le refus de prendre en charge financièrement les frais de stage (déplacements et hébergements), les rapporteurs proposent de supprimer le stage en pratique accompagnée pour préconiser des stages en responsabilité, comme pour les enseignants. Les stagiaires seraient ainsi affectés dès l’année de stage sur une académie.

Ceci pose plusieurs questions :

Comment ce schéma qui fonctionne pour les enseignants en cours dans l’INSPE de leur académie, pourrait-il se mettre en place avec seulement 7 centres de formation ? Il est clair que la pression pour dispenser la formation en distanciel sera massive et que l’avenir des centres de formation sera menacé.

Quel suivi des stagiaires par les formateurs ? Quels échanges entre les stagiaires, si importants notamment lors de l’entrée dans le métier ? Quelles conséquences sur l’organisation de la formation et sur la répartition du travail, si les stagiaires sont en responsabilité sur une durée de 14 semaines ? Quelles conséquences sur le gel des postes qui seront réservés aux stagiaires en formation et donc fermés pour les mutations ?

Il faut également mesurer les conséquences sur la reconnaissance de cette 6ème année de formation, dans la perspective d’un prolongement de l’actuelle formation de tous les psychologues à l’université.

La spécialisation de notre activité en direction des élèves les plus en difficulté ne peut que nous dessaisir progressivement d’une des dimensions essentielles à l’adolescence : la projection dans l’avenir.

Celle-ci devrait être assurée par un enseignant ou un CPE certifié, qui jugera bon, ou pas, de renvoyer l’adolescent·e vers la·le PsyEN, ce qui pour le coup risque « d’effrayer ou de rebuter » ! La·le PsyEN EDO est un·e psychologue généraliste qui prend les problématiques de l’adolescence de la manière dont elles se présentent, à savoir anticipation de l’avenir, difficultés scolaires ou relationnelles, développement psychologique, etc. Désormais, ce serait ce référent certifié qui jugerait de la nécessité, ou pas, de rencontrer la·le PsyEN, qui consacrerait alors une bonne partie de son activité à former les autres à ses propres compétences !

Finalement, le rapport est en cohérence avec l’annonce du recrutement d’un conseiller technique ministériel PsyEN centré exclusivement sur le champ de la « santé mentale », c’est une façon de dissocier l’orientation de la psychologie, nul besoin de psychologue à l’avenir pour accompagner les élèves dans le champ de l’orientation?

Nul besoin de psychologue à l’avenir pour accompagner les élèves dans le champ de l’orientation?

Ce rapport a été déposé sur le bureau de la ministre qui proposera ou pas de prendre en compte certaines mesures. L’appel à candidature pour le recrutement d’un conseiller technique PsyEN nous donne déjà un avant-goût de sa position. https://www.snes.edu/article/connaitre-les-choix-politiques-du-menj-par-les-petites-annonces/. Il est urgent de faire savoir ce que nous en pensons !

Le SNES-FSU va relancer une nouvelle fois la demande d’audience envoyée à la suite des annonces de G. Attal.


[1] A noter d’ailleurs la présentation très élogieuse du travail des Régions en matière d’information. Les rapporteurs auraient pu s’intéresser à ce qu’en disent les parents, les élèves et les chefs d’établissements d’après le Rapport Cazenave et Davi sur l’accès à l’enseignement supérieur !


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