Instituées depuis la rentrée 2018 de manière totalement systématique à l’entrée en Sixième, les évaluations automatisées des élèves concernent les Mathématiques et le Français. Chaque année, le Ministère publie les résultats de ces évaluations, dans le cadre d’un rapport de la DEPP.

La livraison 2021 de ce rapport met en avant des progrès dans la maîtrise « satisfaisante » ou « très bonne » des mathématiques pour 72,3% (soit +0,4 points) : le niveau mesuré des élèves à la rentrée 2021 aurait ainsi rattrapé ou très légèrement dépassé celui de 2020. Le constat est toutefois variable selon les compétences testées, mais revient surtout au même taux global de réussite qu’en 2018, ce qui limite l’ampleur du succès annoncé. De plus, la variation brute reste suffisamment faible pour imposer une prudence statistique, les sujets proposés n’étant pas rigoureusement identiques, et les seuils de réussite produits plutôt « au doigt mouillé » par des enseignants, mais sans méthodologie scientifique rigoureuse (cela a déjà été souligné et dénoncé par R. Goigoux).

Si le ministre estime que « Nous sommes parvenus à surmonter la crise » (sous-entendu « je suis parvenu », tant il a glissé rapidement sur ses remerciements aux enseignant.e.s), il faut rappeler que le confinement de 2020 a eu un impact qui est resté de durée limitée sur l’ensemble d’une scolarité à l’école primaire, telle qu’évaluée par les tests. Il est également difficile, à ce stade, d’en tirer des conclusions quant aux progrès des élèves imputables à l’action propre du ministre, comme des propos habiles, mais erronés du ministre, ont pu le laisser croire à la presse : aucun des élèves testés cette année en Sixième n’a en particulier connu les dédoublements des CP/CE1 institués en Education Prioritaire. Lancé en 2017, la politique de dédoublement des classes de CP/CE1 est souvent mise en avant par le ministre, considéré par cette dernière comme une vitrine sociale. Il est encore trop tôt pour évaluer les effets qui consistent à réduire les inégalités sociales. La DEPP reste prudente dans son rapport provisoire, en attendant sa traditionnelle analyse plus précise livrée au printemps !

Les inégalités sociales et scolaires toujours importantes

Plus que l’effacement de l’effet du confinement, ce qui frappe davantage dans le rapport de la DEPP, c’est la persistance des inégalités sociales et de genre. En effet, la moyenne de maîtrise globale cache toujours, et malgré quelques légers progrès, d’importantes disparités entre les élèves comme la DEPP le rappelle dans son rapport : « Les disparités de maîtrise sont très marquées selon le profil social de l’établissement » (privé sous contrat, public hors éducation prioritaire, ou REP et REP+). Ces écarts sont constamment nettement plus marqués en Mathématiques qu’en Français selon les travaux de la DEPP.

En outre, c’est plus encore selon la situation scolaire des élèves (« à l’heure » ou « en retard ») que les écarts persistent, voire s’aggravent : on n’est pas loin des 30 points d’écart entre éducation prioritaire et hors éducation prioritaire et on dépasse les 47 points d’écart entre les élèves « à l’heure » et ceux ayant redoublé !  Cela confirme surtout l’incapacité de l’organisation actuelle de la scolarité à remédier aux difficultés les plus anciennes et les plus installées.

Des évaluations qui sont aussi un outil de pilotage des pratiques

Le rapport de la DEPP fournit par ailleurs des résultats plus inattendus : la DEPP a en effet interrogé les professeurs de Lettres et de Mathématiques – mais pas seulement ! – sur l’intérêt de l’outil d’évaluation proposé, et son utilisation dans l’évolution des pratiques de classes. On y trouve ainsi quelques éléments qui servent la communication ministérielle, et espèrent montrer une adhésion à ces évaluations aussi bien chez les professeurs de Lettres, de Mathématiques, ou professeurs principaux… Et on y trouve aussi une tentative de mesure des possibilités de mise en place de groupes de besoin (avec quels moyens ?) – ou des groupes de niveaux ? – par les équipes et les chefs d’établissement. De quoi baliser quelques évolutions sans doute souhaitées rue de Grenelle… à coût constant !

Sur le temps long, et sur la scolarité globale, des éléments nettement moins positifs

Des éléments d’analyse données par la note CEDRE 2008-2014-2019 montrent une réalité plus inquiétante pour les élèves, et l’enseignement de notre discipline, en les ancrant dans le temps long, plus conforme à une évaluation réaliste des politiques éducatives : « Les performances en mathématiques des élèves de CM2 sont en baisse en 2019 alors qu’elles étaient restées stables entre 2008 et 2014. Ce repli concerne aussi bien les élèves à l’heure que les élèves en retard. Il est aussi comparable chez les filles et les garçons, même si ces derniers demeurent plus performants. On observe des écarts importants des performances selon le profil social des écoles. De plus, la baisse n’affecte pas celles accueillant les élèves les plus favorisés socialement. Ces résultats confirment l’hétérogénéité des niveaux déjà observée en 2014 mais aussi à l’entrée en sixième. Par ailleurs, lorsque les élèves sont interrogés sur leur rapport aux mathématiques, on constate une dégradation de l’attractivité des mathématiques. »

Le constat que nous dressons, du maintien des inégalités scolaires prolongeant les inégalités sociales, était déjà vrai par le passé, mais la tendance ne s’inverse toujours pas. Ainsi, en revenant sur les résultats de 2019 ou
2018, que le rapport de la DEPP ne met d’ailleurs pas lui-même en regard de ceux de 2021, on relève un mouvement contraire à ceux que le ministre met en évidence entre 2020 et 2021. Ainsi, si les écarts tendent, sur cette dernière livraison, à se réduire entre élèves de milieux favorisés et défavorisés, comme entre élèves en retard et à l’heure, le mouvement sur le bilan 2018/2021 – en temps plus long et sur l’ensemble du quinquennat – est bien celui d’un creusement net et quasiment continu des inégalités scolaires nées des inégalités sociales, l’inflexion légère relevée cette année ne changeant pas la donne.

On relève également un net creusement entre les performances mesurées des filles (en baisse) et des garçons (en hausse), qui s’inscrit lui en 2021 dans le sens de ce qui s’est déjà produit en 2019 et 2018 : pas vraiment une bonne nouvelle, les filles obtenant déjà des performances plus faibles en 2018. Les écarts se cessent donc de se creuser, de plus en plus au détriment des filles. Il faut toutefois relever que le collège tend à réduire ces écarts de manière continue selon les enquêtes CEDRE de 2008, 2013 et 2019.

Au final, et malgré la volonté du ministre de valoriser son action, rien ne dit que les éléments du rapport de la DEPP sur les évaluations de 6-ième à cette rentrée mis en avant par J.M. Blanquer suffisent à prouver une inversion des tendances lourdes déjà à l’œuvre (accroissement des inégalités scolaires, et décrochage des performances des filles) : c’est même le contraire sur le quinquennat !
Enfin, à cette heure, la réforme du collège de 2016, dont aucun bilan n’a été fait en Mathématiques depuis sa mise en place, reste un impensé de la politique d’évaluation du Ministère.
Quant à la réforme du lycée de 2019, où les mathématiques ont disparu du tronc commun du cycle terminal, les premiers effets sont préoccupants : accroissement des inégalités filles/garçons, attractivité en baisse de la discipline, outil de sélection accrue dans le cadre de Parcoursup…. Mais si cela est parfaitement mesuré par la DEPP, le ministre n’en a rien dit !

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