La continuité pédagogique paravent des inégalités sociales

Entre ceux qui ont pu bénéficier de l’aide de leur famille pour faire les devoirs, profiter d’occupations culturelles et ceux qui n’ayant qu’un téléphone comme seul moyen d’accès au numérique ont finalement décroché et passé beaucoup de temps sur les écrans, le sentiment d’échec a pu être renforcé parmi les élèves les plus fragiles, faute d’étayage de la part des enseignants.

Dans le secondaire les adolescent·es en « télétravail » se sont souvent retrouvés dans le doute permanent d’avoir à toute heure quelque chose à faire, d’avoir pu manquer une consigne au risque d’éprouver un sentiment constant d’insécurité. Le cadre que constituait la classe, délimité par la parole et la présence du professeur a disparu.

Les conditions psychologiques du retour en classe ont  aussi été bien différentes selon le vécu de chacun : maladie, deuil, tensions intra-familiales, maltraitance, précarité des conditions de vie aggravée. Sur le terrain, force est de constater que les PsyEN sont depuis, beaucoup plus sollicités par les enseignants repérant le mal-être de leurs élèves et ont pu observer une montée spectaculaire des troubles anxieux.

La mission des PsyEN est de favoriser l’épanouissement personnel des jeunes notamment à travers leurs démarches d’orientation, encore faut-il que les conditions soient réunies pour pouvoir se projeter dans l’avenir, en se sentant suffisamment sécurisé, capable, légitime !

Si le ministre a été obligé de reconnaître que la pandémie et le confinement avaient eu des effets psychologiques non négligeables, la réponse n’a pas été à la hauteur des besoins. Nul plan d’investissement pour l’Éducation, l’externalisation des prises en charges est privilégiée plutôt que recruter des PsyEN.

Une ignorance délibérée des résultats des recherches sur la projection dans l’avenir

Le ministre fait comme s’il suffisait de fournir très tôt des informations sur les métiers pour que les jeunes construisent leur projet. L’orientation se voit ainsi réduite au tout information. Or, les travaux d’E. Vignoli et P. Mallet ont depuis longtemps mis en évidence que l’anxiété face à l’avenir n’était pas la même pour tous: « A performances égales, plus la classe sociale des adolescents est défavorisée, plus ils ont peur d’échouer scolairement et professionnellement et peur de décevoir leurs parents par leur parcours scolaire et professionnel »[1] Cette tendance est également plus manifeste chez les filles que chez les garçons. Si ces résultats ont pu être observés en situation « normale », on peut faire l’hypothèse que des conditions d’études marquées par des perturbations multiples, une perte des repères habituels, vont accentuer les phénomènes d’auto-censure et de dévalorisation de soi. De plus, cette anxiété accroissant l’indécision et le sentiment de pression quant aux choix à effectuer, les adolescents·es sont rapidement pris dans un cercle vicieux.

Ce qui est en jeu, c’est bien la possibilité pour chaque jeune de s’émanciper de son futur probable en termes socioprofessionnels pour développer d’autres possibles, aidé en cela par les PsyEN. Travail d’autant plus difficile dans le contexte sanitaire et politique actuel !

Pour ce faire, il faut à la fois prendre en compte les questions liées aux projections dans l’avenir, leurs enjeux personnels, familiaux et sociaux sans oublier la dynamique psychologique du sujet dans laquelle l’appropriation des savoirs joue un rôle essentiel.


[1] La peur des adolescents concernant leur avenir scolaire et professionnel E Vignoli et P Mallet Cahiers internationaux de psychologie sociale 2012

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