CSE du 3 avril 2024,

Déclaration du SNES-FSU

Madame la ministre, Monsieur le président, Mesdames, Messieurs

Hier nos professions étaient une nouvelle fois mobilisées contre la mise en œuvre des mesures « choc des savoirs » à l’occasion d’une troisième journée de grève à l’appel de plusieurs organisations syndicales. Depuis janvier, la mobilisation ne faiblit pas, elle se diversifie, se ramifie et gagne en visibilité. Le SNES-FSU appelle maintenant les personnels à investir le temps des vacances zonées par des rassemblements, des récréations revendicatives, des grèves, des banderoles devant les établissements, des tractages, des alertes sociales… Le 1er mai sera aussi un moment important de la mobilisation.

Le SNES-FSU est aussi mandaté depuis son congrès national pour organiser d’ici la fin de l’année scolaire, une manifestation nationale avec toutes les forces disponibles pour la défense de l’École publique et laïque dans la suite de la tribune en défense de l’École publique laïque signée avec 26 organisations, dont SUD, la CGT, l’UNSA, et la FCPE.

Depuis maintenant six semaines, la contestation en Seine-Saint-Denis montre que les personnels unis derrière l’intersyndicale sont en mesure de rassembler les parents d’élèves et les élu.es locaux pour défendre un département où tout est devenu urgences, du bâti scolaire aux postes non pourvus. Un plan de rattrapage pour le 93 est incontournable, les personnels ne feront pas la rentrée dans 15 jours si leurs attentes restent sans réponse lors de la rencontre en fin de semaine avec la ministre.

Et dans ce département, comme partout, personne ne veut des groupes de niveau à la rentrée.

Rejeté unanimement par toute la communauté éducative avec les parents de la FCPE lors du CSE du 8 février dernier, l’arrêté modifiant l’organisation des enseignements dans les classes de collège a été publié en retirant la référence aux groupes de niveau. Mais la rédaction, complétée depuis par une note de service provocatoire, reste sans ambiguïté sur les intentions du gouvernement de passer en force sur l’organisation des groupes de niveau en mathématiques et français dès septembre en Sixième et Cinquième, en dépit des arbitrages de la ministre, une ministre démentie aussi sec par le Premier ministre.

Les fluctuations dans les regroupements d’élèves dans un va-et-vient entre groupe et « classe de référence » plusieurs fois dans l’année, entraveraient toute progression cohérente, toute dynamique de classe, toute stabilité pourtant indispensables à de jeunes adolescent·es, ce qui affecterait l’ensemble des enseignements suivis au collège. Les progressions communes qui s’imposeraient nécessairement sans aucune possibilité d’y déroger nuiraient considérablement à l’autonomie professionnelle et à la liberté pédagogique. Le pouvoir renforcé des chef·fes d’établissement dans l’organisation du service porte les risques de l’annualisation, du co-enseignement imposé, d’une flexibilité managériale, de l’intervention de professeur·es des écoles au collège, ce que le SNES-FSU conteste. La récente note de la DGRH aux recteurs sur la préparation de rentrée est d’ailleurs révélatrice des difficultés de l’administration à mobiliser les personnels nécessaires. Mais l’entêtement à casser les identités et les expertises professionnelles en facilitant les possibilités de détachement dans le corps des certifié.es en dit long de la volonté du ministère d’écraser les statuts des professeur·es.
L’institution de groupes de niveau irait contre l’idée de faire société dans une émulation, une coopération, une entraide, des mises en commun au sein de la classe. Les professeur·es devraient ainsi se faire les agent·es actifs et actives du tri social, participant chaque jour à l’injustice d’une relégation des plus faibles élèves scolairement et socialement, dans un entre-soi ne pouvant générer qu’humiliation et violence. Ce serait un retour en arrière sans précédent, une rupture avec plus de 60 ans d’ambition éducative et un renoncement à l’ambition de l’élévation générale des qualifications de toute la population.

En éducation prioritaire, quel sera le « meilleur niveau » de celles et ceux regroupé.es en grand nombre ? Quelle aide pourra-t-on leur apporter ? La note de service précise que le « regroupement surnuméraire » ne sera pas la norme ! Le taux de réussite au DNB des établissements risque de chuter plus fort encore en éducation prioritaire. Or, à partir de la rentrée 2025, le DNB s’érigera comme un mur pour ces élèves qui ne pourront plus entrer en Seconde et seront relégué.es plus nombreuses et nombreux en prépa-Seconde. Un cercle vicieux se mettrait en place pour elles et eux, préparant leur expulsion du système scolaire, via l’apprentissage. La FSU refuse le principe d’un examen d’entrée au lycée, qui serait pour beaucoup un examen de non-entrée au lycée.

La logique du tri social est déjà à l’œuvre au lycée, de Parcoursup au « libre choix » des enseignements de spécialité qui renforce les inégalités sociales et genrées. En Seconde, les stages de juin installent l’idée au lycée GT que l’entreprise peut former la jeunesse dans la logique de la réforme de la voie professionnelle. Le SNES-FSU rappelle aux collègues professeur.es principaux et principales que le suivi de ces stages ne leur incombe pas. En permettant le SNU comme alternative au stage, le gouvernement organise la généralisation de ce dispositif d’embrigadement de la jeunesse. Pour le SNES-FSU, toutes ces mesures qui ciblent les élèves de Seconde doivent être abandonnées.

Ces orientations préfigurent ce que ce gouvernement veut faire de nos métiers demain : des métiers excessivement flexibles et interchangeables, au service d’une politique conservatrice attachée à la biologisation des destins sociaux et au renoncement à toute forme d’émancipation hors d’une employabilité volatile, des métiers exercés par de simples exécutant·es peu regardant sur les contenus disciplinaires et leurs vertus structurantes pour les esprits.

Et à travers les premiers éléments révélés du projet de réforme de la formation initiale se jouent la nature de la professionnalité des collègues et l’unité du 2nd degré. Cette réforme de la formation initiale, la quatrième en quatorze ans, ne peut pas être mise en place à la rentrée 2024. La FSU exige un autre projet de réforme sur la base d’un dialogue social sincère et sérieux.

Le SNES-FSU refuse cette politique du choc, violente pour nos élèves, et attaquant la qualification, le cœur du métier, le statut, la professionnalité des personnels.

Voeu présenté par la FSU, l’UNSA, SUD, la CGT, la CFDT, FO et la FCPE sur le « choc des savoirs », adopté à 64 voix Pour, 0 contre et 8 abstention.

Le Premier ministre et la ministre de l’Education nationale ont décidé de passer en force et d’imposer les mesures « Choc des savoirs » dans la précipitation. Les premiers textes qui ont été publiés confirment que le « Choc des savoirs » est une réforme de tri social qui sanctionne les élèves en difficultés scolaires ou sociales, les élèves de SEGPA, les élèves allophones mais aussi les élèves en situation de handicap, alors que le rôle de l’école publique est, au contraire, de donner de véritables moyens pour combattre les difficultés scolaires ou sociales. 

Les groupes rigides au collège, la classe prépa 2nde et la sélection à l’entrée du lycée avec le DNB couperet renforcent les inégalités et génèrent un système scolaire à deux vitesses dans le modèle d’une école passéiste au détriment des élèves les plus fragiles et socialement défavorisés. Ces mesures, ainsi que la labélisation des manuels sont une attaque à la professionnalité enseignante et à la liberté pédagogique. 

Les mesures choc des savoirs vont considérablement aggraver des conditions de travail des personnels déjà dégradées (le manque de moyens, les bâtis dégradés et les réformes successives, imposées dans la précipitation et inapplicables). Le ministère a choisi de passer en force malgré des avis défavorables du CSE : c’est une forme de mépris qui vient abîmer un peu plus le dialogue social et contribue à miner la démocratie sociale.

Le CSE demande à la ministre de l’Éducation Nationale d’abandonner les mesures « choc des savoirs » et d’ouvrir avec les représentant.es des personnels un dialogue constructif pour permettre à l’Ecole publique et laïque de faire réussir tous les élèves.

Voeu présenté par la FSU, l’UNSA, la CFDT, la CGT, SUD, le SNALC et la FCPE sur l’école inclusive, adopté à 56 voix Pour, 0 contre, 10 abstention et 6 refus de vote.

Le CSE rappelle que l’acte 2 de l’école inclusive se met en place sans tenir compte de la réalité de la situation actuelle de la scolarisation des élèves en situation de handicap ou à besoins éducatifs particuliers et sans bilan de la mise en œuvre de l’acte 1. Le système éducatif est à un point de rupture. Les situations de souffrance des élèves, des personnels enseignants et AESH ne peuvent plus être niées, il est urgent d’en tenir compte dans les réformes à venir.

Le CSE exige que l’éducation nationale garantisse aux personnels et aux élèves les moyens nécessaires notamment pour l’inclusion des élèves en situation de handicap : concertation institutionnalisée sur le temps de service, baisse des effectifs des classes, moyens humains supplémentaires systématiques (éducateurs, enseignant.es spécialisé.es, moyens RASED, accompagnement individuel et mutualisé, PDMQDC….), formations ambitieuses sur temps de service, et accès aux soins des élèves qui en ont besoin.

Depuis plusieurs mois nos organisations alertent sur l’extrême urgence de donner les moyens humains et matériels et la nécessité de travailler à un projet sur le long terme pour repenser l’École inclusive. Ce sujet relève d’une politique ambitieuse qui doit être pensée à l’échelle interministérielle avec les personnels de l’Éducation nationale, les personnels du médico-social, des collectivités territoriales et des associations qui militent pour les droits des enfants en situation de handicap.

Afin de mieux appréhender les réalités de l’école inclusive et des besoins de ceux qui la font, le CSE demande que soit modifié le décret 2020-515 du 4 mai 2020, en y ajoutant la représentation syndicale et les représentants des usagers FCPE dans les membres de droits des comités départementaux de l’école inclusive.