Déclaration du SNES-FSU

Monsieur le Ministre,

Nous ne nous étendrons pas longuement sur tous les sujets à l’ordre du jour de ce projet de loi car nous nous associons d’une part à la déclaration faite par la FCPE et aux propos liminaires de notre fédération.
Les réactions convergentes face à la présentation de ce projet de loi devraient vous interroger ; en effet que ce soit l’impasse faite sur des discussions préalables portant sur les objectifs d’une telle loi ou sur les mesures proposées, nous souhaitons marquer notre insatisfaction. Nous avons trop le sentiment qu’inscrire l’instruction obligatoire à 3 ans dans la loi a surtout permis de traiter d’autres sujets. S’il fallait vraiment faire une nouvelle loi pourquoi ne pas donner a travers elle un nouvel élan à notre système éducatif et porter la scolarité obligatoire à 18 ans ? Nous pensons en effet que cela serait justifié par le besoin de
former aujourd’hui à la citoyenneté , permettre d’appréhender un monde complexe, d’évoluer dans sa carrière professionnelle. Cela supposerait il est vrai, un véritable investissement de la nation initié par des choix gouvernementaux à l’opposé de ceux actuellement en vigueur.
Or, les réformes actuelles qui diminuent au LP les horaires d’enseignement des jeunes, la complexité de la réforme du LEGT et la ségrégation induite par parcours sup, les fermetures programmées de CIO ne vont pas dans ce sens. De la même façon, les 2650 emplois supprimés pour la rentrée 2019 dans le second degré, l’absence d’impulsion donnée à l’éducation prioritaire, ne sont pas la marque d’une volonté de démocratisation et de lutte contre les inégalités. Ces questions seront au centre de la grève du 12 novembre.
L’orientation du projet de loi, non seulement ne va pas dans ce sens mais entend favoriser la concurrence en étendant le droit d’expérimentation aux établissements privés sous contrat, en donnant à l’expérimentation un statut qui en fait la norme au lieu du dérogatoire.
Sur le sujet fondamental de la formation des enseignants, alors même que les objectifs, l’architecture du continuum de formation n’ont pas été débattus, vous entendez faire adopter le principe d’un référentiel de formation dont nous ignorons le périmètre et les finalités, vous changez l’appellation des ESPE en INSP laissant planer une inquiétude sur ce que sera la place des CPE et psychologues de l’EN qui font pleinement partie de l’équipe éducative.
Quant à la modification du statut des AED pour pouvoir leur donner des taches pédagogiques, il s’agit d’un mauvais semblant de réponse à la nécessité de pallier la crise de recrutement en s’assurant à la fois de viviers suffisants et de possibilités pour les étudiants de familles populaires de réussir les concours. Ce dispositif , outre le fait qu’il risque d’amputer les vies scolaires de moyens de surveillance, est mauvais à double titre : pour les étudiants qui auront toujours à jongler entre service dans l’établissement et formation, pour les élèves qui ont besoin d’enseignants formés. L’alternance pour être productive doit être inscrite dans un schéma de formation et non conduire à utiliser des étudiants comme moyens . Nous continuons pour notre part à réclamer l’augmentation des bourses pour les étudiants et de véritables pré-recrutements.
A coté de mesures positives comme celles de l’article 7 qui créent un rectorat de plein exercice à Mayotte ou la consolidation des dérogations dont bénéficient des corps de certains personnels de l’enseignement, le projet de loi semble teinté d’une volonté de contrôle . Sur l’évaluation des politiques éducatives par exemple, les confier désormais à une instance aux compétences plus restreintes que celles du Cnesco et dépendant strictement du MEN risque de faire perdre l’expertise dont témoignent les travaux de cet organisme, expertise utile aux enseignants dans leur pratique. De mème, les modalités envisagées de nomination des directeurs des ESPE évacueraient les personnels et les usagers de la procédure de nomination.
Pour toutes ces raisons, vous comprendrez, monsieur le Ministre, que ce projet de loi ne peut nous convenir. Vous venez vous même, dans votre propos liminaire de faire état des inquiétudes suscitées par ce projet de loi et laissé entendre que des évolutions étaient possibles. Donnons nous le temps d’une véritable concertation.


Déclaration de la FSU

Nous tenons tout d’abord à vous faire part de notre mécontentement quant à la méthode utilisée qui consiste à mettre dans un projet de loi toute une série de sujets qui auraient nécessité des discussions spécifiques et plus approfondies en amont. La confiance ni ne s’impose de fait ni ne se décrète ni se légifère. Elle se construit par un dialogue social de qualité et par le respect des personnels, acteurs essentiels du système éducatif, qui doivent être mieux associés aux évolutions en cours.
Ce projet de loi, ajouté aux différentes mesures déjà prises de la maternelle au lycée, va transformer en profondeur le système éducatif. Pour un Ministre qui avait promis à son arrivée en responsabilité de ne pas vouloir tout refonder, la FSU constate aujourd’hui que cela est devenue une vaine promesse. La FSU apprécie aussi la politique mise en œuvre par le gouvernement à la lumière des choix budgétaires faits la réalité de la politique éducative du gouvernement.
L’Education nationale n’est plus une priorité. Les suppressions de postes d’enseignants dans le second degré et de personnels administratifs en témoignent alors que le nombre d’élèves augmente. Ce processus de redéploiement ne permet pas d’offrir de meilleures conditions de scolarisation à tous les niveaux d’enseignement ni d’aller vers une réelle démocratisation.
La FSU a déposé un certain nombre d’amendements sur lesquels nous interviendrons. Nous tenons juste dans ce propos introductif à vous alerter sur quelques articles.
Dans un contexte de contestation de l’accueil des enfants étrangers, y compris par des élu-es, la FSU estime indispensable que l’article 2 précise clairement que l’École doit accueillir tous les enfants sans distinction ni condition aucunes.
La FSU considère que la mesure concernant l’École obligatoire à 3 ans consiste essentiellement à un affichage et ne donne pas d’outils supplémentaires pour réussir réellement la scolarisation à l’école maternelle. Par contre, le projet de loi montre clairement qu’elle sera un bon prétexte pour ouvrir la voie au financement des écoles privées sous contrat. La FSU rappelle son attachement à la défense du service public de l’Éducation. Elle craint que ce financement de l’école maternelle privée constitue un effet d’aubaine dont les conséquences seront défavorables à la mixité sociale au sein des écoles et donc à la démocratisation de la réussite scolaire.
La FSU demande la suppression de l’article 9 mettant fin au CNESCO (à adapter s’il y a qlq chose d’unitaire). Si le Ministère juge utile de se doter d’une direction plus étoffée pour procéder à sa propre évaluation, il lui revient d’en procéder à la mise en place. Mais cela ne peut pas se faire en supprimant d’autres instances fort utiles à l’analyse et à la réflexion nécessaire à avoir sur le système éducatif. Par ailleurs, la composition de la nouvelle instance prévue est loin de permettre l’indépendance nécessaire et pourtant proclamée puisque que pour 8 membres sur 10, la nomination est faite par le Ministre.
Les articles 10-11-12 concernant les Instituts nationaux supérieurs de professorat
La FSU s’interroge sur le remplacement des ESPE par les Instituts nationaux supérieurs de professorat. L’amélioration de la formation des enseignants nécessite un investissement global permettant d’offrir une formation professionnelle à la hauteur des enjeux du service public d’éducation. Les mesures concernant la formation des enseignant-es présentées par le Ministre sont traitées de manière fragmentaire sans engager la réflexion sur le dispositif global de formation ni sur l’investissement budgétaire nécessaire. Les contenus de ces mesures (transformation des structures, gouvernance, nouveau référentiel de formation, devenir des formateurs, conditions d’études des stagiaires…) interrogent la FSU au regard des enjeux de démocratisation de la réussite scolaire et d’amélioration de la formation des enseignant-es. Cela ne peut évidemment s’obtenir par un recours croissant aux étudiants ou aux stagiaires pour enseigner dans les classes.
Si la FSU considère que la possibilité d’expérimentation doit être prévue, elle estime que cela doit être mieux encadré que ce que ne le fait l’article 8 de ce projet de loi. Cet article ouvre la possibilité d’annualisation du temps de travail, il ne protège pas suffisamment les personnels d’éventuelles pressions. Par ailleurs, aucun dispositif d’évaluation n’est prévu.
Enfin, la FSU rappelle son opposition aux fusions des académies et ce d’autant plus que le discours ministériel n’a pas toujours été clair sur ce qui se préparait. Les expériences d’autres réorganisations de services déconcentrés de l’Etat, sur d’autres périmètres, ont montré combien il est facile de casser des organisations qui fonctionnent, mais que reconstruire une efficacité est ensuite beaucoup plus hasardeux, surtout quand tout ceci est structuré autour de politiques budgétaires ayant pour dogme de supprimer des postes. L’Éducation nationale est un bien commun bien trop précieux, une richesse publique bien trop essentielle pour que les personnels qui l’incarnent et la créent au quotidien soient aussi mis à l’écart et que leur expertise, leur parole n’ait manifestement pas été prises en compte dans l’élaboration de ce projet de loi.
Et la FSU souhaite des précisions concernant l’article 17 : quelles sont les conséquences des fusions académiques identifiées par Ministère nécessitant d’utiliser les ordonnances ?
Par ailleurs s’il est possible d’améliorer les Caen et Cden, la FSU est attachée à une composition qui permette la représentation des personnels, des usagers etc. La fusion des académies ne doit pas conduire à réduire leur participation alors que les enjeux sur les cartes de formation par exemple vont être cruciaux.

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