
Emmanuel Macron a annoncé par voie de presse le vendredi 2 mai la mise en place d’une convention citoyenne sur les temps de l’enfant. Selon les déclarations du président de la République, il s’agit de traiter pêle-mêle les temps de vacances (par exemple le nombre de semaines de vacances scolaires) et les horaires scolaires (organisation des journées scolaires : à quelle heure commencer les cours, les arrêter, quel cours mettre le matin, etc.).
La convention citoyenne est constituée d’un panel de Français·es tiré·es au sort et qui seront chargé·es d’auditionner des expert·es et, ensuite, d’émettre des avis dont le gouvernement peut se saisir. Emmanuel Macron en a déjà organisé deux, une sur le climat, en 2019/2020, une autre sur la fin de vie, en 2022/2023.
Une ficelle grossière pour faire diversion
Cette annonce d’Emmanuel Macron, lancée alors que des arbitrages décisifs pour le budget 2026 vont se jouer dans les prochaines semaines, sert surtout à faire diversion. L’Ecole publique est en crise, en particulier du fait des politiques menées depuis 2017 (suppression de postes, pas de revalorisation digne de ce nom, réformes qui attaquent frontalement le 2d degré, comme le Choc des Savoirs ou la réforme de la formation initiale qui déqualifie nos métiers).
Les illustrations sont nombreuses : pas un professeur devant chaque classe à la rentrée, des élèves sans professeur à cette période de l’année, parfois depuis des mois, ce qui a même poussé une députée (de l’ex-majorité) à proposer ses services pour faire cours d’allemand à des élèves d’un collège de sa circonscription. En 2024/2025, dans la 7eme puissance mondiale, on recrute donc des professeurs en job dating, par des petites annonces sur Facebook, des parents d’élèves ou une députée qui cherche le coup médiatique. Une preuve de plus que l’Education nationale est la plus grande enseigne de bricolage de ce pays.
La France détient aussi le triste record des classes les plus chargées d’Europe au niveau collège, et sans truster les médailles européennes, le nombre d’élèves par classe en lycée (bien souvent 35 ou plus) rend impossible un travail de qualité avec les élèves.
Alors que l’Ecole s’effondre et ne tient que par la conscience professionnelle des personnels, Emmanuel Macron sort de son chapeau une convention citoyenne. La ficelle est grossière pour masquer le bilan désastreux des deux quinquennats Macron en matière d’éducation et pour ne pas traiter les urgences pour le 2d degré : salaires, carrières, conditions de travail, formation initiale.
Le dévoiement des conventions citoyennes
Les conventions citoyennes ont été présentées comme un outil de démocratie participative afin de revitaliser une démocratie en crise. Mais l’usage qu’en a fait le président de la République est pour le moins hasardeux. Ainsi, alors qu’il avait promis de reprendre “sans filtre” les propositions de la convention climat (“Ce qui sortira de cette convention, je m’y engage, sera soumis sans filtre soit au vote du Parlement, soit à référendum, soit à application réglementaire directe”, 25 avril 2019), il apparaît que 18 des 146 propositions, soit 12 %, font l’objet d’une reprise intégrale. Très loin des objectifs annoncés…
Si la convention citoyenne ne sert que de prétexte pour valider les analyses et propositions macronistes, l’opération pour l’avenir de l’École semble bien mal engagée…
Convention citoyenne, exutoire national ou danger pour des enseignements et des disciplines ?
Au-delà des limites de la pratique de l’exercice “convention citoyenne” par Emmanuel Macron, ce n’est certainement pas un hasard si le président de la République ressort le sujet “vacances scolaires”. Il s’est exprimé à plusieurs reprises sur le sujet, souvent pour fustiger des vacances d’été trop longues, au mépris des évidences statistiques. En effet, avec 8 semaines de vacances d’été pour les élèves, la France est en queue de classement européen, et bien des pays ont des vacances d’été plus longues, par exemple l’Italie, mais aussi des pays d’Europe du Nord (comme la Suède) sans cesse pris en modèle. Mais le sujet vacances est bien utile : il sert souvent à alimenter un prof bashing pointant les supposés privilèges des enseignant·es qui, dans l’imaginaire collectif, profitent grassement de nombreuses semaines de vacances à Ibiza.
Il y a donc à craindre que cette convention citoyenne serve d’abord d’exutoire national, dans lequel chacun aura un avis bien tranché, mais complètement déconnecté de la réalité, puisqu’à l’instar de l’équipe de France de football, le pays compte 67 millions de ministres de l’Education nationale.
Depuis l’annonce du président, les micro-trottoirs se multiplient et chaque parent ou élève interrogé y va de sa suggestion, notamment les “cours dits fondamentaux le matin” et “enseignements artistiques et sportifs l’après-midi”. Cette organisation fait peser un lourd danger sur plusieurs disciplines, avec le risque de les voir externalisées de l’Education nationale pour qu’elles soient prises en charge, à travers des ateliers qui n’ont rien d’un enseignement disciplinaire, par d’autres structures comme des associations. Ce serait un recul sans précédent pour la formation des élèves.
L’occasion de rappeler que l’expérimentation “cours le matin, sport l’après-midi” menée en 2010/2011 auprès de 210 collèges et lycées a été pour le moins mitigée. Une note de la DEPP a notamment souligné que le “dispositif “Cours le matin, sport l’après-midi” n’a pas d’effet notable sur la ponctualité, les absences et les sanctions. Il n’influe pas sur les capacités déclarées de concentration, d’attention, de mémorisation et d’effort.”
Urgence pour le 2d degré !
« Choc des savoirs », formation initiale, carrières, budget… Les réformes et orientations budgétaires ont une grande cohérence : elles sont synonymes d’attaque frontale contre les enseignant•es, CPE, Psy-EN, AED et AESH mais aussi contre l’unité du second degré, ses métiers et ses ambitions émancipatrices pour tous les élèves. Le SNES-FSU lance une grande campagne d’information et de mobilisations pour le second degré : réunions, heures d’informations syndicales, grève et manifestations le 13 mai, dans le cadre de la journée d’action Fonction publique.