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Toujours plus rapide, toujours plus mauvais !

Le plan de travail pour réaliser les programmes de français de collège en 2015 nous avait paru trop rapide pour parvenir à construire le programme dont les collégiens ont besoin pour apprendre à exercer un pouvoir sur la langue, avec la langue, pour acquérir la culture littéraire indispensable pour s’émanciper, pour apprendre à penser de façon autonome et à exprimer ses pensées. Mais nous ne savions pas encore, à l’époque, le calendrier qu’allait être celui de 2018 pour « ajuster » ou « améliorer » ces programmes. Pas étonnant qu’on assiste au gâchis actuel !

Cycle 3 : On passe la marche arrière

Le programme du cycle 3 avait certes des défauts mais il avait surtout une vertu majeure : il proposait une solution pour corriger les errements de l’enseignement de la langue française à l’école. Il s’agissait de construire une réelle progression pour amener les élèves à comprendre le fonctionnement de la langue. Le cycle 3 était ainsi axé sur la structure de la phrase simple et du rôle du verbe comme pivot. Pour cette raison, il s’agissait de s’attacher à distinguer le système du verbe et celui du nom, afin de ne pas confondre le S final de « tu chantes » et celui des «  chansons douces». Pour cette raison, il ne s’agissait pas de nommer, à l’ancienne, différents compléments mais de s’interroger sur leur fonction : complément du nom, complément du verbe, complément de phrase. Tout cela est balayé par « les ajustements » que l’on nous présente. Non seulement on assiste au retour des compléments circonstanciels et autres COD et COI mais on ne devra surtout plus chercher à comprendre. A nouveau, nous aurons des élèves perplexes devant les incohérences de ces classements « grammaticaux » qui mêlent dans un grand désordre la syntaxe et la sémantique, qui conduisent aux confusions que l’on connait bien et dont il est si difficile de se défaire. Ainsi on réinstalle les occasions de confusion entre « nature » et « fonction » ; on ne lève pas les malentendus sur les termes « adjectifs », « adverbe », « pronom »… Si « prédicat » n’est certes pas un mot transparent pour un élève de 6ème, « adjectif » n’est pas plus clair ! Que dire d’un « adverbe » qui n’a aucun lien avec le verbe ou d’un pronom qui ne remplace pas un nom. Les cas sont multiples dans la langue la plus quotidienne ! Et les élèves trouvent toujours ces cas litigieux pour contester, à raison, la leçon.

Hélas ! on aurait pu avancer

Alors ne fallait-il rien toucher à ce programme du cycle 3 ? Non, bien sûr. Mais c’est la partie « culture littéraire et artistique » qui pouvait être améliorée, celle-là même à laquelle les « ajusteurs » n’ont pas touché. Il aurait fallu définir plus explicitement les objectifs et les « enjeux » de cette partie du programme, présentée comme fondamentale, prioritaire mais placée en fin de programme ! Cette partie est structurée en 4 entrées qui ne sont ni vraiment des problématiques ni des thèmes. Les « enjeux littéraires » énoncés sont très peu littéraires et ne sont pas toujours de vrais enjeux pour les élèves, quand il ne s’agit pas d’un jeu de mot quasi vide de sens comme pour « récits de création ; création poétique ». Il était possible, comme cela est fait en lycée professionnel, de choisir des entrées par problématiques, sans en rabattre sur la culture littéraire, bien au contraire, en aidant les élèves à « entrer en littérature », à percevoir que la littérature s’interroge sur la vie, sur le réel, à travers le mythe et la fiction. Nous avions fait des propositions à l’époque. Elles sont toujours en ligne sur notre site internet : propositions de progression annuelle. Mais il semble que la littérature et la culture littéraire ne soient pas la préoccupation des « ajusteurs », à moins que le temps ait manqué…

Cycle 4 : aucun progrès en ligne de mire

Le programme du cycle 4 méritait plus d’ajustements. La partie concernant l’oral est par exemple décevante parce qu’elle ne prolonge pas explicitement l’enseignement de la langue orale, avec ses spécificités syntaxiques et stylistiques, amorcé au cycle précédent. Il manque aussi l’insistance sur la nécessité de la pratique de l’écrit sous toutes ses formes par les élèves pour comprendre et s’approprier le système de la langue. Il aurait été utile également de penser un enseignement progressif de l’argumentation, développé ensuite au lycée. Comment aborder le raisonnement abstrait ? comment acquérir le vocabulaire abstrait ? Pas seulement le mémoriser mais s’en saisir, l’apprivoiser, se l’approprier pour accéder aux notions et pouvoir peu à peu les construire. Mais comme pour le cycle 3, les « ajusteurs » de programme ne se sont intéressé qu’à la partie « langue », sans plus de pertinence didactique. L’ajout d’une liste qui se veut exhaustive de termes « grammaticaux », en particulier dans la partie « classes de mots » donne le vertige. Pourquoi, par exemple remplacer « déterminant » par « article défini, indéfini, partitif » ? En quoi cela va-t-il aider les élèves à comprendre le rôle du « mot placé devant le nom » dans la phrase ? En quoi cela va-t-il aider à comprendre les accords dans le groupe nominal ? Faire la différence entre un « article défini » et un « indéfini » a un intérêt pour l’analyse stylistique. Mais où est-elle dans le programme ? Comme pour le cycle 3, la partie « culture littéraire et artistique » n’a pas été améliorée. Il aurait pourtant été facile et pertinent de supprimer les redites sur le « roman d’aventure » présent en 6ème et 5ème ; de reformuler de façon moins cliché le fameux « dire l’amour » ! On aurait pu aussi préciser davantage comment les notions de genre, les éléments d’histoire littéraire, les questions de stylistique s’articulent avec ces thématiques du programme, de façon à répondre aux interrogations et aux doutes des collègues quant à la mise en œuvre de ce programme.

Il y avait bien des choses à dire et à faire pour améliorer le programme de français, pour le rendre plus lisible et en faciliter la prise en charge par les enseignants. Il était souhaitable d’en revoir la présentation en tableaux qui ne facilite pas la lecture et ne permet pas de comprendre les objectifs réels de l’enseignement du français en collège. Hélas, rien de tout cela n’a été fait. Quant à ce qui a été ajouté ou modifié, nous le récusons. Ce n’est pas en se tournant vers la terminologie du passé que nous aiderons nos élèves à maitriser les enjeux d’une discipline qui, comme les autres, a à voir avec la modernité.


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