On cherche vainement dans le programme du candidat Macron, que ce soit en 2017 ou en 2022, la mention de classes de niveau, de la réussite au DNB qui conditionnerait l’accès en Seconde ou encore la création de classes de transition. Contrairement à ce qu’affirme actuellement le Président de la République, il n’en a jamais été question.

Avec la labellisation des manuels et l’uniforme, ce « choc des savoirs » au lycée du ministre Attal renvoie cependant à des éléments très précis que les programmes politiques des Républicains, du Rassemblement National ou de Reconquête , ont en commun. Il s’agit de créer à tous le niveaux de l’enseignement secondaire des dispositifs de relégation, des classes de niveau à la « prépa-lycée ».

Si la classe « prépa-lycée » ou « prépa-seconde » (selon les appellations) se pare des oripeaux de la bienveillance vis à vis des élèves en situation d’échec scolaire, elle n’est que l’un des nombreux avatars des dispositifs « cul-de-sac » que les autorités savent si bien mettre en place quand il s’agit d’évincer les jeunes jugés les moins performants du système.

Pas de DNB, pas d’accès en Seconde à partir de 2025

« Dès la rentrée 2024, le brevet permettra d’attester du niveau suffisant pour poursuivre en classe de 2nde. A la rentrée 2025, un dispositif Prépa-lycée sera mis en place pour permettre une remise à niveau pour les élèves n’ayant pas obtenu le brevet, avant un passage possible en 2nde »

Dossier de presse, Ministère de l’Education nationale, 5 décembre 2023

A partir de 2025, le DNB conditionne l’accès au lycée. Il interdirait de fait le passage en Seconde. D’après le ministère, les élèves de Troisième dont le conseil de classe a acté le passage en Seconde, mais qui échoueraient au DNB, rejoindraient une classe « prépa-lycée » dans le lycée où ils auront été affectés. Cette classe qui ferait « transition » entre le collège et le lycée, serait prise en charge par des enseignants du lycée sur un programme spécifique encore à déterminer. Les textes de cadrage passeront au Conseil supérieur de l’education le 8 février prochain. Au regard des taux actuels de réussite au DNB, plus de 10% des élèves de Troisième, sont potentiellement concernés par ce dispositif, soit plus de 90 000.

A titre de préfiguration, dès la rentrée prochaine, seront attribués 150 emplois (équivalent temps plein), pour ces classes « de transition » dont l’implantation sera déjà effective dans certains établissements. Pour cette première année, cela concernerait les volontaires et ne revêtirait aucune forme d’obligation. L’année suivante, tous les lycées devraient mettre en place une telle classe, sauf ceux où le nombre de recalés seraient trop faibles, ce qui donnerait alors lieu à des regroupements.

Empêcher la poursuite d’études des plus fragiles, c’est une vieille idée !

La classe « prépa-lycée » est-elle vraiment ce dispositif de remédiation innovant, qui permettra de « rattraper » les élèves faibles tout en maintenant les exigences du lycée ?

S’agit-il de préparer au DNB ? Non. cela déboucherait sur une simple attestation de fin d’études, sans aucune valeur. S’agit-il de refaire une année type collège? Non. Il y aurait moins de cours , notamment en français et en maths, priorités pourtant affichées dans les discours ministériels. Pour autant, ce ne sera pas une classe de Seconde non plus car la possibilité d’adapter le cursus localement pourra réduire encore, voire supprimer certains enseignements en fonction de la ressource humaine disponible. Les 27 heures de cours hebdomadaires prévues, engloberont pour une grande partie des heures de projet, d’orientation , de méthodologie , le tout en marge des disciplines scolaires nécessaires à la préparation du bac.

Malgré l’affichage qui se veut dans la ligne d’un dispositif de raccrochage, dans une telle configuration, cette classe « prépa-seconde » ne préparera à rien . Elle conduira, presque inévitablement, vers la sortie du système scolaire.

Il est facile d’anticiper sur ce que deviendront ces élèves. Il suffit de faire un petit retour dans le temps, il y a 60 ans. Les réformes du collège menées au début des années 1960 suite au « choc » des enquêtes de l’INED sur l’échec scolaire (réforme Berthoin, 1959 ; réforme Fouchet, 1963), sont souvent considérées comme des étapes-clé menant, 12 ans plus tard, au « collège unique » de la réforme Haby (1975). Mais dans le système scolaire structuré par ces réformes, l’accès au collège présente encore certaines particularités :
-le passage en 6ème n’est pas automatique : il est soumis à une sélection sur la base du « niveau » des élèves en CM2 ;
-les élèves qui n’ont « pas le niveau » pour passer en 6ème sont placés dans des « classes de transition»; la « 6ème de transition » doit en théorie permettre aux élèves qui rattraperaient leur retard de rejoindre ensuite une 5ème « normale », les élèves qui n’auront pas rattrapé leur retard en 6ème de transition étant orientés vers une « 5ème de transition », qui leur ferme définitivement les portes des
études générales.
Dans la réalité, la grande majorité des élèves placés en « 6ème de transition », sont ensuite maintenus dans cette filière « de transition », faisant office de pré-orientation vers l’arrêt précoce des études. Et les élèves en question ont bien conscience que leur « destin scolaire » est scellé, et que le «retour possible» dans les classes « normales » est une fable. Les sources sont éloquentes , comme en témoignent ces images d’archives.

https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i22007836/eleves-d-une-classe-de-transition

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