Fin 2023, le SNES-FSU a réalisé une grande enquête* sur l’état du bâti et sur l’écologie dans les établissements scolaires du second degré. Nous en révélons les résultats aujourd’hui. 633 établissements (collèges : 62%, lycées : 30%, cités scolaires : 6%, CIO : 1%, non précisé : 1%) ont complété cette enquête, via les sections syndicales d’établissement du SNES-FSU.
*avec la participation du SNE-FSU
Le nombre et la qualité des participations à notre enquête dénotent non seulement un intérêt pour le sujet de l’écologie et du bâti scolaire, mais alertent aussi sur des situations d’urgence, tant au niveau des conditions de travail et d’apprentissage que pour la santé et la sécurité de tous et toutes.
Dans certains cas, la vétusté avancée des bâtiments va jusqu’à déroger à la dignité la plus élémentaire que l’on pourrait exiger de l’Education nationale, tout en soulevant des enjeux forts d’inégalités territoriales. La mobilisation actuelle des collègues du 93 en constitue notamment un exemple emblématique. Des analyses académiques comparatives de ce questionnaire seront d’ailleurs disponibles ultérieurement. Les équipes des établissements les plus dégradés expriment dans leurs commentaires un sentiment fort d’abandon, à la fois par les collectivités et les services de l’Etat. Si les lois de décentralisation ont rendu les collectivités comptables de la rénovation et de la maintenance des établissements, l’Etat employeur reste bien responsable de la santé et de la sécurité des personnels et des élèves.
Une enquête inédite sur l’état du bâti scolaire
L’enquête menée par le SNES-FSU nous permet de disposer de données opposables, que nous porterons à la connaissance de l’administration pour la pousser à répondre de ses responsabilités et à amorcer un travail qu’elle tarde à mener. Pour rappel, les orientations stratégiques ministérielles (OSM) en matière de santé et de sécurité préconisent depuis 2020 la mise en place d’un recensement bâtimentaire exhaustif, type « carnet de bord des établissements » via un « applicatif » développé par les services de l’Education Nationale. Ce dispositif reste aujourd’hui lettre morte.
Parmi les répondant·es à l’enquête du SNES-FSU, seulement 32% jugent leur établissement en bon état. Ce relevé dépasse l’estimation généralement donnée par l’administration, selon laquelle entre 10 et 20% des bâtiments scolaires connaissent des dégradations importantes.
En réalité, les services ministériels et académiques sont aujourd’hui incapables de cibler objectivement les établissements les plus dégradés. Les alertes proviennent pour la majeure partie des personnels et de leurs représentant.es en F3SCT.
Le manque de volonté de connaître et par voie de fait, de résoudre ces situations précises, relève, de la part de l’État et de ses représentants comme des collectivités territoriales, d’une carence majeure notamment dans la prévention.
Vétusté du bâti et enjeux sanitaires
Les conditions sanitaires de nombreux établissements scolaires sont inquiétantes, voire indignes.
La présence de moisissures est visible dans 18% des locaux du second degré
Les infiltrations et l’humidité sont relevées une fois sur deux et des inondations en cas de pluie une fois sur quatre. Les poubelles placées sous les fuites ont encore de beaux jours devant elles ! Surtout, cette vétusté dégrade mécaniquement la qualité de l’air intérieur, la contamination fongique étant un facteur de pollution au même titre que les formaldéhydes et autres substances chimiques émanant à la fois des matériaux et fournitures que des produits d’entretiens.
Dans 43% des établissements, des défauts d’aération sont observés (ouvrants défectueux, absence de ventilation…).
Selon un rapport récent de Santé Publique France, la dégradation de la qualité de l’air intérieur des établissements scolaires entraîne des effets néfastes pour la santé. Une réduction des expositions aux polluants intérieurs et aux moisissures dans les classes permettrait d’éviter 30 000 cas d’asthme chaque année et près de 12 000 cas de sifflements.
Capteurs de CO2 : promesse non tenue !
La qualité de l’air intérieur est un enjeu de santé publique et de santé au travail mais fait pourtant difficilement l’objet d’actions de prévention au sein de nos collèges et lycées. Contrairement aux annonces du président-candidat Macron en 2022, les capteurs de CO2 ne sont pas disponibles dans toutes les classes mais seulement dans 11% des établissements à ce jour. Par voie de conséquence, les relevés du taux de CO2 ne sont pas effectués, alors que le décret n°2022-1689 du 27 décembre 2022 impose cette mesure chaque année dans les établissements recevant du public avant la fin 2024.
Amiante : un défaut d’information inquiétant
Concernant la présence d’amiante, seulement 25 % des répondant·es déclarent disposer d’informations et très peu ont pu consulter le DTA (Dossier Technique Amiante), qui doit pourtant être présent et accessible dans tous les établissements. Seulement 15% des bâtiments ont été construits après l’interdiction de l’amiante en 1997. Tous les autres sont donc susceptibles de contenir des matériaux amiantés. D’autres rapports montrent qu’entre 70 et 77% des collèges et des lycées construits avant cette date contiennent effectivement des MPCA (Matériaux et Produits Contenant de l’Amiante). L’état de dégradation avancée des bâtiments accentue le risque de contamination par les fibres d’amiante, qui peuvent provoquer des maladies mortelles lorsqu’elles sont inhalées (généralement 20, 30 voire 40 ans après exposition). Entre 20 et 60 personnels font reconnaître chaque année un cancer de l’amiante en maladie professionnelle.
Voir aussi : Amiante dans les établissements : Le ministère doit agir !
Des collèges et lycées passoires thermiques
Les établissements sont fortement affectés par les variations thermiques. Pendant l’hiver, 68% des collègues déclarent rencontrer des problèmes de froid. Lors des vagues de chaleur, 91% des répondantes subissent des températures parfois néfastes pour leur santé.
Dans certains territoires ultramarins, ces problèmes de régulation thermique sont permanents et détériorent au quotidien les conditions de travail et d’étude.
Selon l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), “au-delà de 30 °C pour une activité de bureau et de 28 °C pour un travail physique, la chaleur peut constituer un risque pour la santé des salarié·es”. Pour le froid, l’INRS considère qu’à partir d’une température de l’air inférieure à 18°C, l’environnement de travail exige des mesures de protection particulières.
Les températures minimales relevées dans l’enquête du SNES-FSU montrent qu’a minima 55% des collègues (20% des répondant.es ne donnent pas de température précise) ont déjà connu des températures inférieures à 18° dans leurs classes, avec des exemples qui peuvent descendre jusqu’à 12 ou 11 degrés. Les températures ont dépassé les 30° dans 63% des établissements avec des pics à 38° (5%) et 40 degrés (5%).
Autre élément, les différences de températures constatées d’un lieu à l’autre des bâtiments nous montrent que les collèges et lycées sont majoritairement des passoires, ou plutôt des bouilloires, thermiques.
Les nombreux témoignages reçus dans le cadre de l’enquête sont particulièrement éclairants :
“L’hiver certaines salles sont surchauffées pour que les autres aient une température correcte”
“Les salles à une extrémité du couloir sont trop chauffées, et pas assez de l’autre”
“Certains ont trop chaud alors que d’autres ont froid”.
Témoignage Enquête écologie et bâti scolaire SNES-FSU
Cet inconfort du quotidien peut se transformer en situation à risque lors des épisodes de canicule (malaise d’élèves ou de collègues, risques accrus pour les personnels atteints de pathologies cardiaques ou respiratoires, effets sur la santé de tous.tes à long terme).
“L’été les salles de l’étage sont irrespirables alors que c’est davantage supportable au rez-de-chaussée.”
“Le collège est en L : il fait très chaud côté sud.”
“Dès le début du printemps, les salles du deuxième étage, a fortiori celles dont les fenêtres passent toute la journée au soleil, sont une vraie fournaise…”
Témoignage Enquête écologie et bâti scolaire SNES-FSU
Dans une large majorité, les établissements n’ont pas mis en place de dispositifs, même minimes, d’adaptation aux vagues de chaleur et aux canicules, malgré les quelques recommandations ministérielles qui existent à ce sujet. Les espaces extérieurs sont insuffisamment végétalisés selon l’estimation de 65% des répondant·es. Peu d’ombre et d’arbres devant les façades sud et ouest des bâtiments (seulement 7% des cas) et pas de protections solaires. Les locaux sont largement inadaptés et sous-équipés pour faire face au dérèglement climatique, à l’heure où les canicules et les vagues de chaleur sont amenées à s’étendre sur les périodes scolaires et à se produire de plus en plus fréquemment selon les rapports du GIEC et du HCC. Pour rappel, selon le décret n° 2013-695 du 30 juillet 2013, les bâtiments occupés par les services d’une collectivité publique ou d’un établissement accueillant un ERP devaient faire l’objet d’un diagnostic de performance énergétique avant le 1er juillet 2017. Aujourd’hui, seulement 5% des établissements scolaires ont réalisé un contrat de performance énergétique (CPE).
Des établissements sous-équipés (à l’exception des équipements numériques)
Outre les dispositifs d’adaptation et de rénovation des établissements, les équipements les plus élémentaires ne sont bien souvent pas disponibles. Les volets ou protections extérieures sont absents dans 43% des établissements, alors qu’ils pourraient faire diminuer la chaleur de 3 à 4 degrés dans les classes.
Au contraire, les protections solaires placées à l’intérieur (rideaux, stores) ont un effet minime sur le rafraichissement de la pièce. À noter, ils sont tout de même absents dans 40% des établissements. Très peu de solutions d’adaptation aux canicules ou au climat pérenne de la région sont mises en œuvre. Sans être l’alpha et l’oméga de la prévention, plusieurs mesures rapides pourraient pourtant être prises. Par exemple, la peinture blanche à fort effet Albedo sur les toits et murs peut diminuer de plusieurs degré la température des salles. La végétalisation des espaces extérieurs devient une nécessité. En moyenne, très peu de collèges et de lycées disposent d’extérieurs « Oasis » à l’image de ce qui peut essaimer dans le premier degré. L’installation de fontaines à eau est un sujet aussi incongru que celui des ventilateurs, qui n’existent que dans 10% des établissements. Les problèmes liés au dérèglement climatique sont bien évidemment systémiques. Cependant, même les équipements de base pour tenter d’atténuer les effets des canicules ne sont pas disponibles.
Cette carence dans l’adaptation menace pourtant l’absolue nécessité de continuité d’un service public d’éducation de qualité, ambitieux pour tous, qui passe notamment par la continuité de l’enseignement en présentiel. Les établissements sont susceptibles de fermer davantage s’ils ne mettent pas en œuvre des procédures et des équipements pour tenter d’atténuer les effets des fortes chaleurs. Pour rappel, selon le plan interministériel de Juin 2023, “la survenue d’une canicule extrême (vigilance météorologique rouge) implique […]d’envisager la mise en œuvre éventuelle de mesures de restriction d’activités (ex. sorties scolaires, examens scolaires, grands rassemblements, manifestation sportive ou culturelle, adaptation des horaires de travail…)”. Dans ce cas de figure, la fermeture des établissements peut être décidée conjointement entre les services de la préfecture et des collectivités, en lien avec les services académiques.
En revanche, une très grande majorité d’établissements ont bénéficié d’un programme d’équipement numérique de la part de la collectivité territoriale. Cependant seulement 31% des répondant·es trouvaient ce programme pertinent par rapport aux besoins de l’établissement.
Des personnels engagés pour l’écologie
Malgré cette situation générale qui montre le manque d’adaptation globale des établissements, les personnels et élèves s’impliquent dans des actions concrètes pour l’écologie : comme le tri du papier en vue de son recyclage (73%), la mise en place de compost au sein des établissements (36%) ou la constitution d’un potager ou d’un espace de jardinage partagé (37%).
Du côté des collectivités de rattachement, 74% des répondant·es déclarent qu’un tri sélectif des déchets est mis en œuvre. Cependant, lorsque le tri est réalisé par les commensaux, il est parfois ramassé de manière indistincte dans les ordures ménagères. Le service de certains aliments issus de circuits courts est tout de même noté par 65% des repondant.es. Alors que les repas végétariens sont servis au moins une fois par semaine seulement dans 50% des cas (20% NSPP). Pour rappel, la loi Egalim s’impose à l’ensemble des restaurations collectives à commencer par les cantines scolaires. La labellisation E3D (École ou établissement en démarche globale de développement durable) correspond davantage à un engagement des équipes et des élèves qu’à une qualité environnementale du bâti. Elle est délivrée dans 38% des cas, parfois dans des établissements passoires thermiques, voire dégradés…
Pour un plan national de réhabilitation du bâti scolaire
Ce travail d’enquête était auparavant assuré par une instance dédiée supprimée en 2019, l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement (ONS). Le SNES-FSU demande le rétablissement de l’ONS, tout en portant l’élargissement de ses missions. Les services ministériels reportent chaque année depuis 2020 la mise en œuvre d’un “carnet de bord” numérique des bâtiments scolaires. Bien évidemment, il serait aussi essentiel de lancer un plan national de réhabilitation du bâti scolaire. Cela nécessite un investissement pérenne, massif, conjoint de l’État et des collectivités territoriales, sans partenariats public-privé ou dispositif similaires. Selon le consensus établi par plusieurs rapports et confirmés par certaines déclarations ministérielles, il faudrait entre 40 et 52 milliards d’euros en 10 ans pour respecter les objectifs de rénovation énergétiques. Ces objectifs imposés par le décret tertiaire, nécessiterait donc une baisse de 40% d’ici à 2030 de la consommation d’énergie finale des bâtiments de plus de 1000 m2. Nous en sommes bien loin.