Le 21 décembre 2018, le Défenseur des droits publie une synthèse alarmante sur la scolarisation des élèves allophones.

Les intitulés des deux premières parties de cette étude sont éloquents : « Des conditions scolaires inégales : sources d’injustice pour les élèves et de frustration pour les professionnels », « Performances scolaires des élèves en UPE2A : le temps d’apprendre dans l’étau du temps institutionnel ».

Alors que la circulaire n°2012-141 du 2 octobre 2012 ouvrait droit pour ces élèves à un dispositif UPE2A fondé sur des cours spécifiques de FLS et l’inclusion progressive en classe ordinaire, la réalité montre que les moyens ne sont pas mis pour assurer un accompagnement de qualité ces élèves à besoins éducatis particuliers (EBEP).

Le nombre d’UPE2A (unités pédagogiques pour élèves allophones nouvellement arrivés) est très insuffisant au regard du nombre d’élèves concernés, et le maillage territorial de ces dispositifs reste très hétérogène. La carence générale en UPE2A implantées dans les lycées ne garantit pas l’égalité des chances pour ces adolescents que leur parcours a rendu particulièrement vulnérables. En découle des bricolages locaux, toujours au détriment des élèves et des personnels, pour tenter de pallier le manque de volonté politique et budgétaire sur cette question.

Les difficultés auxquelles se confrontent les élèves allophones

Une fois surmontées les difficultés d’affectation (les délais peuvent aller jusqu’à plusieurs mois avant qu’un élève ne commence sa scolarité en France), les EANA bénéficient d’un an d’UPE2A, de deux ans s’ils sont NSA (Non scolarisés antérieurement ou considérés comme tels). A la fin de cette année, rien n’est prévu. Pourtant, on ne cesse pas d’être allophone au terme d’une année : des études qui sont d’ailleurs relayées par l’insitution elle-même montrent que 3 à 7 années sont nécessaires pour maîtriser le français. Viennent s’ajouter logiquement de grandes injustices dans l’orientation de ces élèves qui se voient dirigés de manière presque automatique vers la voie professionnelle. Le fait qu’on ne leur laisse pas le temps d’apprendre le français et de s’adapter à leur nouvel environnement scolaire, ou/et leur situation personnelle (les mineurs non accompagnés, souvent proches de la majorité, doivent travailler le plus vite possible pour sécuriser leur situation) réduisent le champ des possibles qui s’ouvrent à eux.

Les difficultés auxquelles se confrontent les enseignants coordonnateurs d’UPE2A

Le flou de la circulaire de 2012 fait des enseignants de FLS coordonnateurs d’UPE2A des personnels multitâches. Leur première mission est d’enseigner le français aux élèves allophones. Leur deuxième mission principale est d’organiser l’inclusion de ces élèves en concertation avec les équipes pédagogiques. A cela s’ajoute les positionnements (évaluation des élèves à leur arrivée afin de déterminer leur affectation), très mal ou non rémunérés, l’orientation des élèves (tâche particulièrement complexe dans le cas des élèves allophones) et les relations avec de nombreux acteurs (services d’aide sociale à l’enfance, CADA…). Ce travail de coordination n’est pas toujours rémunéré. Et quand il l’est c’est de façon très variable : rarement une décharge (de 1h à 3h), plus souvent une IMP (là encore, avec une quotité variable selon les établissements) voire une ou plusieurs HSA. De 32 000 en 2001-2002, les effectifs ont plus que doublé : près de 70 000 en 2018-19. Cette explosion des effectifs entraîne une dégradation des conditions de travail et n’est certainement pas en faveur des élèves. Certaines UPE2A dépassent de manière récurrente les 30 inscrits, donnant lieu à des bidouillages pour absorber les arrivées et amenant parfois à priver les élèves des volumes horaires de français auxquels la circulaire de 2012 leur donne droit.
Aux alertes lancées par les professeurs de FLS dans les départements les plus concernés comme le Rhône par exemple, l’administration répond par un management agressif dans lequel les collègues ne sont ni écoutés, ni aidés, ni soutenus, faisant grandir du même coup bon nombre de découragements.

Autre problème crucial : si le principe fondamental de l’UPE2A selon la circulaire de 2012 est l’inclusion en classe ordinaire, ce principe est largement bafoué dans la réalité du terrain. D’un côté on demande aux enseignants d’UPE2A d’absorber de plus en plus d’élèves mais de l’autre on refuse aux EANA des places dans les cours ordinaires auxquels ils ont droit. Cela faute de place et/ou au nom du fait « qu’on ne paye pas un élève deux fois ».

Les difficultés auxquelles se confrontent les équipes pédagogiques

Dans la mesure où les EANA ne bénéficient que d’un an d’appui UPE2A, ils réintègrent un parcours ordinaire trop tôt : beaucoup n’ont pas eu le temps d’acquérir une maîtrise suffisante du français, d’autres n’ont pas pu rattraper des retards importants dans certaines disciplines (les mathématiques sont particulièrement concernées).
Les équipes, pour lesquelles l’offre de formation reste indigente sur la question des EANA, se retrouvent démunies pour accompagner au mieux ces élèves.

Une pratique inacceptable : l’itinérance des enseignants de FLS

Le cas de l’académie de la Guadeloupe alerte. Pour faire face à l’arrivée massive d’élèves, le choix a été fait de supprimer les heures de concertation incluses dans le service des enseignants d’UPE2A et de rendre les enseignants de FLS itinérants sur plusieurs établisements (6 parfois !). Cela conduit à une dégradation du suivi des élèves et du service des enseignants. L’accueil et l’accompagnement des EANA exigent au contraire que des postes soient créés en proportion des besoins.

Les effets du confinement sur les EANA :

Le confinement décrété le 17 mars dernier a frappé de façon profonde le public des élèves allophones.

Du point de vue économique et social, il a accéléré et généralisé la précarité des familles notamment celles, nombreuses, dont les revenus provenaient d’une économie informelle avec des salaires non déclarés qui ont alors disparu. La fermeture des cantines scolaires a engendré des problèmes très graves : pour nombre d’EANA, il s’agissait du seul repas complet de la journée. Pour les familles, il a été difficile voire impossible de prendre financièrement en charge ce repas supplémentaire. L’organisation de la solidarité dans les établissements scolaires a été cruciale pour venir en aide à ces familles qui n’arrivaient plus à survivre. Mais l’impact sanitaire a été important et on a constaté des phénomènes de malnutrition.

La santé psychique des jeunes a aussi été mise à rude épreuve. Les élèves étant nouvellement arrivés, ils n’ont pu s’appuyer sur un réseau d’amitié et de sociabilité. Ils se sont ainsi repliés sur le noyau familial quand il existait, sur l’usage des écrans et ont souffert d’une grande solitude. Ces effets ont été encore plus graves pour les mineur·es ou jeunes majeur·es isolé·es.

Du point de vue scolaire, les conséquences sont aussi très lourdes : les élèves allophones ont rencontré de nombreuses difficultés matérielles pour accéder à l’enseignement à distance et à en tirer un véritable bénéfice. Avec la fermeture des établissements, les élèves allophones ont été privés de cette immersion quotidienne dans la langue française indispensable au processus d’apprentissage. Leur progression en français a ainsi été, sinon interrompue, du moins ralentie.

Enfin, pour les élèves qui venaient d’arriver et n’étaient pas encore affectés, le temps d’attente a été encore bien plus long que d’ordinaire. C’est presque une année scolaire qui a été perdue pour certains.

On constate donc une paupérisation de ce public et une fragilisation de ces élèves vulnérables que le parcours personnel et migratoire a déjà éprouvés. 

Les revendications du SNES-FSU

L’UPE2A doit devenir la modalité d’accueil des EANA sur tout le territoire.
Des seuils doivent être définis pour les UPE2A : 15 élèves maximum dans les UPE2A, 10 maximum dans les UPE2A NSA.
Pour cela, il faut créer un vivier suffisant de professeurs de FLS.
Le travail de coordonnateur doit donner droit à une décharge horaire de deux heures, et non à une IMP.
Les positionnements doivent être rémunérés de manière décente et les pratiques académiques doivent être harmonisées.
Les élèves allophones doivent pouvoir bénéficier de plus d’une année d’UPE2A selon leurs besoins.

Des mesures doivent être prises pour tenir compte des effets du confinement sur le EANA.

Vos questions
Le Snes défend les droits individuels et collectifs. Vos représentants vous répondent, vous conseillent et vous accompagnent.
Accès à la FAQ

Vous ne trouvez pas votre réponse, posez-nous votre question