Le rapport recommande en effet « un abandon du modèle actuel consistant à proposer une mise en œuvre uniforme des enseignements en groupes pour tous les élèves de 6e et 5e sur l’ensemble des horaires disciplinaires de français et de mathématiques. » Le désaveu est total ! Car ce rapport synthétise de nombreux témoignages de professeur·es, de parents et d’élèves, et les conclusions de pas moins de trente-cinq inspecteurs et inspectrices généraux !

Un contexte de forte opposition syndicale

Le rapport commence par planter le décor : « La mise en œuvre de cette mesure s’est inscrite dans un contexte de forte opposition syndicale » et le répète à plusieurs reprises. C’est bien parce que le SNES-FSU est une organisation syndicale de terrain qu’il a su prévenir le ministère de toutes les dérives que le dispositif des regroupements de niveau provoquerait. Et c’est avec l’ensemble de la profession qu’il a résisté dans la rue, dans les instances nationales et académiques, lors des journées de formation et dans les établissements et leurs conseils d’administration. Cela a conduit à une application a minima des groupes de niveau. Les IG ont aussi visité des collèges où la mise en œuvre n’était que partielle et insistent alors sur le verre à moitié plan.

Pour sauver les meubles, l’inspection générale tend à expliquer les dysfonctionnements de la réforme par une confusion de sens entre « groupes de niveau » et « groupes de besoins ». La mauvaise foi est à l’œuvre : comme si la nuance dans les termes avait pu changer la face du « Choc des savoirs » ! Mais c’est encore plus pernicieux car cela rejette la faute sur les professeur·es qui ne comprendraient pas la différence ! C’est d’ailleurs ainsi que le ministère contre-attaque auprès des recteurs et rectrices pour passer outre les préconisations de ce rapport et poursuivre les regroupements.

Le chaos du « Choc des savoirs »

Le résumé des problèmes posés par le dispositif tient en quelques lignes et montre l’ampleur du chaos : « La mise en place de cette mesure s’est traduite par d’autres tensions concernant le fonctionnement des établissements : construction des emplois du temps, mission de professeur principal dans les classes concernées (avec une diminution significative du nombre de professeurs de français et de mathématiques engagés), organisation plus complexe des conseils de classe, fragilisation du remplacement de courte durée pour lequel l’organisation en barrettes a limité la capacité des professeurs à entrer dans le dispositif. » Tout avait été prévu et décrit par le SNES-FSU dans les semaines qui ont suivi les annonces du 5 décembre 2024 ! Tout comme la perte de dédoublements ou d’options avec la ponction de moyens pour constituer les regroupements, des emplois du temps souvent catastrophiques en raison des contraintes créées, la difficulté à assurer le suivi de la classe que cela soit lors des réunions parents-professeur·es ou des conseils de classe ou autres, l’impossibilité à de trouver des professeur·es principaux (avec des situations ubuesques où des élèves n’ont jamais cours avec leur professeur·e principal·e). Au fil des témoignages rapportés par l’inspection générale, la liste s’allonge de tout ce qui s’est dégradé dans les conditions de travail et d’étude pour les collèges impliqués.

Une erreur manifeste d’appréciation

Dès le premier jour, le SNES-FSU a dénoncé une réforme idéologique renforçant une École du tri scolaire et donc social. La présidence de la République et le ministère avaient au contraire élaboré une publicité mensongère, promettant que les élèves en difficulté rattraperaient leur retard tandis que les meilleur·es « s’envoleraient » parce que « les Français qui payent des impôts veulent un retour sur investissement » (G. Attal).

Vérification faite par l’Inspection générale: « C’est pourquoi, si les effets s’avèrent contrastés en ce qui concerne les élèves « à faibles besoins » ou « à besoins modérés », en revanche les élèves les plus fragiles, « à forts besoins », n’ont clairement pas bénéficié des avancées attendues de la mesure. Les raisons en sont multiples mais le risque est majeur de voir les écarts de compétences se creuser entre les élèves et ainsi fragiliser fortement le retour en classe entière en début de 4e. » Le rapport évoque aussi une « dérive programmée des continents ».

Ce que la recherche dit des classes de niveau de façon unanime s’est donc réalisé une fois de plus. Quelle surprise !

C’est pourquoi le SNES-FSU n’a pas attendu la parution de ce rapport pour attaquer les nouveaux décret et arrêté en Conseil d’État. Cette procédure a débuté par des recours gracieux auprès des ministères concernés qui ont été motivés ainsi  :

– par ce décret le Premier ministre renonce à exercer une compétence qui lui a été confiée par la loi, en la déléguant au ou à la ministre de l’Éducation nationale

– l’arrêté met en place une organisation des enseignements dans les classes de collège qui ne correspond pas à l’objectif recherché et annoncé, cela relève d’une erreur manifeste d’appréciation.

Des élèves malheureux et malheureuses

Le rapport témoigne du malaise des élèves. La perte de possibilités d’entraide, le sentiment d’être mis·e à l’écart voire l’humiliation d’être dans le regroupement des élèves « à besoins » sont cités. Même les élèves du regroupement « en réussite » dénoncent la pression scolaire et familiale qui en résulte. De même chez les parents, seules les familles aux indices de position sociale les plus élevés défendent une réforme qui leur promet de cultiver l’entresoi au sein des collèges publics… si leurs enfants réussissent à se maintenir dans le regroupement de « haut niveau ».

En accord avec le SNES-FSU sur la question des effectifs

Le rapport de l’Inspection générale ne cesse de promouvoir les bénéfices d’une réduction des effectifs.

Cela fait longtemps que le SNES-FSU revendique une diminution drastique des effectifs par classe et la pérennisation de dédoublements réguliers et fléchés dans toutes les disciplines. Dans le cadre d’une École inclusive, le SNES-FSU demande une baisse du nombre d’élèves à 20 par classe (et 16 en éducation prioritaire). La baisse démographique offre une belle occasion de mettre en œuvre une telle proposition. A ce jour, la France est championne des classes pléthoriques dans l’Union européenne.

Une méconnaissance des textes règlementaires

Le SNES-FSU reviendra dans un autre article sur la vision que l’Inspection générale donne des professeur·es. Elle-même semble méconnaitre une partie des textes règlementaires. Une préconisation invite les chef·fes d’établissement à organiser, seul·es, les enseignements alors que c’est au conseil d’administration de le faire, c’est-à-dire aux représentant·es élu·es des personnels, des élèves et des parents.

Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre

Malgré un rapport qui torpille les groupes de besoins, le ministère n’en retient que des préconisations mineures dans un courrier aux recteurs et rectrices, et ce afin de tenter de justifier la poursuite du dispositif à la rentrée 2025. La distorsion est telle entre ces préconisations et les recommandations du rapport des IG qu’on peut se demander quel bénéfice le ministère peut tirer de cette publication. Un croc-en-jambe à l’initiateur de la réforme peut-être ? Mais il n’est pas valorisant de se montrer obstiné dans l’erreur.

Il est temps que le ministère réinstaure la démocratie sociale en prenant attache auprès de l’organisation syndicale majoritaire du second degré pour mettre fin à une réforme délétère. Sa connaissance du terrain peut éviter ce type d’errements.

Encore une fois, le SNES-FSU demande l’abandon des groupes de besoins du « Choc des savoirs » ; il revendique des effectifs allégés dans toutes les classes de collège et appelle la profession à résister dans les établissements.


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