Une version éloignée du projet initial

Le Snes-FSU avait globalement soutenu le projet présenté en avril 2015, qui a été soumis à consultation : il avait été rédigé par un IPR et des enseignants de terrain qui avaient tenté d’écrire un projet réaliste, ouvert aux avancées de la recherche historique, tout en intégrant la dimension citoyenne dont la discipline est revêtue. Ce projet impliquait des choix, faisant confiance aux équipes enseignantes, et laissait du temps aux élèves (six heures environ par thème abordé) pour s’approprier des notions et des époques. Il répondait en cela aux préoccupations majeures de la profession. Par ailleurs, il prenait en compte les interrogations d’aujourd’hui qui dépassent le seul cadre national.
Aujourd’hui, ce projet est balayé, et remplacé par un quasi copié-collé du programme actuel dont chaque enseignant s’accorde à dire qu’il est beaucoup trop lourd, impossible à traiter… et donc inachevé pour la plupart des niveaux et des établissements. De plus la réforme du collège, par la création des EPI et leur mise en œuvre chronophage va amputer les horaires proprement disciplinaires : il faudra faire autant, voire plus, avec moins d’heures.
Exemple, pour le niveau 3ème :
Les enseignants devront traiter la seconde guerre mondiale en 3 heures, l’Allemagne nazie en une heure.. (ce dernier sujet est inséré dans un thème de quatre heures évaluation comprise : « démocraties fragilisées et expériences totalitaires entre les deux-guerres »… Si l’on compte qu’il faudra évoquer aussi la France des années trente, la révolution bolchévique, l’URSS de Staline et faire une évaluation, il reste bien une heure pour l’Allemagne nazie !).

Les rédacteurs semblent conscients de cette impasse, car dans la colonne « Démarches et contenus d’enseignement » on peut lire à plusieurs reprises la consigne de présenter « à grands traits ». Par exemple, dans le thème 3 du programme de géographie de la classe de 4ème, on propose d’étudier trois sous-thèmes, tout en précisant « L’étude de ces trois sous-thèmes de très large spectre ne peut être qu’esquissée avec les élèves. » A quoi bon « esquisser » trois études ?
La seule partie plus ou moins rescapée du projet initial est celle qui fait référence aux différents domaines du socle. Celle-ci constitue une avancée par rapport aux programmes actuels, en réaffirmant les spécificités méthodologiques de la discipline et ses ambitions formatives, mais elle s’avérera nulle et non avenue (ou d’une grande hypocrisie) si le nombre de thèmes, de sous-thèmes, et d’études de cas en géographie reste en l’état. Aucun enseignant ne pourra tenir toutes les exigences à la fois, pas plus qu’il ne pourra répondre à la suggestion faite dans le préambule du programme de géographie, « d’envisager et engager de nombreuses activités de type projet avec les élèves ». On met là encore les professeur-e-s dans l’impossibilité de faire leur travail !

Comment interpréter un tel revirement ?

Le MEN avait instauré un organisme indépendant, devant résister à toute pression : le Conseil Supérieur des Programmes. Dès la publication de l’avant-projet de programme, en avril 2015, le CSP a été dessaisi de la rédaction des programmes d’histoire du cycle 4, la ministre ayant annoncé elle-même qu’il serait revu. Mais par qui ? Le programme actuellement présenté n’a plus rien en commun avec le projet initial. On y devine l’influence de tendances tout autres que celle de Jean Zay… Des gages ont été donnés aux tenants d’une histoire scolaire à visée identitaire, largement médiatisés. L’histoire de France est ainsi réaffirmée avec force dès le préambule, et largement confortée dans le détail. Les nouveautés qui avaient été introduites dans le projet initial ont été jetées aux orties. La fin de l’unité califale est identifiée à la prise de Constantinople, vision européenne oblige, mais qu’importe l’exactitude historique quand il s’agit de cet autre monde méditerranéen ! En géographie, la France « rayonne » évidemment…
La part du religieux est devenue considérable, notamment dans le programme de cinquième. Un tel déséquilibre laisse clairement voir, là encore, les influences qui ont pesé dans la réécriture du projet.

Ce programme qui doit être soumis au Conseil Supérieur de l’Éducation est donc très éloigné de celui sur lequel les enseignants ont pu se prononcer. Son seul mérite sera peut être de ne pas s’attirer les foudres d’une certaine presse mais il ne correspond ni aux attentes des professionnels ni aux réels besoins des élèves. Il faut donc que la profession se mobilise pour que le CSE puisse amender largement le texte.

Lire ici les projets de programmes des cycle 3 (dernière année : 6e) et cycle 4 (5e – 4e – 3e)

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