Malgré les discours des institutions européennes ou françaises sur la diversité linguistique, force est de constater aujourd’hui un renforcement constant de la position hégémonique de l’anglais (cf. travaux de Calvet et de Truchot, par exemple), notamment dans le système éducatif. Il n’y a qu’à lire le rapport de Pierre Mathiot, rendu au Ministre sur le Baccalauréat (2018), pour s’en rendre compte :

« L’anglais devient une discipline à part des langues vivantes, tant il nous semble logique de la considérer comme une discipline fondamentale, à côté bien entendu d’une autre langue vivante enseignée dans l’Unité Générale. »


De la même manière, dans leur rapport pour une meilleure maîtrise des langues vivantes étrangères (2018), Chantal Manes-Bonnisseau et Alex Taylor écrivent :

« Le 23 février dernier, à l’occasion d’une intervention sur le commerce extérieur, le Premier ministre a ainsi souligné que la maîtrise de l’anglais était un levier culturel majeur et il a demandé aux ministres Blanquer et Vidal d’accélérer la transformation de son enseignement. »

 

Bref, l’anglais serait la nouvelle « lingua franca » en Europe (cf. données d’Eurostat), c’est-à-dire comme toute langue véhiculaire, fondamentalement utilitaire. Cela est d’autant plus ironique en ce moment historique où les relations entre l’UE et la Grande-Bretagne semblent se tendre du fait du Brexit.

Dernières preuves en date : le choix du Ministre Blanquer de faire passer une certification en anglais aux élèves de Terminale et de se passer du CLES pour aller vers une certification privée (cf. lettre ouverte des responsables du CLES au premier ministre en PJ) en anglais en Licence. Or, derrière ces certifications se cachent des marchés juteux (cf. les appels d’offre passés au BOAMP) et celles-ci questionnent à la fois les pédagogies mises en œuvre dans les classes (cf. la perspective dite « actionnelle » du CECRL que ces certifications ignorent totalement) et le rôle de « certificateurs » des enseignant·e·s de langues, via des diplômes et examens nationaux.

C’est que l’enjeu autour de l’anglais se veut plus géo-politique que pédagogique. En effet, alors que les politiques français n’ont de cesse de vouloir défendre la francophonie, dont l’un des fondements est la défense de la diversité culturelle et linguistique, parallèlement, ils soutiennent souvent cette logique du « tout anglais » pour des raisons souvent reprises par l’opinion, sans jamais trop les questionner : organisation de la communication internationale, échanges au niveau planétaire, mise en relation des personnes et des institutions, notamment grâce aux nouvelles technologies, etc.

Pourtant, la recherche actuelle questionne de plus en plus ce choix politique. Par exemple, Michaël Oustinoff dans La diversité linguistique, enjeu central de la mondialisation (2013) écrit :
« Le monde contemporain se caractérise par la conjonction de trois phénomènes majeurs : la mondialisation et l’avènement des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTICs), l’émergence d’un monde multipolaire en raison de la montée en puissance des BRICS, l’entrée dans un « monde post-américain » (F. Zakaria). Ce triple processus fait de la diversité linguistique un enjeu central de la mondialisation et rend obsolète le modèle dominant du tout-anglais. »


De même, écrit Barbara Cassin, dans Il faut au moins deux langues pour savoir qu’on en parle une (2014) :
« Refuser le globish, voilà le geste politique : il ne s’agit pas de réduire toutes les langues à une langue de communication qui n’en est plus une, qui n’a d’ailleurs rien à voir avec l’anglais, ce dont le British Council se désole tous les jours. »

Syndicalement, le SNES-FSU n’a de cesse d’interpeller le Ministère et sur sa politique de diversification des langues (par exemple, dans la réforme Blanquer du lycée, la seule spécialité langue qui existera, et encore pas de partout, sera très majoritairement en anglais) et sur son choix de développement de certifications par des organismes privés qui représente une marchandisation du système éducatif.

Enfin, pour lever tout éventuel malentendu, être contre le « tout anglais », ce n’est pas être contre l’anglais, bien au contraire : c’est affirmer le monde de plus en plus multiculturel dans lequel nous vivons, c’est affirmer que l’école est là pour apprendre de véritables langues, adossées à des cultures, c’est prendre conscience des évolutions linguistiques et économiques du monde.

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