Notre lecture des derniers programmes de technologie

C’est visiblement le souhait de la DGESCO et de l’IGEN de limiter la technologie à l’énumération de certaines techniques et de la restreindre à la réalisation de manipulations pratiques ou expérimentales. Le sens donné par le socle commun de connaissances, de compétences et de culture n’était pourtant pas, de limiter exclusivement les contenus de cette discipline aux spécialités particulières des sciences et techniques industrielles ou de réduire les objectifs d’enseignement à la formation d’exécutants utilisateurs d’objets courants. Ce que proposent les programmes est une dangereuse orientation.
Après le passage devant le CSE, strictement consultatif, et les dernières corrections réalisées sans aucune transparence, que va-t-il rester de la technologie ? Cette orientation discutable où prévalent des conceptions issues de personnalités, de groupes de pression extérieurs au CSP et non reconnus par les spécialistes sera à l’origine du désastre à venir.

La dernière écriture ne tient compte ni des consultations effectuées et ni des recommandations faites par notre ministre.
Les niveaux de maîtrise attendus en fin de cycle ne sont plus clairement exprimés.
La terminologie claire, stabilisée et unifiée demandée n’a pas été recherchée et le vocabulaire n’est aucunement explicite comme le laisse particulièrement apparaître au cycle 4 l’introduction de la technologie. D’autre part, en imposant ou simplement en privilégiant des pratiques et des démarches de mise en oeuvre, les programmes ne respectent plus leur propre Charte. Par exemple les allusions répétées à une certaine « investigation », sans qu’il soit explicitement fait référence à un simple questionnement ou à des activités de recherche ou d’observation scientifiques dont ce terme devrait rester l’exclusive, ne peut être acceptée. Compte tenu des pressions pour que soit imposé l’EIST, le terme « investigation » ne peut être considérée que comme associée à la démarche pédagogique du même nom qui, selon la Charte des programmes, ne peut être imposée.
Les soi-disant repères de progressivité présentés n’en sont pas, ils restent totalement opaques et reposent sur une forte méconnaissance du travail concret dans les classes de collège.

Moyens horaires, matériels et formations pédagogiques associés aux nouveaux programmes
On espère que le financement des équipements et matériels pédagogiques indiqués par les rédacteurs des programmes a été correctement évalué et que la formation indispensable des enseignants sera correctement anticipée, sans cela il n’y aura plus d’enseignement de technologie en collège.
Pour que les temps de productions et d’activités de toutes natures, associées à la technologie, soient réellement reconnus, les dotations horaires des établissements doivent permettre un enseignement en groupe réduit ne dépassant pas 20 élèves en collège (16 élèves en établissements de l’EP).

I Pour le programme de sciences et Technologie de cycle 3 :

Nous rappelons que la demande du SNES est un retour à l’horaire précédent la réforme : 2h par semaine en 3e et 1h30 dont 0h30 en groupe en 6ème.
Pour la 6ème, le calibrage de chaque discipline adapté aux horaires n’est pas indiqué ou n’a peut être pas même été pensé et s’oppose ainsi à la demande de notre ministre.
Nous dénonçons la pression pour imposer l’EIST par la fusion des programmes de PC, SVT et Technologie en un seul programme qui n’a aucun sens pédagogique compte tenu des démarches et objectifs disciplinaires spécifiques des trois enseignements. Ce regroupement est tant artificiel que les rédacteurs ont été incapables de construire les liens permettant l’écriture d’un programme global pour ce cycle, aussi des pages entières restent avec une entrée disciplinaire exclusive. Là où les textes se rejoignent, on perçoit nettement que ces parties du programme sont tant imbriquées qu’elles ne pourront être traitées que par un unique enseignant ayant la charge imposée des trois disciplines. Comme le laisse entendre la réforme du collège, il s’agit bien ici de tout verrouiller pour que l’EIST prenne place au collège, mais sans attribuer les moyens pour permettre dédoublements et concertations. Il y avait pourtant une possibilité d’initier l’interdisciplinarité entre sciences et technologie.
Il suffisait de considérer la production technologique réellement mise en œuvre en classe par les élèves comme point de départ d’analyses et études scientifiques permettant de créer du lien. Justifier le comportement d’un matériau, expliquer la transformation de l’énergie et ou le principe de son transport à partir de l’objet fabriqué en technologie par les élèves, en mettant en œuvre la démarche d’investigation dans un cadre scientifique stricte, cela aurait pu se construire et chaque discipline aurait trouvé alors une juste place.

Travail concerté
On nous dit qu’ « En fin de cycle 3, lors de l’année de 6e, la globalisation de l’horaire sciences & technologie vise à faciliter un travail concerté entre professeurs, afin de poursuivre l’approche interdisciplinaire rencontrée en primaire. » On se moque de nous, la globalisation des horaire ne facilite en rien un travail concerté, et on sait tous que c’est la construction des programmes eux même et les temps donnés aux enseignants qui peuvent induire la construction de cette interdisciplinarité.

Les quelques « repères de progressivité » sont largement insuffisants pour permettre une organisation cohérente des progressions entre école et collège.

Ce programme parait décousu et mal pensé, avec des partie attachés exclusivement à l’un ou l’autre des disciplines, ce qui rend sa lecture incompréhensible lors d’une entrée disciplinaire.
La notion d’énergie est par exemple abordée sans que l’on ne puisse discerner, pour ce qui devra être traité en technologie, s’il s’agit de l’énergie produite, utilisée, transformée, par objet technique lors de son action ou par l’utilisateur lors de l’usage de cet objet ou encore nécessaire à la fabrication ou le recyclage de l’objet lui même.

L’ « habileté manuelle et expérimentale » explicitée dans les compétences nécessite que les textes imposent la mise en place de groupes à effectifs réduits comme nous l’avons écrit plus haut.

II Pour le programme de Technologie du cycle 4 :

1 Un glissement général et concordant vers une conception de la technologie que nous ne pouvons accepter :
Issue par principe du socle commun de connaissances, de compétences et de culture, les programmes auraient du être la déclinaison des objectifs de connaissances, de compétences et de culture de chaque domaine portés par chaque discipline. Pour la technologie, nous voyons apparaître, lors des dernières écritures, un glissement sémantique systématique très inquiétant.

Pour exemple :
– L’élève doit-il produire réellement quelque chose un tant soit peu technologique dans le cadre d’un projet technique organiser en classe ?
Dans l’annexe du socle commun de connaissances, de compétences et de culture, page 2, les premières phrases du 3ème paragraphe nous indiquent que « L’élève engagé dans la scolarité apprend à réfléchir, à mobiliser des connaissances, à choisir des démarches et des procédures adaptées, pour penser, résoudre un problème, réaliser une tâche complexe ou un projet, en particulier dans une situation nouvelle ou inattendue. »
Plus loin, page 4, dans la présentation du domaine 2 : les méthodes et outils pour apprendre et de la partie « Coopération et réalisation de projets » il est précisé que « L’élève travaille en équipe » et « apprend à gérer un projet, qu’il soit individuel ou collectif.  » Qu’ « Il en planifie les tâches, en fixe les étapes et évalue l’atteinte des objectifs. »
La page 51 des programmes proposés pour consultation indique que l’élève doit « Travailler en mode collaboratif, coopérer. Participer à l’organisation, au respect de la planification d’une activité, ou projet. » et dans la version corrigée de ce programme, au final, à la page 95, intégré dans « Imaginer des réponses, matérialiser une idée en intégrant une dimension design » cela devient « Participer à l’organisation de projets, la définition des rôles, la planification (se projeter et anticiper) et aux revues de projet. Organisation d’un groupe de projet, rôle des participants, planning, revue de projets. » C’est enfin claire, participant juste à l’organisation, l’élève n’aurait donc plus à réaliser le projet lui même…

– Les enseignants sont-ils encore considérés comme des professionnels capables de penser leur métier ?
On peut en douter à la lecture des programmes car, si « Les enseignants définissent les modalités les plus pertinentes pour parvenir aux objectifs » comme l’indique le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, dans les programmes, les démarches pédagogiques sont clairement limitées (« la technologie participe à la réussite personnelle de tous les élèves grâce aux activités d’investigation, de modélisation, de réalisation et aux démarches favorisant leur implication« ) et enfin strictement privilégies ou imposées dans chaque thématique.

– Les objectifs et les finalités de la discipline sont-ils clairement respectés et explicités par les programmes ?
On nous affirme qu’ « Au cycle 4, l’enseignement de technologie privilégie l’étude des objets techniques ancrés dans leur réalité sociale et se développe selon trois dimensions : une dimension d’ingénierie – une dimension socio-culturelle – une dimension scientifique. » Soit, même si les termes sont discutables et la finalité déjà faussée puisque la technologie n’est pas une science d’étude des objets même un tant soit peu techniques. Jusque là cela semble relativement ouvert et chaque enseignant pourrait y trouver matière à « faire » mais dès la phrase suivante on découvre que « Ces trois dimensions se traduisent par des modalités d’apprentissage convergentes visant à faire découvrir aux élèves les principales notions d’ingénierie des systèmes. » ??? La technologie au collège serait donc une pré-filière des sections de Sciences et Techniques Industrielles du lycée. Comment donc, c’est cela l’objectif d’une discipline déclinée du socle commun de connaissances, de compétences et de culture ? Pour noyer un peu plus le lecteur ou masquer, si cela était encore possible, la supercherie, il est affirmé et en complète contradiction avec ce qui était dit plus haut que « Les objectifs de formation du cycle 4 en technologie s’organisent autour de trois grandes thématiques issues » on ne sait visible en haut lieu pas trop comment « des trois dimensions précitées : le design, l’innovation, la créativité; les objets techniques et les changements induits dans la société ; la modélisation et la simulation des objets techniques. » On va alors de surprise en surprise lorsque on nous affirme ensuite que « Ces trois thématiques doivent être abordées chaque année du cycle 4 car elles sont indissociables.« ??? » Le programme de technologie, dans le prolongement du cycle 3, fait ainsi « ??? » écho aux programmes de physique-chimie et de sciences de la vie et de la Terre et s’articule avec d’autres disciplines pour permettre aux élèves d’accéder à une vision élargie de la réalité. »
On peut se poser légitimement la question pertinence de cette réalité ainsi construite !!! Et de quelle réalité peut-il être question lorsqu’on perçoit au fil des textes ce glissement néfaste et très orienté vers les STI.

Parce que cet étrange projet a été rédigé avant les consultations et en dehors du contrôle du Conseil Supérieur des Programmes, il était difficile aux rédacteurs d’imposer l’organisation en trois nouvelles thématiques sans perturber et réorienter ce qui était déjà écrit. Ainsi, dans la précipitation, la construction de réels liens a été oubliée et on a même pas pris la peine d’indiquer des repères de progressivité.

Enfin et pour conclure, il serait bon de rappeler que la voie professionnelle et toutes les voies du lycée général ne peuvent être ignorées au collège. La technologie ne peut se limiter exclusivement au champs particulier des sciences et techniques industrielles.

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