De tous ceux tenus par le Président de la République à Marseille fin juin, il n’y a qu’un propos qui soit exact sur le collège : le temps périscolaire est un temps pendant lequel les inégalités scolaires se creusent. Les enfants de famille dont l’lPS est élevé profitent de différents types d’activités, voire d’heures de soutien organisées par des officines privées mais financées par des réductions d’impôts. L’éventail d’activités éducatives est nettement moins étendu pour les élèves de milieu populaire.

Dans sa proposition, 50 collèges de cités éducatives pourront se porter volontaires pour expérimenter l’accueil de tou·tes les collégien·nes de 8 heures à 18 heures. Pourquoi des cités éducatives ? Non pas parce que leur dotation horaire globale (DHG) d’enseignements serait abondée plus largement mais parce qu’il y a une grosse enveloppe de subventions dans chaque cité éducative pour financer des associations, dont un certain nombre sont issues des entreprises du MEDEF ou sinon liées à ces dernières. La promesse présidentielle n’est pas celle d’une plus longue durée d’enseignement dans de bonnes conditions d’étude, mais d’une plus large ouverture encore des collèges à ces structures qui entrent en concurrence avec le service public d’Éducation et contre lesquelles mêmes les conseils d’administration peinent à utiliser un droit de veto. Qu’y feront-elles ? Ce qu’elles font déjà : un peu d’aide aux devoirs ou de l’animation récréative mais surtout certaines d’entre elles s’attacheront à formater les élèves aux modalités d’une société néolibérale (apprentissage, entrepreneuriat, logique de réseau…) au mépris de la neutralité du service public.

Dans les faits, cette annonce n’est pas novatrice : il existe déjà bon nombre de collèges qui sont ouverts sur une telle plage horaire car beaucoup d’élèves doivent attendre en zone rurale ou en Guyane par exemple, l’heure fixe du transport scolaire.

Ce qui est certain, c’est qu’une fois de plus, la volonté de livrer une annonce aux médias aura refoulé les contraintes de terrain : là où le bâti est exigu et où les élèves s’entassent déjà, imagine-t-on les tensions qui seront créées par la présence continue et simultanée de tou·tes les élèves, et ce d’autant que les vies scolaires restent largement sous-dotées elles aussi.

Du temps pour apprendre

À chacun de ses congrès comme lors de son colloque sur le collège du 30 mars 2023, le SNES-FSU a proposé des pistes pour rendre le collège plus démocratisant, c’est-à-dire penser un collège qui permette la réussite de toutes et tous les élèves. C’est pourquoi, il soutient un projet de collège où le temps d’enseignement avoisine les 32 heures plutôt que les 26 heures de la réforme du collège 2016.

Dans le projet du SNES-FSU , toutes les disciplines voient leur temps d’enseignement allongé ou bien bénéficient de possibilités garanties et régulières de fonctionner en groupes à effectifs réduits. Une semaine trop chargée dans des classes pléthoriques ne peut amener qu’à des problèmes de dissipation. Il faut pouvoir aborder les enseignements sous des modalités différentes qui leur sont propres comme celles de l’expérimentation en sciences qui nécessite de petits groupes. Il faut aussi que les professeur·es puissent apporter l’aide nécessaire à toutes et tous leurs élèves en difficulté et/ou à besoin particulier. C’est à l’école que l’école doit être faite, sans cours de rattrapage à la maison, et pour cela, il faut du temps et des moyens. Pour que la journée en collège ne paraisse pas trop pesante, il est nécessaire que les collèges restent à échelle humaine avec un effectif total ne dépassant pas 600 élèves.

La demi-journée avenir à partir de la Cinquième

Confirmé par le Président à Marseille, le développement du dispositif de Découverte des métiers dès la Cinquième est une autre occasion de favoriser l’entrisme des entreprises et de leurs associations dans les collèges. Derrière un discours rhétorique qui prétend qu’il faut réfléchir tôt à un projet professionnel, se dissimule mal un projet de société qui renforce les déterminismes sociaux plus fortement encore. Est-ce que les élèves destiné·es aux grandes écoles projettent dès le plus jeune âge leur avenir professionnel ? Non, ils et elles se concentrent sur leur travail scolaire de façon à obtenir les meilleurs résultats et s’ouvrir le champ des possibles par leur choix de spécialités en lycée.

La volonté présidentielle d’individualiser plus tôt les parcours des élèves participent d’une École du tri social.

Le président réduit la voilure

Le ministère de l’Éducation nationale a dû faire valoir au Président l’impossibilité pratique, pour les collèges, de recevoir des professionnels présentant leurs entreprises une demi-journée. C’est pourquoi les annonces présidentielles se dégonflent au fil du temps. Il y a quelques mois, E. Macron parlait d’une demi-journée par semaine… aujourd’hui, c’est par quinzaine. Même si le temps prévu était divisé par deux, il se monterait à environ 54 heures par an, ce qui reste énorme. Rappelons que la note de service pour l’année 2023-2024, parue en mai dernier, ne prescrit aucun volume horaire pour la Découverte des métiers.

Par ailleurs, lorsque le Président prononce l’expression « Dispositif avenir », le ministère y intègre l’apprentissage du codage qui devrait être développé dans le prochain programme de technologie de cycle 4, ce qui diminuerait d’autant le temps consacré à la Découverte des métiers. À la lecture de la lettre de saisine du Conseil supérieur des programmes pour l’écriture du programme de cycle 4 de technologie, il y a fort à parier que ce sont ces professeur·es qui seront commis·es pour s’occuper de la Découverte des métiers sur leur temps d’enseignement. Voilà donc comment les professeur·es de technologie risquent de voir leur discipline revalorisée : en étant désigné·es spécialistes de la pré-orientation des élèves en difficulté !

De telles décisions ne peuvent que préparer un futur palier d’orientation dès la fin de la Cinquième, comme cela a déjà existé. Cette fois cependant, ce serait pour amener les élèves exclu·es du collège unique vers l’apprentissage précoce. D’autres pays ont déjà entamé ces transformations depuis plusieurs années. Leurs corollaires sont une forte augmentation des accidents du travail mortels de jeunes, comme en Italie. On voit fleurir les articles de journaux sur le travail des enfants qui reprend dans des pays industrialisés comme l’Australie, les Etats-Unis et parfois ces enfants sont employé·es à des tâches dangereuses.

Ce n’est certainement pas dans ce sens que le SNES-FSU souhaite voir évoluer la société ! Son projet est au contraire de former des citoyen·nes émancipé·es pouvant participer pleinement de la société. Le SNES-FSU rappelle son opposition à la Découverte des métiers, un dispositif en tout point articulé et cohérent avec la réforme de la voie professionnelle que nous combattons.

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